Instabilité politique : la PPE3 ne peut pas être l’otage des crises gouvernementales

La crise politique que traverse la France ne menace pas seulement les équilibres institutionnels. Elle met aussi en péril la transition énergétique du pays. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), attendue depuis deux ans et annoncée « avant la fin de l’été », est à nouveau repoussée. Enjeu majeur pour l’avenir du mix énergétique français, elle se retrouve prise en otage des affrontements politiques et des calculs partisans.

François Joubert
By François Joubert Published on 11 octobre 2025 9h30
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electricite-prix-negatif-ponts-mai-disjoncter - © Economie Matin
48%L’Union européenne produit 48 % de son électricité à partir de sources renouvelables

Ce vide stratégique est lourd de conséquences. Sans PPE3, pas de visibilité pour lancer les appels d’offres, sécuriser les investissements, préparer les infrastructures, former les compétences et créer les emplois dont le pays a besoin. Chez certains grands énergéticiens français ainsi qu’au sein du Syndicat des énergies renouvelables, les voix se sont élevées ces dernières semaines pour dénoncer cette paralysie. Même du côté du nucléaire, dont l’exécutif entend relancer massivement le programme, l’absence de cadre clair fragilise les perspectives industrielles.

Or, la France n’a plus le luxe d’attendre. Tous les scénarios — ADEME, RTE, Commission européenne — convergent : la demande d’électricité va fortement croître dans les prochaines décennies, portée par l’électrification des mobilités, du chauffage et de l’industrie. Reporter les ambitions renouvelables au motif que la consommation croîtrait moins vite serait une erreur d’analyse. Dans le même temps, miser quasi exclusivement sur de nouveaux EPR, dont les coûts et délais restent incertains, revient à parier sur l’immobilisme plutôt que sur la transition.

La situation actuelle illustre une faiblesse de notre modèle : l’instabilité réglementaire. Les acteurs de l’énergie n’attendent pas de subventions massives, mais un cadre lisible et durable. La PPE3 devrait être l’occasion d’envoyer des signaux clairs sur la complémentarité entre nucléaire, renouvelables, stockage et efficacité énergétique. Or, elle se retrouve torpillée par une bataille idéologique où chaque camp défend son « totem » technologique, au détriment de la cohérence d’ensemble.

Pour réussir, trois impératifs doivent guider l’action publique :

  • La stabilité réglementaire. Les acteurs de l’énergie ne demandent pas des subventions, mais de la clarté et de la cohérence dans la durée. Le cadre général doit permettre d’envoyer des signaux prix clairs, notamment sur la flexibilité, et faire ensuite confiance à la concurrence pour trouver les solutions les plus efficaces. Le dirigisme qui conduit la France à vouloir revenir au tout nucléaire ne prend pas en compte les évolutions techniques (diminution des coûts des renouvelables et du stockage) et organisationnelles (développement d’une compétition robuste tant sur le marché de gros que sur le marché de détail) dont le secteur de l’énergie a su faire preuve ces dernières années.

  • La complémentarité énergétique. La France a besoin de nucléaire, mais aussi de renouvelables, de biogaz, de solutions de stockage et d’efficacité.

  • La confiance citoyenne. Sans l’adhésion des ménages et des entreprises, aucune stratégie ne pourra réussir. Or la confiance ne se décrète pas : elle se construit par la pédagogie, la transparence et la stabilité.

La PPE3 ne peut pas être l’otage d’une crise politique passagère. Elle doit devenir l’outil structurant d’une stratégie bas-carbone ambitieuse, stable et partagée. La France a besoin d’une feuille de route qui dépasse les clivages, qui donne de la visibilité à ses filières industrielles et qui transforme la transition énergétique en opportunité de compétitivité et de souveraineté, plutôt qu’en terrain d’affrontements partisans.

François Joubert

Directeur général d’Ohm Énergie

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