Crédit d’impôt : ce que la réforme va changer pour les dons aux associations

Les députés ont voté la transformation de la réduction d’impôt dite « niche Coluche » en crédit d’impôt. L’objectif : permettre à tous les Français, même ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, de bénéficier d’un avantage fiscal pour leurs dons aux associations. Une réforme qui pourrait élargir la générosité… et alourdir la facture pour l’État.

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By Aurélie Giraud Published on 17 novembre 2025 10h44
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Crédit d’impôt : ce que la réforme va changer pour les dons aux associations - © Economie Matin
2.000 €Le plafond pour les dons pourrait passer de 1.000 € à 2.000 €, selon le projet de loi de finances pour 2026.

Le 13 novembre 2025, dans le cadre du budget 2026, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui change profondément la fiscalité du don. La réduction d’impôt pour les dons aux associations caritatives serait remplacée par un crédit d’impôt, ouvrant le bénéfice du dispositif aux foyers modestes non imposables. Reste à savoir si cette mesure, présentée comme plus équitable, résistera à l’examen du Sénat et aux contraintes budgétaires de Bercy.

Un doublement du plafond pour relancer les dons

La réduction d’impôt dite « Coluche » permet actuellement de déduire 75% du montant des dons, dans la limite de 1.000 €. Ce plafond, initialement temporaire, a été reconduit d’année en année. Le projet gouvernemental prévoit désormais de le porter à 2.000 € pour les versements effectués à compter du 14 octobre 2025.

Cette évolution signifie qu’un contribuable imposable versant 2.000 € à un organisme agréé (Restos du Cœur, Secours populaire, Croix-Rouge, Emmaüs, etc.) bénéficierait d’une réduction d’impôt de 1.500 €. Pour l’État, le coût budgétaire du dispositif s’élèverait déjà à environ 550 millions € par an, rappelle La Tribune.

Selon la députée Mathilde Feld (LFI), à l’origine de l’amendement voté à l’Assemblée, l’objectif est de « permettre à ceux qui ne paient pas d’impôt mais veulent contribuer à la solidarité nationale de ne plus être exclus » rapporte LCP.fr. Le principe d’un crédit d’impôt, plutôt qu’une simple réduction, répond donc à une logique d’équité.

Réduction ou crédit d’impôt : un changement de nature fiscale

Techniquement, une réduction d’impôt ne s’applique que sur le montant dû : elle diminue la facture fiscale du contribuable. À l’inverse, un crédit d’impôt est remboursable, même si le contribuable n’est pas imposable. En clair, les ménages modestes pourraient percevoir un remboursement direct du Trésor public pour leurs dons.

Cette distinction change profondément la mécanique budgétaire. Jusqu’ici, la « niche Coluche » représentait une perte de recettes fiscales ; demain, elle pourrait devenir une dépense publique effective.

Les services du ministère de l’Économie rappellent que les crédits d’impôt « impliquent des remboursements en numéraire » et « affectent la trésorerie de l’État » (document PLF 2026). Selon plusieurs économistes cités par Les Échos en septembre 2025, l’élargissement à tous les foyers pourrait augmenter la dépense fiscale « de 20% à 30% selon le taux de recours ».

Les partisans de la réforme rétorquent que cet investissement public pourrait relancer une générosité en berne. D’après France Générosités, le montant global des dons déclarés a reculé de –3,8% en 2023 après inflation, en raison de la baisse du pouvoir d’achat.

Un contexte social tendu pour les associations

La réforme intervient alors que les grandes associations alertent sur leurs difficultés. Le Secours populaire évoque une hausse de 25% du nombre de bénéficiaires depuis 2021, tandis que les Restos du Cœur annoncent plus de 170 millions de repas distribués en 2024.

La hausse du plafond fiscal pourrait compenser en partie la baisse du nombre de donateurs : France Générosités estime qu’en dix ans, la part des foyers français déclarant un don a chuté de 16% à 12%. Le crédit d’impôt, s’il voit le jour, pourrait donc jouer un rôle d’« amortisseur solidaire ».

Pour autant, certaines voix appellent à la prudence. Le rapporteur général du budget, Philippe Juvin (LR), a rappelé que « le dispositif coûte déjà très cher et ne doit pas devenir une dépense automatique sans contrôle ». Le gouvernement a confirmé qu’un décret d’application précisera les plafonds et conditions avant l’été 2026.

Une mesure fiscale au test de la soutenabilité budgétaire

L’idée d’un crédit d’impôt universel pour les dons s’inscrit dans une tendance plus large : l’extension progressive des avantages fiscaux aux ménages non imposables. Selon la Direction générale des finances publiques, 53,7% des foyers fiscaux n’ont pas payé d’impôt sur le revenu en 2023. Étendre la « niche Coluche » à ces ménages reviendrait donc à subventionner directement la générosité populaire.

Pour Bercy, le risque principal réside dans la dérive du coût. Si seulement 10% des foyers non imposables effectuaient un don moyen de 100 €, le Trésor public débourserait déjà plus de 400 millions € supplémentaires.

Mais l’exécutif mise sur un effet de levier. Les économistes favorables au texte estiment que chaque euro « perdu » en recette fiscale est « restitué » à l’économie réelle sous forme de dons fléchés vers des besoins immédiats : alimentation, logement, aide psychologique.

Selon Carenews, cette réforme s’accompagne aussi d’une réflexion sur la simplification des démarches : déclaration automatique des dons via les plateformes de paiement, traçabilité numérique, et harmonisation des reçus fiscaux.

Une transformation symbolique de la fiscalité du don

La France demeure l’un des pays européens où la défiscalisation du don est la plus généreuse. En 2024, près de 3,5 millions de foyers ont déclaré un don à une œuvre ou à un organisme d’intérêt général. Mais la part des ménages aisés dans ce total reste majoritaire : les 20% les plus riches représentent environ 60% du montant total des dons déclarés selon l'Observatoire de la philanthropie pour 2025.

Le passage à un crédit d’impôt, s’il est confirmé, marquerait donc une démocratisation de la générosité fiscale : l’idée que chaque citoyen puisse donner, quelle que soit sa situation fiscale. Une évolution qui, selon LCP, « rétablirait l’égalité devant la générosité » entre les foyers.

Le Sénat examinera la mesure en décembre 2025, avant un vote définitif attendu début 2026. Les associations, elles, espèrent que cette réforme donnera un second souffle à une solidarité fragilisée par l’inflation et la précarisation.

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Aurélie Giraud, juriste de formation, titulaire d'une maîtrise de droit public (Sorbonne, Paris I), est journaliste à Economie Matin, après avoir travaillé comme correctrice et éditrice dans l’édition.

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