Allocation sociale unique : simplifier les aides et lutter contre la fraude

En annonçant un projet de loi dès décembre pour créer une allocation sociale unique, Sébastien Lecornu ravive un débat ancien sur la simplification des aides, l’efficacité de la solidarité et la lutte contre la fraude. Une réforme ambitieuse, déjà esquissée par François Bayrou et François Fillon, qui pourrait rebattre les équilibres sociaux et financiers.

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By Adélaïde Motte Published on 14 novembre 2025 16h14
Allocation Sociale Unique Simplifier Les Aides Et Lutter Contre La Fraude
Allocation sociale unique : simplifier les aides et lutter contre la fraude - © Economie Matin

Le 14 novembre 2025, aux Assises nationales de Départements de France organisées à Albi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a confirmé le dépôt, en décembre, d’un projet de loi instaurant une allocation sociale unique. Cette réforme vise à harmoniser les bases de ressources du RSA, de la prime d’activité et des aides personnelles au logement, afin de réduire le non-recours, limiter la fraude et moderniser un système d’aides devenu illisible pour des millions de bénéficiaires.

Allocation sociale unique : un concept ancien remis en avant par Sébastien Lecornu

L’allocation sociale unique que défend aujourd’hui Sébastien Lecornu s’inscrit dans une longue généalogie politique. Dès les années 2010, François Fillon plaidait déjà pour une “allocation sociale unique plafonnée”, afin que le cumul des aides ne puisse dépasser un certain niveau et que “travailler rapporte toujours davantage”. Plus récemment, François Bayrou a relancé le sujet lors de la préparation du budget 2026, en défendant “une solidarité plus lisible, qui donne toujours la priorité au travail”, selon une déclaration rapportée par un média social national. En reprenant ce chantier, Sébastien Lecornu cherche à installer la réforme au cœur du nouveau pacte social : un dispositif automatique, unifié et fondé sur la solidarité à la source.

Toutefois, les travaux de la mission flash de l’Assemblée nationale montrent que l’allocation sociale unique portée par l’exécutif demeure progressive. Les rapporteurs Sandrine Runel et Nathalie Colin-Oesterlé expliquent que la réforme doit constituer “un socle commun” complété par des modules logement, famille ou handicap, tout en répondant à un “quadruple impératif : renforcer la solidarité, rendre lisible l’accès aux droits, garantir l’équité et assurer que le travail paie systématiquement”, selon leur communication officielle. Cette approche graduelle vise à éviter une fusion brutale, en préservant les publics les plus fragiles tout en préparant une automatisation accrue des droits.

Allocation sociale unique : un chantier technique aux impacts majeurs

Le périmètre financier de l’allocation sociale unique montre l’ampleur des enjeux. Selon une analyse relayée par un média spécialisé dans les collectivités, les prestations susceptibles d’entrer dans le champ de l’allocation sociale unique représentaient 90,5 milliards d’euros en 2022, soit plus de 10 % de la protection sociale française. Cette enveloppe comprend 30,6 milliards d’euros de minima sociaux, 15,4 milliards d’euros d’aides au logement, 10 milliards d’euros de prime d’activité, 32,3 milliards d’euros de prestations familiales et 2,2 milliards d’euros de bourses étudiantes. Certains think tanks vont plus loin : la Fondation iFRAP estime que 138 milliards d’euros de prestations non contributives pourraient, à terme, être fusionnés dans une architecture unique pilotée par l’État.

Les simulations parlementaires confirment que le calibrage de l’allocation sociale unique sera déterminant pour les ménages. Une étude évoque un scénario incluant 2 milliards d’euros d’effort budgétaire pour relever les barèmes, qui permettrait d’augmenter les prestations de 4,6 millions de personnes, tout en entraînant une baisse pour 3,5 millions d’autres. Le taux de pauvreté diminuerait alors d’environ 0,6 point. Les rapporteures insistent donc sur des compensations transitoires afin d’éviter que les ménages sans activité ou les travailleurs pauvres ne subissent des pertes immédiates. Cette dimension distributive explique pourquoi l’allocation sociale unique, malgré ses promesses, reste un terrain politique inflammable.

Allocation sociale unique : un outil contre la fraude et la bureaucratie ?

La lutte contre la fraude et les erreurs constitue l’un des moteurs majeurs du projet d’allocation sociale unique. Lors d’un débat au Sénat sur la non-certification des comptes de la Cnaf, il a été rappelé que les erreurs non corrigées représentaient 6,3 milliards d’euros, soit environ 8 % des prestations versées, mêlant indus et droits non versés. Dans le même temps, la détection des fraudes progresse d’environ 30 % par an, pour un total proche de 3 milliards d’euros de fraudes identifiées. Une ministre chargée des comptes publics a ainsi affirmé vouloir “mettre de l’ordre dans nos comptes et simplifier le système de prestation sociale, grâce à l’allocation sociale unique”, selon les comptes rendus officiels du Sénat.

Au-delà de la fraude, l’exécutif veut aussi réduire la bureaucratie grâce à l’allocation sociale unique. Dans les départements où la solidarité à la source est testée pour le RSA et la prime d’activité, entre 96 et 98 % des allocataires valident les déclarations préremplies, ce qui montre la capacité d’un système automatisé à limiter les ruptures de droits. Certains experts, comme ceux de la Fondation iFRAP, estiment par ailleurs qu’une fusion élargie, associée à la recentralisation de près de 40 milliards d’euros de dépenses sociales départementales, pourrait générer jusqu’à 1,5 milliard d’euros d’économies structurelles et 5 milliards d’euros de gains budgétaires globaux. Les départements redoutent toutefois un transfert sans compensation, ce qui pose la question-clé de la gouvernance de l’allocation sociale unique.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

1 comment on «Allocation sociale unique : simplifier les aides et lutter contre la fraude»

  • Jy2m

    Moi ce qui me fait rire c’est que Sébastien Lecornu semble vouloir s’approprier l’idée de l’aide sociale unique qui existe depuis une éternité (2016) et pour laquelle il nous donne rendez-vous en décembre alors qu’il est assis sur un siège éjectable. L’idée en elle même n’est peut-être pas à rejeter mais encore faudrait-il savoir de quelle manière elle s’appliquerait et si elle ne pourrait en aucun cas diminuer les ressources des plus modestes ce qui n’est pas garanti car une fois l’ASU créée il sera possible par la suite de plafonner son montant total en le limitant par exemple à un certain pourcentage du SMIC, chose qu’il est difficile de faire avec des aides non regroupées.

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