Le projet Cigéo, destiné à stocker en profondeur les déchets nucléaires les plus dangereux du pays, vient de franchir une étape déterminante après l’avis favorable du gendarme de la sûreté. Alors que 83 000 m³ de déchets radioactifs doivent y être enfouis, l’enjeu est désormais de rassurer le public sur un dispositif pensé pour protéger les générations futures tout en répondant aux exigences économiques nationales.
Déchets nucléaires : comment Cigéo veut sécuriser l’enfouissement profond

Le 4 décembre 2025 marque une avancée majeure pour la gestion des déchets nucléaires en France : l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) a estimé « satisfaisantes » les conditions de sûreté du projet Cigéo. Conçu pour stocker les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, il cristallise à la fois ambitions technologiques, impératifs économiques et interrogations locales.
Pourquoi l’enfouissement constitue la solution retenue pour les déchets nucléaires
Le projet d’enfouissement Cigéo repose sur une idée simple : isoler durablement des déchets nucléaires dont la dangerosité persiste pendant des centaines de milliers d’années. La France a ainsi choisi de les placer à près de 500 mètres de profondeur, dans une couche d’argile stable, afin de garantir un confinement passif, c’est-à-dire sans action humaine une fois le centre fermé. Selon l’Andra, « le stockage en couche géologique profonde constitue la solution retenue pour les déchets HA et MA-VL ». Ce choix résulte de trente années de recherches, d’essais géomécaniques et d’évaluations indépendantes qui démontrent la robustesse du milieu argileux contre les risques de corrosion, de circulation d’eau ou de séismes.
L’avis favorable rendu par l’ASNR souligne que cette solution est évaluée en continu. Pour Pierre Bois, directeur général adjoint, « c’est une étape clé très importante, mais ce n’est pas la fin de l’histoire ». La sûreté est considérée « satisfaisante en l’état », ce qui autorise la poursuite de la procédure mais impose aussi des points de vigilance sur la gestion des gaz ou l’évolution thermique des alvéoles. Cette exigence permanente contribue à renforcer la confiance du public, même si le caractère invisible du stockage, une fois enfoui, peut nourrir une certaine inquiétude.
83 000 m³ de déchets nucléaires, un projet colossal
Le centre Cigéo est dimensionné pour accueillir 83 000 m³ de déchets nucléaires de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Pour illustrer cet ordre de grandeur, cela représente l’équivalent de 33 piscines olympiques. Rapporté à plus de soixante ans de production électronucléaire, ce volume reste limité, car il ne correspond qu’aux déchets les plus dangereux : moins de 3 % de la masse totale des déchets produits en France, mais 99 % de leur radioactivité. Une partie de ces déchets existe déjà, l’autre sera générée au fil de l'exploitation des centrales actuelles et futures.
L’Andra, opérateur public chargé de la gestion de ces substances, pilote l’ensemble du projet depuis le dépôt de la demande d’autorisation de création en 2023. L’avis positif de l’ASNR permet désormais d’ouvrir la phase d’enquête publique, étape indispensable avant qu’un décret gouvernemental ne puisse autoriser la construction. Cette instruction progressive s’inscrit dans un calendrier long : l’exploitation du centre s’étendra sur environ 150 ans, le temps d’accueillir les déchets, de sceller les alvéoles et de garantir un suivi post-fermeture. Pour les territoires concernés de Meuse et Haute-Marne, l’enjeu est double : accueillir un projet industriel d’ampleur et dimensionner les infrastructures associées — routes, réseaux, emplois spécialisés — tout en maintenant un dialogue permanent avec les habitants.
Les réserves, les garanties et le rôle économique du projet pour l’industrie nucléaire française
Si la sûreté du projet a été jugée satisfaisante, plusieurs réserves demeurent. Elles concernent notamment la maîtrise des gaz produits pendant la dégradation de certains composants, ou encore la surveillance du comportement thermique des déchets nucléaires enfouis. L’ASNR précise que ces sujets devront faire l’objet d’études complémentaires. Malgré ces réserves, le principe du stockage géologique profond demeure le seul dispositif considéré comme robuste à long terme par les instances nationales et internationales. Son objectif est de réduire significativement les risques pour les populations, en évitant de reporter sur les générations futures une gestion active, coûteuse et incertaine.
Cigéo s’inscrit dans une stratégie de stabilité du nucléaire français. En offrant une solution pérenne aux déchets nucléaires, il sécurise l’ensemble de la chaîne industrielle, depuis les centrales jusqu’au démantèlement. Le projet permet également de structurer une filière locale qualifiée, constituée d’ingénieurs, de géologues, de spécialistes du génie civil et d’entreprises régionales. Bien que l'investissement soit important, il s’effectue sur plus d’un siècle et représente une fraction du coût global de la production nucléaire.
