Godman Sachs l’assure : les droits de douane de Trump seront payés par les ménages

Goldman Sachs maintient que les droits de douane finiront par se répercuter sur les prix, faisant monter l’inflation. À court terme, certains distributeurs « mangent » encore une partie des taxes, mais la facture bascule déjà vers les ménages. Donald Trump, lui, martèle que « l’étranger paie » — une position contredite par les données récentes et par des témoignages de terrain.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 14 août 2025 7h30
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Godman Sachs l’assure : les droits de douane de Trump seront payés par les ménages - © Economie Matin
22%Jusqu’à fin juin 2025, environ 22 % du coût des tarifs aurait été assumé par les consommateurs

Les nouveaux tarifs imposés par Washington ont relancé un débat vieux comme le commerce : qui paie vraiment des droits de douane ? Les derniers chiffres de prix et les notes d’analystes indiquent une augmentation progressive de la charge supportée par les ménages américains, via des prix à la consommation plus élevés, même si l’inflation globale a été contenue en juillet par le reflux de l’énergie. Au cœur de la polémique, Goldman Sachs estime que la part des taxes douanières portée par les consommateurs est en train de monter rapidement ; Donald Trump conteste et cible la banque et ses économistes.

Ce que dit Goldman Sachs sur les droits de douane — et pourquoi cela pèse sur l’inflation

Dans une note publiée le 10 août 2025 et relayée par la CNN, l’équipe de Jan Hatzius chez Goldman Sachs a chiffré la transmission des droits de douane aux prix finaux : jusqu’à fin juin, environ 22 % du coût des tarifs aurait été assumé par les consommateurs, une part susceptible de grimper vers deux tiers si les taxes restent en place et se diffusent comme lors des précédents épisodes. Autrement dit, l’inflation liée à la douane est d’abord limitée, puis s’accentue à mesure que les stocks bon marché s’épuisent, que les contrats d’approvisionnement tournent et que la concurrence s’ajuste. Ces ordres de grandeur — 22 % puis potentiellement 67 % — sont précisément ceux que conteste la Maison-Blanche. David Mericle, chef économiste États-Unis de Goldman, a défendu publiquement la méthodologie : « Nous essayons simplement de produire la meilleure prévision économique possible… et nous continuerons. », relaye Reuters.

Pourquoi cette montée en charge sur l’inflation ? Parce que des taxes à l’importation sont, par construction, des « tarifs » payés par les importateurs au moment du passage en douane. Si la concurrence et les marges permettent, distributeurs et industriels « absorbent » d’abord une partie de la hausse. Mais, à mesure que l’environnement s’ajuste, la pression remonte la chaîne vers les prix finaux. Les dernières données de juillet confirment d’ailleurs une augmentation du « core » au-dessus de 3 % en glissement annuel, cohérente avec un début de passage en caisse sur des biens exposés aux droits de douane (jouets, meubles, habillement).

Sur le terrain, des acteurs confirment une dynamique de tarifs qui déforment les arbitrages d’importation. Stew Leonard Jr., patron de la chaîne éponyme de supermarchés, explique ainsi déplacer ses achats de crevettes de l’Inde (où la taxe atteint « 50 % ») vers l’Équateur (15 %). « Nous n’avons pas augmenté nos prix à cause des tarifs… mais je ne vois pas comment cela tiendra au-delà de septembre-octobre si rien ne change. »

Qui est responsable de la hausse des prix ? Les droits de douane

Attribuer la hausse des prix à un seul acteur serait trompeur. Les droits de douane sont décidés par l’exécutif : c’est une taxe assumée d’abord par les importateurs au passage en douane. Mais l’« incidence » — qui paie in fine — dépend de la structure des marchés. Dans les biens où l’offre alternative locale est limitée, la capacité à « manger » la taxe est faible ; les prix montent davantage et les ménages subissent plus vite l’augmentation. À l’inverse, lorsque des substitutions existent (changer de fournisseur, basculer d’un pays à un autre, différer un achat), la diffusion est plus lente, ce qui explique le démarrage graduel observé par Goldman. C’est ce que l’on voit dans l’alimentaire : « bananes à 15 % de tarifs depuis le Costa Rica », « aluminium » pour les barquettes, et des arbitrages multiples sur la crevette — autant de cas concrets détaillés par Stew Leonard auprès de CNN.

Faut-il alors « blâmer » les distributeurs pour laugmentation des prix ? Leur responsabilité existe — dans la vitesse du passage en caisse des taxes — mais elle est secondaire face à la décision publique d’imposer des tarifs. D’ailleurs, la première ligne d’explication économique reste la politique de douane, pas une prétendue avidité isolée. Les données récentes de prix montrent que l’inflation totale est restée à 2,7 % en juillet grâce à l’énergie, mais que l’inflation sous-jacente s’est raffermie en lien avec les catégories sensibles aux taxes, explique Politico.

Reste la question politique : Donald Trump affirme que les producteurs étrangers « mangent » les tarifs et que les ménages américains sont protégés. Or, les estimations de Goldman — reprises et contextualisées par la presse — pointent l’inverse : la part étrangère du fardeau est minoritaire, surtout lorsque l’importation est difficile à substituer. Selon Reuters, la part payée par les consommateurs, « moins d’un quart » jusqu’ici, peut grimper « jusqu’à deux tiers » si les taxes se maintiennent. C’est l’essence même d’une taxe : à la fin, quelqu’un la paie via les prix.

Donald Trump continue de mentir aux Américains

La Maison-Blanche défend une ligne simple : les tarifs seraient un instrument qui « fait payer l’étranger » sans augmentation significative des prix pour les ménages. Dans un message devenu viral, Donald Trump a même raillé le PDG de Goldman, David Solomon : « Qu’il se concentre sur son activité de DJ… plutôt que de diriger une grande institution financière ». Cette pique répondait à la note de Goldman sur l’inflation douanière. Ce récit politique heurte la réalité micro-économique documentée chez les détaillants — et, déjà, la statistique : le « core » repasse au-dessus de 3 % en juillet, tiré par des biens directement exposés aux droits de douane.

Mais la critique factuelle de la position de Donald Trump s’appuie sur le consensus empirique : lorsque l’on impose des tarifs, l’importation devient plus chère en douane. Si le taux de change ne compense pas et si la concurrence domestique est faible, la part supportée par les ménages augmente. C’est exactement ce que capture l’intervalle de Goldman (de 22 % à environ 67 % à l’automne si la trajectoire actuelle perdure). Autrement dit, la doctrine « l’étranger paie » ne tient pas face aux éléments observés depuis la mise en place des taxes.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

1 comment on «Godman Sachs l’assure : les droits de douane de Trump seront payés par les ménages»

  • Bertrand de Kermel

    Certes, mais cela ne va t-il pas contribuer à réindustrialiser les Etats Unis, ce qui va créer des emplois ?
    Les Etats Unis sont déraisonnables avec des droits de douane irréfléchis. Mais dans son principe, le libre échange débridé crée une concurrence très déloyale, on peut même dire toxique.

    Il suffit de lire la « lettre, aux français » du Prix Nobel d’économie Maurice Allais que Goldman Sachs a largement contribué à museler comme toutes les banques, toutes les plus grandes entreprises mondiales, et, bien sur tous les grands journaux appartenant aux super riches.

    Dès lors qu’il est possible de délocaliser des usines dans les pays à bas coûts, et de réexpédier les produits dans les pays quitté sans droits de douane, on facilite les bénéfices colossaux des grands acteurs économiques et on ruine les citoyens

    La lettre aux français de Maurice Allais : https://www.econospheres.be/Lettre-aux-Francais-contre-les

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