Pour prolonger la durée de vie des batteries des véhicules électriques, des chercheurs financés par l’UE développent une technologie permettant aux batteries de détecter et réparer elles-mêmes les dommages qu’elles subissent.
Des batteries autoréparatrices pour étendre l’autonomie et prolonger la durée de vie des voitures électriques

Les batteries sont l'un des principaux obstacles à une adoption en masse des véhicules électriques (VE). Et si elles pouvaient non seulement durer plus longtemps mais également se réparer elles-mêmes? Telle est l'ambition de chercheurs tels que Johannes Ziegler et Liu Sufu, qui travaillent pour faire de cette idée une réalité.
En Europe, les ventes de VE explosent, affichant une hausse de 20 % en février 2025 par rapport à la même période de l’année précédente. Les VE sont indispensables pour électrifier nos moyens de transport et réduire les émissions de carbone qui nuisent à la planète, mais leur déploiement ne se fait pas sans difficultés.
La plupart des VE utilisent des batteries au lithium-ion, similaires à celles que l'on trouve dans nos téléphones, mais bien plus volumineuses et complexes. Une batterie de VE renferme des dizaines de kilogrammes de métaux de valeur: lithium, nickel et cuivre. Elle est conçue pour durer plus de dix ans, ce qui correspond à la durée de vie prévue de ce type de véhicule.
Pour relever ce défi, une équipe de chercheurs a été constituée dans le cadre du projet PHOENIX, une initiative financée par l'UE, dans le but de mettre au point des batteries capables de s'autoréparer. Leur objectif est d'étendre la durée de vie des batteries, d'améliorer leur sécurité et de diminuer le besoin de nouveaux métaux.
«L'objectif est de prolonger la durée de vie de la batterie tout en réduisant son impact carbone, car une batterie capable de se réparer elle-même permet de consommer globalement moins de ressources», explique M. Ziegler, chercheur en matériaux l’Institut Fraunhofer pour la recherche sur les silicates (ISC) en Allemagne.
En 2023, l'UE a classé 34 matériaux comme critiques, dont des métaux utilisés dans les batteries tels que le lithium, le nickel, le cuivre et le cobalt.
Le projet PHOENIX doit son nom à l'oiseau mythique qui renaît de ses cendres, une métaphore appropriée de la renaissance et du renouvellement que les chercheurs espèrent atteindre avec cette technologie.
Et les enjeux sont de taille. La législation de l'UE exige que tous les véhicules particuliers et utilitaires neufs vendus à partir de 2035 ne génèrent aucune émission. L'objectif est de réduire substantiellement les émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur des transports.
Pour y parvenir, les véhicules électriques devront être équipés de batteries plus performantes.
Détection et activation
Tout propriétaire de smartphone sait à quel point il est frustrant de voir l’autonomie de sa batterie diminuer au bout de quelques années. Le même problème affecte les véhicules électriques, mais à plus grande échelle.
Ceci est dû à la dégradation progressive de certains éléments de la batterie soumise aux cycles répétés de charge et de décharge.
Des chercheurs de Belgique, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et de Suisse collaborent pour concevoir des capteurs capables de détecter les changements se produisant dans une batterie au lithium-ion au fur et à mesure qu'elle vieillit, et d'activer automatiquement son autoréparation si nécessaire.
L'objectif est de doubler la durée de vie des batteries et, par extension, celle des véhicules électriques.
Aujourd'hui, les systèmes de gestion de batterie (SGB), véritables «cerveaux» de la batterie, contrôlent la tension et la température pour éviter leur surchauffe et les risques de sécurité liés.
«Actuellement, les détections se limitent en grande partie à une estimation générale de la température, de la tension et du courant. Outre le fait de fournir une estimation de l'énergie résiduelle disponible, ces systèmes garantissent la sécurité», a déclaré Yves Stauffer, ingénieur au Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM), un centre d'innovation développant des technologies de rupture. M. Stauffer est à la tête de la recherche sur les SGB.
L'équipe du projet PHOENIX ambitionne d'intégrer des capteurs et des déclencheurs plus sophistiqués. Certains détecteront la dilatation de la batterie, d'autres produiront une cartographie thermique et d'autres surveilleront la présence de gaz dangereux tels que l'hydrogène ou le monoxyde de carbone.
L'ensemble de ces capteurs constituera un système d'alerte précoce concernant la santé de la batterie.
Quand le «cerveau» de la batterie déterminera qu'une réparation est nécessaire, il activera le processus d'autoréparation. Cela pourrait se traduire par une remise en état de la batterie par compression ou l'application d'une chaleur ciblée pour activer des mécanismes d'autoréparation internes.
«L'idée est que certaines liaisons chimiques spécifiques se reforment sous l'effet d'un traitement thermique», a expliqué M. Sufu, chimiste expert en batteries au CSEM et collaborateur du projet PHOENIX.
Une autre méthode d'autoréparation fait appel à des champs magnétiques pour éliminer les dendrites, ces structures métalliques qui se forment sur les électrodes des batteries lors de la recharge et qui peuvent entraîner des courts-circuits et des pannes.
La taille compte
L'équipe de PHOENIX cherche également à améliorer l'autonomie des véhicules électriques et à réduire la taille des batteries.
«Nous travaillons à la création de batteries de nouvelle génération dotées d'une plus grande densité énergétique», a précisé M. Sufu. Cela signifie qu'un VE aurait besoin d’une batterie plus petite. Ceci l'allégerait et permettrait de parcourir de plus grandes distances avec une seule charge.
Une stratégie possible consiste à remplacer le graphite, un matériau utilisé dans les crayons, par le silicium, un élément qui se situe entre les métaux et les non-métaux.
Cette technologie n'a pas été largement adoptée dans les batteries actuellement sur le marché, en partie parce que le silicium est moins stable et que son volume peut augmenter de jusqu'à 300 % lors des cycles de charge et de décharge, a expliqué M. Sufu. Si elle intégrait du silicium, une batterie devrait être en mesure de supporter ces changements extrêmes ou de s’autoréparer.
En mars 2025, une nouvelle série de prototypes de capteurs et de déclencheurs a été développée et envoyée aux partenaires pour être testée dans des batteries au lithium-ion souples, légères et plates.
Toutefois, si l'installation de nombreux capteurs sur une batterie permet d’obtenir des informations très utiles sur son état de santé, elle en augmente également le coût. C'est pourquoi l'équipe cherche à identifier des technologies apportant suffisamment d'avantages pour justifier le coût des VE.
Quelle que soit l'approche qui prévaut, elle permettra aux futurs véhicules électriques de durer plus longtemps et de parcourir de plus grandes distances, grâce à des batteries plus sûres, plus compactes et moins exigeantes en ressources.
L’allongement de la durée de vie des batteries diminuera également l'empreinte carbone des VE, ce qui bénéficiera à la fois aux consommateurs et à l'environnement.
«Chercher à étendre la durée de vie des batteries et à perfectionner les véhicules électriques est un travail passionnant», a souligné M. Ziegler. «L’important est de parvenir à associer les éléments adéquats.»
Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.
Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.
Plus d’infos
- PHOENIX
- Site web du projet PHOENIX
- Stratégie pour une mobilité durable et intelligente
- Règlement de l'UE sur les batteries
- Matériaux critiques et stratégiques