Argentine, France, Japon : un trio démographiquement ahurissant

En 2022, l’Argentine a enregistré 818 000 naissances pour 46,4 millions d’habitants : cela signifie 17,64 naissances pour 1000 habitants, soit 17 640 bébés venus au monde pour chaque million d’Argentins : le renouvellement des générations est assuré.

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Par Alain Paillard et Jacques Bichot Publié le 12 mars 2023 à 9h21
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Le Japon, avec 800 000 naissances pour 125 millions d’habitants, ne peut pas en dire autant : son taux de natalité, 6,40 pour mille, aboutira, s’il perdure, au déclin du nombre de japonais et à un vieillissement dramatique. On pourrait presque parler de suicide démographique pour cet archipel qui, nonobstant sa petite taille, a tenu et tient encore un rôle très important au niveau économique et culturel. On aurait envie de d’encourager les Japonais à se ressaisir !

En France, un taux de natalité peu supérieur à celui de la guerre de 14 – 18.

La France métropolitaine, avec 10,43 naissances par millier d’habitants, se situe entre le Japon et l’Argentine. Sans avoir choisi, à l’instar des Japonais, une sorte de suicide démographique, notre pays vient de franchir à la baisse le seuil des 700 000 naissances annuelles : l’année 2022, pour la France métropolitaine, a vu naître 687 000 bébés. Cela correspond à un taux de fécondité de 1,76. Certes, la première guerre mondiale avait provoqué dans notre pays un record d’infécondité, le taux de fécondité ayant chuté à 1,52 en 1915, mais ce plus bas historique correspond à une situation très spéciale du fait de l’intensité des combats et de la mobilisation générale. Que la natalité française ait été en 2022, année paisible, à mi-chemin de cette faiblesse historique, est un signal d’alarme qui devrait être décrypté par nos dirigeants, si toutefois leur souci de la démographie française n’est pas devenu le cadet de leurs soucis. Aux Français comme aux Japonais, nous disons : nonobstant toutes les difficultés, la vie est belle, donnons-la avec optimisme.

Allons-nous vers le « no future » ?

Que signifie cette prudence excessive qui s’est répandue quant au don de la vie ? Bien entendu, les causes en sont multiples et complexes, il n’est pas question d’en faire le tour dans un bref article. Bornons-nous à en signaler une qui relève de l’économie : actuellement, avoir une famille nombreuse signifie vivre assez chichement, voir son niveau de vie chuter en dessous de celui qu’atteignent en moyenne les personnes qui disposent des mêmes revenus d’activité. Les prestations familiales sont loin de compenser la diminution du niveau de vie qui se produit, nonobstant quelques économies d’échelle, lorsque s’accroît le nombre de bouches à nourrir et que le travail à temps plein des deux parents devient difficile ou impossible.

Cette situation provient en partie d’une sorte d’amnésie des pouvoirs publics : ils oublient que, sans enfants en nombre suffisant, il est difficile d’assurer l’avenir du pays. Ils oublient aussi qu’une famille nombreuse peut difficilement compter sur deux revenus conséquents, du fait que l’attention requise par les enfants diminue, sauf exception, la capacité d’engagement professionnel. Il est certes prévu des prestations familiales, mais celle-ci sont loin de s’élever au niveau qui serait nécessaire pour que l’augmentation du nombre d’enfants, dans une famille, ne se traduise pas par un appauvrissement relatif. Nos gouvernants et représentants n’ont pas, dans leur ensemble, pris véritablement conscience du fait que l’avenir du pays dépend au premier chef d’une fécondité suffisante, accompagnée par une bonne éducation des citoyens en herbe.

La politique familiale en déshérence

Cette situation tient pour une bonne part au fait que mettre des enfants au monde et les élever de son mieux n’est pas ressenti, notamment par les pouvoirs publics, comme un impératif vital. La politique familiale fut, à la Libération, conçue comme un élément clé de la remise sur pieds de notre pays épuisé par la guerre et l’Occupation. Mais depuis lors, le budget des « alloc » et autres moyens mis à la disposition des familles pour investir dans la jeunesse a subi une érosion relative (c’est-à-dire en proportion des revenus professionnels) lente mais profonde. Les taux de natalité médiocres sont en bonne partie la conséquence de cette mauvaise appréciation, qui hélas s’observe dans la grande majorité des pays développés.

On peut dire que nos dirigeants sont aussi mauvais quand il s’agit d’investir dans la jeunesse que lorsqu’il faut mettre en place des retraites de bonne qualité : les gouvernements successifs et les assemblées parlementaires dont ils dépendent, ainsi que les présidents de la République, s’acharnent à distribuer les droits à pension, non en fonction de ce qui leur donne un contenu effectif – la mise au monde et l’éducation des enfants – mais au prorata des cotisations versées aux caisses de retraite ! Ce qui sert à entretenir les retraités est traité comme un investissement, alors qu’il s’agit d’un retour sur investissement !

Face à une telle confusion intellectuelle, élevée au niveau législatif, on ne peut que souhaiter l’arrivée d’une réforme institutionnelle propre à nous débarrasser de lois stupides et injustes : ces règles conçues par des personnes qui ignorent le B. A. BA des échanges entre générations successives doivent céder la place à une vraie reconnaissance législative de l’apport que constitue la mise au monde des enfants et leur éducation.

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Autodidacte « à l'ancienne », Alain Paillard a toujours aimé les statistiques et s’est toujours intéressé à la démographie pour ce qu'elle peut apporter dans la connaissance des hommes. Après sept ans passés dans le privé, il est entré dans l'Administration et a terminé sa carrière au service des relations publiques. Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux Editions de l'Harmattan, de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres et de "La retraite en liberté" au Cherche Midi.

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