En 2025, l’or s’envole comme rarement dans l’histoire récente, mais la Bank for International Settlements (BIS) lance une alerte inhabituelle : le métal précieux, longtemps perçu comme valeur refuge, présente désormais des caractéristiques de bulle financière. Tandis que l’or grimpe en parallèle des actions, la valeur de cet actif pivot de la finance mondiale pourrait se retrouver sévèrement remise en cause si le mouvement spéculatif venait à se retourner.
Bourse : l’or serait une bulle prête à éclater selon la BIS

Le 8 décembre 2025, la BIS dévoile sa Revue trimestrielle de décembre et insiste sur un point central : pour la première fois depuis au moins cinquante ans, l’or et les actions évoluent de manière simultanément explosive. Cette situation, qui rompt avec la logique traditionnelle des marchés, change la façon dont les investisseurs regardent l’or. Cet actif censé être un refuge ne renvoie plus seulement à la protection du patrimoine, mais aussi à un risque de bulle, avec des conséquences potentielles pour la valeur des portefeuilles, la solidité de la finance et la gestion des réserves de banque centrale.
Or et actions : une bulle financière en formation ?
Depuis le début de 2025, le prix de l’or a bondi d’environ 60 %, réalisant sa meilleure performance annuelle depuis 1979, tandis que sa progression dépasse 150 % par rapport à 2022, selon les données mises en avant par la BIS et relayées par plusieurs agences. Cette hausse spectaculaire de l’or intervient au moment où les grands indices d’actions américains progressent eux aussi fortement, avec un S&P 500 en hausse d’environ 17 % et un Nasdaq proche de +22 % sur l’année, porté par les valeurs technologiques et l’intelligence artificielle, selon la BIS. Ainsi, l’or ne se contente plus d’amortir les chocs de marché : il participe désormais à la même euphorie que les actions, ce qui nourrit l’idée d’une bulle globale plutôt que d’une protection isolée.
La BIS qualifie ce comportement conjoint d’« explosif », un terme rarement employé par cette institution pour décrire un marché de l’or ou un marché d’actions. Dans son analyse, elle rappelle que c’est « la première fois en cinq décennies » que l’or et les actions affichent simultanément un tel profil de bulle, ce qui remet frontalement en question la valeur attribuée au métal comme filets de sécurité.
L’institution, qui joue un rôle de banque des banques centrales, met ainsi en garde contre une « double bulle » : si le cycle se retournait, la correction pourrait frapper à la fois les actions et l’or, laissant les investisseurs sans refuge naturel dans la finance mondiale.
Or, banque centrale et investisseurs : une nouvelle valeur sous tension
Pour comprendre la situation, il faut d’abord regarder le rôle des banques centrales sur le marché de l’or. Depuis 2022, celles-ci achètent collectivement plus de 1 000 tonnes d’or par an, avec des acteurs majeurs comme la Chine, l’Inde ou encore la Pologne, ce qui a contribué à soutenir durablement la valeur du métal dans la finance internationale, souligne le Financial Times. Ces achats d’or s’expliquent par plusieurs facteurs : volonté de diversifier des réserves trop concentrées en dollar, inquiétudes sur la dette publique, besoin d’afficher des bilans plus robustes en période de tension géopolitique.
Cependant, la mécanique de marché s’est nettement transformée en 2025. La BIS souligne que, si la demande des banques centrales a posé un socle, la phase la plus récente de la hausse de l’or doit beaucoup aux investisseurs particuliers et aux flux vers les produits cotés indexés sur l’or.
Selon l’institution, les prix des ETF adossés à l’or se négocient depuis le début de l’année de façon répétée avec une prime par rapport à leur valeur nette d’inventaire, ce qui traduit une pression d’achat très forte et des limites à l’arbitrage. En d’autres termes, l’or est devenu l’objet d’un engouement de masse dans la finance, où les investisseurs individuels, attirés par la performance récente, renforcent la bulle potentielle en ajoutant un comportement mimétique à la demande déjà structurelle des banques.
Or spéculatif : les signaux d’alerte qui inquiètent la BIS
C’est précisément cette mutation du rôle de l’or que détaille la BIS dans sa revue. L’institution note que, durant la période récente, « les prix de l’or ont augmenté en parallèle d’autres actifs risqués », un mouvement « en décalage avec le schéma historique de faible performance de l’or en phase risk-on », selon le texte du rapport de décembre 2025. Normalement, l’or se renforce lorsque la finance se tend et que les actions chutent ; cette fois au contraire, l’or a suivi la hausse des marchés actions, ce qui signifie que l’actif ne joue plus le rôle de contre-poids traditionnel. La BIS ajoute qu’une partie de cette envolée de l’or provient d’investisseurs qui « cherchent à profiter de l’élan des prix », ce qui correspond à un comportement de recherche de momentum, typique des phases de bulle.
Les commentaires relayant l’analyse de la BIS vont dans le même sens. Des responsables et analystes cités par les agences expliquent que l’or se comporte « davantage comme un actif spéculatif que comme une valeur refuge », pour reprendre l’expression rapportée d’un économiste de la BIS dans la presse anglo-saxonne. Par ailleurs, l’institution insiste sur le fait que les investisseurs de détail jouent un rôle central dans ce basculement : leurs achats massifs d’or et d’actions alimentent un schéma de bulle dans lequel les prix montent plus vite que la valeur fondamentale que l’on peut attribuer à l’actif. La BIS rappelle ainsi que des comportements de ce type ont déjà précédé des corrections importantes, et souligne que les modèles d’« explosive behaviour » observés sur l’or sont, statistiquement, associés à de faibles rendements futurs.
Dans ce contexte, l’or, malgré son image historique, pourrait perdre brutalement de la valeur si la finance mondiale entrait dans une phase de désendettement ou de réévaluation du risque, ce qui justifie la fermeté de l’alerte lancée par la banque des banques centrales.
