Le phénomène de « friendflation », contraction des mots « friend » et « inflation », traduit une réalité sociale préoccupante depuis quelques années : pour un nombre croissant de Français, entretenir des liens amicaux devient financièrement difficile. Sorties, cadeaux, voyages… La vie sociale représente un budget conséquent que les plus modestes ne peuvent plus suivre. En France comme aux États-Unis, cette tendance inquiète économistes et sociologues.
Friendflation : quand l’amitié coûte trop cher

La sociabilité, une dépense de plus en plus inaccessible
Longtemps considérées comme un plaisir simple, les relations amicales s’accompagnent désormais d’un coût difficile à assumer pour de nombreux foyers. Selon une étude de l’Observatoire des inégalités (octobre 2024), 15 % des ménages français les plus modestes déclarent ne plus pouvoir se permettre de sorties entre amis au moins une fois par mois, contre seulement 0,6 % pour les foyers les plus aisés. Cette inégalité sociale s’ajoute à une pression budgétaire générale.
Aux États-Unis, une enquête menée en 2024 estime que les activités sociales représentent en moyenne 335 euros par mois, un chiffre qui grimpe à plus de 6 000 euros par an chez les jeunes actifs lorsqu’on y intègre les événements festifs comme les mariages ou les anniversaires. « J’ai eu quatre mariages à l’étranger en une année, ça m’a coûté près de 8 000 euros », témoigne Yasmina, 36 ans, au micro de nos confrères de RTL. Face à cette « inflation amicale », beaucoup n’ont d’autre choix que de renoncer.
Une fracture générationnelle et sociale
La « friendflation » frappe de manière inégale, touchant plus fortement les jeunes adultes et les foyers modestes. Aux États-Unis, 44 % des membres de la génération Z ont déjà renoncé à une sortie entre amis pour des raisons financières, contre seulement 23 % des baby-boomers. Et ce n’est pas seulement une question d’âge : selon le Credoc, les personnes aux faibles revenus sont deux fois plus exposées à l’isolement que les plus riches.
« Ils ont plutôt des petits logements, ce qui limite leur capacité à recevoir », explique Sandra Hoibian, directrice du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). « Prendre la voiture coûte cher, donc on va aussi limiter les déplacements », ajoute-t-elle. Les inégalités se creusent jusque dans la sphère privée, transformant la convivialité en luxe réservé à une minorité.
Un coût psychologique à ne pas négliger
La friendflation fait peser un lourd tribut sur le bien-être psychologique des individus. Aux États-Unis, 37 % des jeunes ont réduit leurs contacts avec leurs proches, et 43 % reconnaissent ne pas pouvoir suivre le niveau de vie de leurs amis. Ce décalage crée un sentiment de honte, de frustration et parfois d’isolement.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à plus de 871 000 les décès liés chaque année à la solitude dans le monde. Si certains chercheurs y voient une opportunité de redéfinir les codes de l’amitié – « Ce qui compte, ce n’est pas la fréquence, mais la qualité des moments partagés », rappelait l’Observatoire des inégalités – la réalité économique, elle, laisse peu de place à ces idéaux. Certes, les alternatives peu coûteuses existent – pique-niques, soirées à la maison, balades – mais elles restent conditionnées par le temps, l’espace et les moyens matériels, eux aussi inégalement répartis.
Surtout, la pression sociale pousse de nombreuses personnes à ne pas avouer qu’ils n’ont pas les moyens d’accepter les propositions de leurs amis. « On se dit que ça peut être sympa de faire ça, puis ça devient un engrenage, ça coûte toujours plus cher », confie Emma, interrogée par TF1 Info à propos de cette pression alimentée par les réseaux sociaux.