Et si les milliards issus des importations vers les Etats-Unis finançaient directement les ménages américains ? Une idée provocatrice, populiste et dont l’efficacité reste à prouver a fait son petit bout de chemin dans le cerveau de Donald Trump. Et ce même s’il omet certains détails.
Un « dividende douanier » pour les Américains ? Trump fait encore du Trump

Le 4 août 2025, Donald Trump a de nouveau secoué la sphère économique américaine en évoquant l’idée d’un versement financier direct aux citoyens, financé par les droits de douane imposés sur les importations. Cette annonce repose sur une hypothèse simple mais controversée : redistribuer à chaque Américain une part des recettes collectées par le gouvernement fédéral sur les marchandises étrangères. « Il pourrait y avoir une distribution ou un dividende pour les Américains », a déclaré Donald Trump lors d’un déplacement dans l’Ohio.
30 milliards en un mois : le pactole des droits de douane explose
Les chiffres sont spectaculaires. Selon un article publié par Le Figaro, les douanes américaines ont collecté 30 milliards de dollars en juillet, soit une hausse de 242 % par rapport à juillet 2024. Depuis avril, plus de 100 milliards de dollars seraient déjà entrés dans les caisses du Trésor grâce à des surtaxes sur les importations venues de Chine, du Mexique et de l’Union européenne. Ces fonds proviennent notamment de l’augmentation des frais de douane sur la quasi-totalité des biens importés. Une augmentation qui s’est poursuivie et semble continuer d’évoluer chaque semaine, en fonction de la mouche qui pique le président américain ce jour-là.
Mais à qui profite réellement cet argent ? Officiellement, les recettes sont versées dans le fonds général du Trésor, utilisé pour rembourser la dette, verser les pensions de sécurité sociale et financer les dépenses fédérales. CNN précise que "pas un seul centime n’a encore été redistribué directement aux citoyens".
Qui paie vraiment les droits de douane : les États-Unis ou leurs fournisseurs ? Les clients !
C’est l’un des points les plus sensibles du dossier. Contrairement à l’image simplifiée souvent présentée par Donald Trump, les droits de douane ne sont pas directement payés par les pays exportateurs. Ce sont les importateurs américains, c’est-à-dire les entreprises, qui s’en acquittent au moment de faire entrer des produits sur le territoire national.
« Ces taxes sont ensuite intégrées dans les prix de vente, et donc payées in fine par les consommateurs », explique TF1 Info. Résultat : les ménages américains absorbent une partie de cette charge fiscale par le biais d’une inflation importée. Walmart, Procter & Gamble et d’autres géants de la grande distribution ont déjà signalé des hausses de prix imminentes sur l’électroménager, les jouets ou encore les produits électroniques.
La redistribution serait donc tout simplement… un remboursement de la part du gouvernement américain d’une partie des sommes que les citoyens ont payées à cause des décisions de Donald Trump. Pas un cadeau, un simple remboursement...
Un chèque de 600 dollars pour chaque Américain : la proposition Hawley
Pour donner corps à cette idée, le sénateur républicain Josh Hawley a présenté un projet de loi visant à créer un système de redistribution directe. Selon Le Figaro, chaque adulte et enfant à charge recevrait un chèque de 600 dollars. Un système comparable aux paiements de 1.200 dollars versés pendant la pandémie de COVID-19.
Mais cette fois, l’opération ne serait pas financée par l’emprunt ou les déficits, mais par les recettes douanières déjà perçues. Sur le papier, cela représenterait un coût d’environ 180 milliards de dollars pour couvrir l’ensemble de la population américaine. Or, les droits de douane ne suffisent pas à atteindre ce seuil, même avec des mois records.
"Je peux (en) faire tout ce que je veux" : les ambiguïtés juridiques
Trump, interrogé sur CNBC, a déclaré le 5 août : « Je peux (en) faire tout ce que je veux », au sujet de l’usage des fonds douaniers. En réalité, toute redistribution nécessite un vote du Congrès. Et, justement, le Congrès reste divisé. Si la majorité républicaine à la Chambre semble ouverte à une expérimentation, le Sénat, contrôlé par les démocrates, exprime de fortes réserves. La Réserve fédérale (Fed), de son côté, met en garde contre un risque de surchauffe inflationniste si de telles mesures venaient à être adoptées, selon une analyse citée par Reuters.
L'inflation, déjà sous surveillance, pourrait en outre s'aggraver si les droits de douane entraînent des hausses généralisées des prix à la consommation. Le Yale Budget Lab estime que la politique tarifaire actuelle pourrait réduire le PIB américain de 0,5 point sur les deux prochaines années. Du côté des entreprises, l’incertitude pousse à la prudence. Plusieurs groupes retardent des embauches ou reportent des investissements, redoutant un environnement instable. Certains syndicats s'inquiètent aussi de pertes de pouvoir d’achat, en particulier dans les États industriels.
