La dette brute des États-Unis a franchi la barre symbolique de 37 000 milliards de dollars le 12 août 2025, un record atteint plus tôt que prévu et qui rebat les cartes de l’économie américaine.
Dette américaine : record historique à 37 000 milliards de dollars

Le seuil symbolique de 37 000 milliards de dollars correspond à la « Total Public Debt Outstanding » — la dette totale, dette intragouvernementale incluse. Ces chiffres sont mis à jour chaque jour ouvré et agrègent la dette détenue. Pour situer la dynamique, AP rappelle que les jalons précédents ont été franchis à un rythme accéléré : 34 000 milliards (janvier 2024), 35 000 milliards (juillet 2024), 36 000 milliards (novembre 2024). Michael Peterson, président de la Peter G. Peterson Foundation, le résume ainsi : « Nous sommes en train aujourd’hui d’ajouter 1000 milliards à la dette nationale tous les 5 mois. C’est plus de deux fois plus que la moyenne des 25 dernières années. »
Intérêts : la facture annuelle dépasse déjà 1 000 milliards
L’aspect le plus immédiat pour l’économie américaine réside dans le coût du service de la dette. Le « Monthly Treasury Statement » (MTS) publié le 12 août pour le mois de juillet 2025 montre que les « Net interest outlays » atteignent 91,9 milliards de dollars pour le seul mois de juillet et 1 012,9 milliards sur l’exercice 2025 à fin juillet. Autrement dit, les États-Unis ont déjà dépassé le trillion de dollars d’intérêts cumulés avant même la clôture de l’année fiscale (30 septembre). La page de synthèse « Interest Expense and Average Interest Rates » du Trésor le signale depuis fin juillet : l’ardoise d’intérêts 2025 se compte en milliers de milliards.
Face à un besoin de financement soutenu, le Trésor a annoncé, dans son communiqué du 28 juillet 2025, qu’il prévoit d’emprunter 1 007 milliards de dollars sur le trimestre juillet-septembre (net des titres détenus par la Réserve fédérale). Cette estimation, relevée de 453 milliards par rapport à avril, reflète notamment un début de trimestre avec une trésorerie plus basse et des flux nets moins favorables. Le même communiqué anticipe 590 milliards pour le quatrième trimestre (octobre-décembre). Ces chiffres ancrent la trajectoire de dette à court terme : plus de besoins de cash, donc plus d’émissions, donc plus d’intérêts à payer dans un environnement de taux toujours élevés.
Pour tenter de résourde le problème, selon MarketWatch, l’État intensifie la part des bons du Trésor très courts pour absorber le choc de financement, avec des adjudications record à quatre semaines mises en avant début août. Cette préférence pour le court terme peut soulager temporairement les rendements longs, mais elle expose davantage au risque de refinancement si les taux courts se retendent.
La mécanique budgétaire qui alimente la dette
Au-delà des émissions, la dette grossit parce que le déficit demeure élevé. Associated Press, le 12 août indique que, malgré un bond des recettes douanières lié aux tarifs (droits de douane), le déficit de juillet a progressé de 20 % sur un an. La structure du déficit reste tirée par deux postes rigides : la Sécurité sociale et surtout le service de la dette. Autrement dit, les droits de douane plus élevés ne compensent pas l’inertie des dépenses courantes et l’augmentation de la charge d’intérêts.
Pour Wendy Edelberg (Brookings), citée par AP, l’orientation budgétaire récente va prolonger la vague d’emprunts : « cela signifie que nous allons beaucoup emprunter au cours de 2026, nous allons beaucoup emprunter au cours de 2027, et cela va simplement continuer. » C’est un diagnostic politique : tant que les recettes et le périmètre des dépenses obligatoires ne sont pas ajustés, la dette suit une pente ascendante. Dans la même veine, Maya MacGuineas (Committee for a Responsible Federal Budget) alerte : « J’espère que ce jalon suffira à réveiller les décideurs sur la réalité : nous devons agir, et nous devons le faire rapidement. »
Focus technique : plafond de dette relevé, mais la contrainte est ailleurs
Le plafond de dette a été relevé le 4 juillet 2025 à 41 104 milliards, desserrant la contrainte légale immédiate pour éviter un « shutdown ». La contrainte active, en ce moment, n’est donc pas juridique mais financière : réussir à placer un volume d’obligations et de bons plus important, à des taux soutenables, sans provoquer une tension durable sur l’économie réelle via des taux d’intérêt plus élevés pour les ménages et les entreprises.
Au vu de l’annonce d’emprunt net du Trésor pour le trimestre et de la facture d’intérêts déjà au-delà de 1 000 milliards sur l’exercice, la trajectoire de dette restera au premier plan des marchés. À court terme, la priorité opérationnelle sera la bonne absorption des adjudications et la gestion du mix (bills/notes/bonds/TIPS). À moyen terme, le service de la dette continuera de grimper tant que le stock s’accroît et que les taux restent supérieurs à la moyenne de la décennie 2010.
