Des chercheurs financés par l’UE conçoivent de puissants télescopes pour aider à détecter des exoplanètes semblables à la Terre et orbitant autour d’étoiles éloignées, afin de faire avancer la recherche de vie extraterrestre.
Un nouveau télescope perce le bruit stellaire pour détecter des planètes semblables à la Terre

Parmi les milliards de galaxies et d'étoiles que compte l'univers, seule la Terre est connue pour héberger la vie. Mais l'espoir de découvrir d'autres planètes habitables encourage les scientifiques à mettre au point des techniques toujours plus sophistiquées.
Même si, à ce jour, nous avons recensé quelque 6 000 exoplanètes, nous n'avons pas encore trouvé un équivalent exact de la Terre: une planète de taille similaire, en orbite autour d'une étoile semblable au Soleil et positionnée de manière analogue à la nôtre. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Mais cela reflète plutôt l'ampleur des difficultés à surmonter.
Les scientifiques ont identifié des exoplanètes rocheuses d'une taille comparable à celle de la Terre autour de petites étoiles naines rouges, mais il leur est beaucoup plus difficile de détecter celles qui orbitent autour d'étoiles similaires au Soleil car elles apparaissent relativement plus petites par rapport à leur étoile hôte, plus lumineuse. Mais la quête des chercheurs pourrait se trouver facilitée par un nouveau télescope.
Il sera ainsi possible d'élargir le champ de recherche des conditions d'habitabilité dans la galaxie. Nous savons que la Terre possède la taille et la distance idéales par rapport à son étoile hôte pour abriter l'eau et la vie. En est-il de même ailleurs?
Atténuer le bruit
Le docteur Nuno Santos, un astrophysicien portugais de premier plan et acteur clé de l'étude des exoplanètes en Europe, dirige un groupe de recherche financé par l'UE qui conçoit de nouveaux instruments d'observation. Ceux-ci permettront d'atténuer les interférences générées par ces «soleils» lointains et ardents.
L'un des obstacles majeurs est le «bruit» généré par les étoiles semblables à notre Soleil.
Les turbulences du plasma et les variations des champs magnétiques à leur surface produisent un ensemble de phénomènes dans les atmosphères stellaires, notamment des taches sombres et un motif de «granulation», similaire aux remous de l'eau en ébullition. Ces phénomènes masquent le faible signal produit par le passage d'une planète devant son étoile.
«Si on observe la surface du Soleil, elle ressemble à une casserole d'eau bouillante, parsemée de zones tantôt plus sombres, tantôt plus lumineuses», explique M. Santos. «Le gros problème, c'est que nous ne savons pas encore comment analyser ce bruit d'origine stellaire.»
Basés à l'Institut d'astrophysique et de sciences spatiales au Portugal, M. Santos et son équipe construisent un tout nouveau télescope appelé PoET (Paranal solar Espresso Telescope) dans le cadre d'un projet financé par l'UE et dont le terme est fixé à septembre 2027.
Cet instrument compact, d'un diamètre de seulement 60 centimètres, sera installé au Chili, à côté du Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire austral européen, situé sur une montagne du désert d'Atacama.
Plutôt que de chercher des planètes gravitant autour d'étoiles éloignées, PoET se focalisera sur notre propre Soleil, en analysant le bruit généré par la granulation et les processus connexes.
Ce télescope solaire sera connecté à un autre dispositif d'exploration spatiale situé au Chili, appelé ESPRESSO (Echelle SPectrograph for Rocky Exoplanets and Stable Spectroscopic Observations). Celui-ci est spécialement conçu pour décomposer la lumière stellaire en diverses couleurs et étudier les planètes orbitant autour d'étoiles distantes.
«En combinant ESPRESSO et les observations solaires, nous espérons comprendre précisément comment le Soleil se comporte dans différentes zones», affirme M. Santos.
On obtiendra ainsi un spectre détaillé des éléments chimiques émis par le Soleil, révélant comment ils évoluent au gré des mouvements de la surface. Finalement, ces données permettront aux astronomes de filtrer le bruit parasitant les observations d'étoiles similaires au Soleil et faciliteront la détection de planètes distantes semblables à la Terre.
Préparer la mission PLATO
Les observations effectuées avec PoET devraient commencer vers la fin de l'année 2025 et se poursuivre pendant trois ans. Le télescope emploie une configuration optique qui occulte l'ensemble du Soleil à l'exception de la zone étudiée.
PoET réalisera des observations en journée en collaboration avec ESPRESSO, qui sera piloté à distance par M. Santos depuis Porto. La nuit, ESPRESSO reprendra sa fonction principale avec le VLT.
Ces travaux préparatoires sont particulièrement cruciaux alors que l'Agence spatiale européenne s'apprête à lancer la mission PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars) en 2026.
Le télescope PLATO utilisera 26 caméras pour rechercher des planètes en orbite autour d'un million d'étoiles, en s'intéressant particulièrement aux planètes semblables à la Terre et gravitant autour d'étoiles similaires à notre Soleil. Ses instruments permettront de mesurer le rayon de chaque planète découverte, donnant ainsi aux chercheurs la capacité de calculer sa densité et sa composition, et ce même si elles se trouvent à des centaines ou des milliers d'années-lumière de distance.
Pour que PLATO réalise des mesures précises, il sera essentiel de minimiser le bruit stellaire avec l'aide de PoET. «Nous devons trouver un moyen de filtrer ce bruit afin de pouvoir pleinement exploiter les données de la future mission PLATO,» déclare M. Santos.
«Nous attendons de PoET qu'il nous apporte suffisamment de connaissances pour réduire ce bruit à un niveau adéquat.»
Des projets plus ambitieux en perspective
FIERCE et PoET existent grâce au soutien du Conseil européen de la recherche (ERC). «Sans l'ERC, nous serions dans l'incapacité de mener ce projet», a affirmé M. Santos.
Le travail de son équipe confère à l'Europe un rôle essentiel dans la recherche mondiale de planètes habitables, avec des missions comme PLATO qui laissent présager de nouvelles découvertes passionnantes.
Si tout se déroule comme prévu, PoET pourrait produire des résultats à partir de mi-2026, fournissant ainsi des données précieuses pour PLATO une fois celui-ci lancé.
Sur le long terme, des missions telles que l'Observatoire des mondes habitables de la NASA, prévu pour les années 2040, et le prochain grand télescope européen, qui devrait être achevé d'ici 2030, tenteront de capturer des images directes des planètes potentiellement habitables identifiées par PLATO et y rechercheront des signes de vie.
Mais avant cela, les astronomes doivent déterminer le nombre et la localisation de ces mondes potentiellement habitables. «La recherche de terres orbitant autour d'autres soleils est l'une des grandes questions que nous nous posons», conclut M. Santos.
Des télescopes tels que PoET et PLATO feront reculer les limites de nos capacités en matière d'exploration spatiale. Les avancées qu'ils apporteront nous aideront à mieux comprendre le cosmos et notre propre galaxie, mais également les possibilités de vie bien au-delà de la Terre.
Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.
Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.
Plus d’infos
- FIERCE (CORDIS)
- Site Web du projet FIERCE
- PoET
- PLATO
- Politique spatiale de l'UE
- Observatoire austral européen