La Banque de France a publié, le 31 juillet, son bulletin « Parlons cash », révélant une inflexion marquée dans les comportements financiers liés à l’argent liquide. Si le réflexe de retrait d’espèces s’étiole, les Français qui persistent à retirer le font désormais avec des sommes nettement plus élevées. Ce glissement, chiffré et documenté, témoigne d’un repositionnement subtil mais réel de l’usage du cash au sein de l’économie nationale.
Les Français retirent moins souvent de l’argent, mais en plus grande quantité

Les retraits d’espèces en chute, les sommes en hausse
Entre 2023 et 2024, la France a enregistré une baisse de 4,3 % du nombre de retraits effectués aux guichets automatiques et bancaires, peut-on lire sur le site Sud Ouest. Un mouvement qui s’inscrit dans une tendance plus large : -7,1 % depuis 2022. En parallèle, le montant moyen de l'argent retiré s’est envolé, 126 euros en 2024, contre 82 euros dix ans plus tôt. Ce phénomène ne se limite pas à une simple diminution du recours aux espèces.
Il traduit un basculement plus profond. « Les Français retirent donc moins souvent des espèces au DAB, mais pour des montants plus élevés », analyse la Banque de France, qui précise que l’offre bancaire s’est adaptée à cette nouvelle donne. Le réseau des DAB, composé de 42 758 distributeurs fin 2024, a lui aussi diminué : -3,5 % en un an, -7,9 % en deux ans.
L’argent dématérialisé progresse, les cartes bancaires en force
Pour la première fois en 2024, les paiements par carte bancaire ont surpassé ceux réalisés en espèces dans les points de vente. Cette inversion historique est confirmée par la Banque centrale européenne, qui observe cependant une stabilité en valeur du cash utilisé. Ce changement de paradigme ne signifie pas pour autant la disparition du liquide.
Environ 30 milliards de billets en euros circulaient fin juin 2024, représentant une valeur proche de 1 600 milliards d’euros. Cette demande élevée de billets reflète autant un usage transactionnel que comportemental : une partie importante du cash reste « stockée sous le matelas », tant en zone euro qu’en Europe de l’Est ou en Afrique.
Une répartition inégale de l’accès à l’argent sur le territoire
Mais ce nouvel équilibre entre cartes et argent liquide ne s’applique pas uniformément à tout le territoire. Une étude relayée par la Caisse des dépôts en juin 2025 montre d’importantes disparités dans l’accès aux services bancaires. Si les habitants d’Île-de-France ou de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur disposent majoritairement de guichets bancaires dans leur commune, plus de la moitié des résidents de la Haute-Saône (59 %), de la Creuse (59 %), de la Meuse (57 %) et du Lot (54 %) en sont privés.
Ces déséquilibres régionaux participent à structurer une géographie différenciée du rapport à l’argent liquide, entre zones connectées à l’économie numérique et poches de retrait en quête de proximité bancaire.
Une demande en billets plus stratégique que pratique
Autre indicateur d’un changement structurel, la montée en puissance des billets de 50 euros, désormais surreprésentés dans les circuits de distribution. Selon la Banque de France, cette dynamique traduit moins une intensification des achats en liquide qu’une fonction de stockage ou de précaution. Dans un contexte de défiance numérique ou d’instabilité économique, le cash reste perçu comme une valeur refuge.
