La Commission européenne a infligé une amende de 157 millions d’euros à trois maisons emblématiques du luxe — Gucci, Loewe et Chloé — accusées d’avoir faussé la concurrence en Europe par un contrôle abusif des prix. Bruxelles veut mettre fin aux ententes tarifaires dans le secteur du luxe, longtemps resté à l’écart des règles strictes du marché intérieur.
Amende record contre Gucci, Loewe et Chloé pour pratiques anticoncurrentielles

Le 14 octobre 2025, Bruxelles a rendu publique une décision majeure en matière de concurrence. Selon la Commission européenne, Gucci (groupe Kering), Loewe (LVMH) et Chloé (Richemont) ont mis en place, entre 2015 et 2023, un système de contrôle des prix imposé à leurs revendeurs indépendants. Ces pratiques, qualifiées de « resale price maintenance », consistaient à fixer ou maintenir les prix de revente, limitant ainsi la liberté commerciale des distributeurs.
Les marques de luxe font fi de la libre concurrence… et écopent d’une amende
Dans le détail, les maisons de luxe auraient interdit ou restreint les remises pratiquées en boutique, imposé des prix minimaux, ou défini des calendriers promotionnels stricts. « Les marques ont empêché les revendeurs d’offrir des réductions ou de fixer librement leurs prix, ce qui a entraîné des prix artificiellement élevés », a expliqué Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, selon Reuters. Ces restrictions, poursuit Bruxelles, ont nui directement aux consommateurs en réduisant la pression concurrentielle et en maintenant les prix du luxe à un niveau artificiellement haut.
L’enquête, ouverte après des inspections inopinées en avril 2023 dans plusieurs maisons de mode, s’est conclue par la plus importante amende antitrust infligée à des acteurs du luxe. D’après Le Monde, le montant total atteint 157 millions d’euros, répartis ainsi :
– Gucci : 119,7 millions d’euros ;
– Chloé : 19,7 millions d’euros ;
– Loewe : 18 millions d’euros.
Les entreprises ont reconnu les faits et bénéficié de réductions de sanction pour coopération avec les autorités. Gucci et Loewe ont obtenu une remise de 50 %, tandis que Chloé a bénéficié d’une réduction de 15 %, a précisé la Commission. La période des infractions diffère selon les marques : Gucci entre avril 2015 et avril 2023, Loewe entre décembre 2015 et avril 2023, et Chloé entre décembre 2019 et avril 2023.
Des consommateurs lésés par des prix verrouillés
L’impact concret de ces pratiques anticoncurrentielles est net : les consommateurs européens ont payé plus cher des produits de luxe dont les prix étaient verrouillés sur l’ensemble du marché intérieur. Selon la Commission, ces mesures « ont entraîné une hausse artificielle des prix et une réduction du choix pour les clients ».
Les détaillants indépendants, soumis à ces contraintes, ne pouvaient ni proposer de remises libres ni organiser des promotions hors des périodes imposées. Cette situation, selon Bruxelles, a également nui à la concurrence entre canaux de distribution : les boutiques contrôlées par les marques se sont retrouvées avantagées face aux revendeurs multimarques. Ainsi, les groupes LVMH, Kering et Richemont, en uniformisant les conditions de revente, ont limité la diversité du commerce de détail européen, déjà fragilisé par la concentration du secteur.
En réaction, Kering a indiqué que « l’impact financier de la décision avait été anticipé et provisionné », ajoutant que le groupe « reste attaché au respect des règles de la concurrence ». LVMH a pour sa part déclaré « coopérer pleinement avec les autorités européennes », tandis que Richemont n’a pas souhaité commenter la décision.
Cette amende illustre une tendance de fond : le secteur du luxe, autrefois considéré comme à part, est désormais scruté de près par les autorités de Bruxelles. Après les affaires Pierre Cardin et Ahlers en 2024 (amende de 5,7 millions d’euros pour restriction des ventes transfrontalières), la Commission renforce son contrôle sur les pratiques commerciales de l’industrie de la mode.
