Présentés comme une solution propre pour la transition énergétique, les biocarburants pourraient en réalité aggraver les émissions de CO₂. Une étude publiée par Transport & Environment (T&E) secoue les certitudes sur ces carburants dits « verts » et sur leur rôle dans la lutte contre la pollution.
Biocarburants : l’étude qui révèle la face cachée des émissions de CO₂

En octobre 2025, l’ONG Transport & Environment (T&E) a publié une étude démontrant que les biocarburants émettent davantage de CO₂ que les carburants fossiles. Ces résultats, relayés notamment par Les Échos, contredisent des années de communication sur ces carburants de substitution censés soutenir la transition énergétique. Le rapport met en lumière un paradoxe : ce qui devait réduire la pollution pourrait en réalité l’aggraver, compromettant les objectifs climatiques européens.
Les biocarburants, une promesse qui s’essouffle
Les biocarburants ont longtemps été promus comme la voie royale vers une mobilité plus durable. La directive européenne RED II fixait une limite de 7 % d’incorporation de biocarburants de première génération dans les transports, tout en prévoyant leur élimination progressive d’ici 2030 lorsqu’ils présentent un risque élevé de changement d’usage des sols, selon IFP Énergies nouvelles. Cette stratégie s’appuyait sur l’idée que remplacer les carburants fossiles par des carburants végétaux permettrait de réduire les émissions nettes. Pourtant, le rapport de T&E bouleverse cette vision.
Selon cette étude, les biocarburants de première génération produisent 16 % de CO₂ de plus que les carburants fossiles qu’ils remplacent, en raison de la déforestation et des changements d’usage des terres nécessaires à leur production, détaille TF1 Info. Ces surémissions sont liées à la destruction d’écosystèmes naturels riches en carbone et à la conversion massive de surfaces agricoles. « Ils ont un impact sur le climat, sur l’eau et sur les sols », a déclaré Bastien Gebel, responsable décarbonation automobile à T&E. Ce constat va à rebours des discours officiels vantant leur neutralité carbone.
Dans le même temps, l’organisation note que le recours accru au biodiesel pourrait augmenter les émissions du transport européen de près de 4 %, soit l’équivalent de 12 millions de voitures supplémentaires sur les routes. Autrement dit, loin de réduire la pollution, le biodiesel contribuerait à l’aggraver, ce qui renforce la critique d’un modèle énergétique à double tranchant.
Un coût environnemental global : sol, eau et alimentation
La critique ne se limite pas aux émissions de CO₂. T&E évalue également l’impact hydrique et agricole du biocarburant. Pour parcourir seulement 100 km, un véhicule alimenté au biodiesel ou au bioéthanol mobiliserait environ 3 000 litres d’eau, entre irrigation et transformation.
En France, 4 % des surfaces agricoles sont déjà dédiées aux cultures destinées aux biocarburants, tandis que les importations doublent cette proportion, selon Carbone 4. Le cabinet précise que 75 % des cultures utilisées sont alimentaires — colza, blé, betterave — posant un dilemme entre carburant et alimentation humaine. Cette concurrence directe renforce l’idée d’un « effet rebond » : la demande en biocarburants augmente la pression sur les terres et amplifie les émissions indirectes.
D’ici 2030, la production mondiale restera largement dominée par les biocarburants de première génération, qui devraient encore représenter 90 % du total. Cette prédominance pourrait générer 70 millions de tonnes de CO₂ supplémentaires par rapport à un scénario fossile équivalent, selon Novethic. « Les biocarburants sont parfois présentés comme des solutions idéales, mais en réalité ces cultures sont très problématiques », avertit Bastien Gebel, toujours pour T&E.
Une transition énergétique en quête d’efficacité
Face à ces constats, la place du biocarburant dans la stratégie européenne interroge. La nouvelle directive RED III, adoptée en 2024 et entrée en application en 2025, laisse aux États membres le choix entre une réduction de 14,5 % de l’intensité carbone du transport ou 29 % d’énergie renouvelable dans les carburants, d’après un rapport de l’USDA publié en octobre 2025. Le texte confirme le plafonnement à 7 % des biocarburants issus de cultures alimentaires et renforce les exigences de durabilité.
Cependant, les résultats réels sont mitigés. Selon le Conseil international pour des transports propres (ICCT), même avec l’usage de biocarburants, les gains sur les émissions du cycle de vie sont marginaux : 0,5 % à 3 % de réduction par rapport aux carburants classiques, alors qu’une voiture électrique émet 73 % de CO₂ en moins sur tout son cycle de vie.
De plus, une étude académique récente montre que dans tous les scénarios énergétiques européens, la électrification rapide du transport routier est plus rentable que la généralisation des biocarburants, même sans contrainte climatique stricte. Autrement dit, les biocarburants apparaissent de plus en plus comme une technologie de transition, et non une solution durable.
