France : la fréquentation estivale des cinémas en berne

En recul de plus de 13 % sur les sept premiers mois de l’année, la fréquentation des salles de cinéma confirme la fragilité du modèle français de diffusion. Ni la hausse du nombre de sorties, ni les opérations promotionnelles comme la Fête du cinéma n’ont suffi à enrayer le désintérêt du public, y compris en pleine canicule. Face à un environnement concurrentiel exacerbé et à une demande de plus en plus volatile, les professionnels appellent à repenser les contenus, à mieux articuler films d’auteur et productions grand public, et à revoir la stratégie tarifaire pour restaurer l’attractivité du secteur.

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By Rédacteur Published on 13 septembre 2025 9h00
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France : la fréquentation estivale des cinémas en berne - © Economie Matin
37,1%Sur les sept premiers mois de l’année, la part de marché des films français s’établit à 37,1 %

Une saison d’été en net retrait

Selon les dernières estimations du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), les salles de cinéma françaises ont totalisé 14,8 millions d’entrées en juillet 2025, en recul de 17,3 % par rapport à la même période en 2024. La fréquentation cumulée sur les sept premiers mois de 2025 s’élève à 89,51 millions, soit une baisse de 13,6 % d’une année à l’autre.

Ces résultats contrastent avec le léger rebond observé en janvier (+0,8 %) et confirment que les mois estivaux n'ont pas joué leur rôle de relance. Le nombre de sorties a pourtant progressé : 60 films ont été lancés en juillet, contre 52 en 2024, soit une moyenne de 12 nouveautés par semaine. La performance commerciale reste en revanche médiocre : seuls Dracula de Luc Besson et la comédie Y a pas de réseau d’Édouard Pluvieux franchissent le seuil des 600 000 entrées, loin des standards habituels de la saison.

L’effet prix, un levier devenu critique

Le tarif moyen des places, désormais proche des 10 euros, pèse sur la demande dans un contexte économique sous tension. Si la concurrence des plateformes est fréquemment invoquée, les professionnels pointent aussi la sensibilité croissante au prix, y compris sur les produits culturels. « Les gens se serrent la ceinture dans tous les domaines », rappelle François Clerc, président d’Apollo Films. L’échec relatif de la dernière Fête du cinéma, dont la fréquentation a chuté de 35,8 % par rapport à 2024, illustre ce phénomène.

Cette dimension budgétaire entérine une érosion plus structurelle : le cinéma, perçu historiquement comme un bien culturel accessible, se heurte aujourd’hui à une hiérarchisation plus stricte des dépenses non essentielles. L’argument de la salle comme espace climatisé et collectif n’a pas suffi à inverser la tendance, même en période de canicule.

Un désalignement persistant entre l’offre et la demande

Malgré la densité de l’offre, la promesse cinématographique ne mobilise plus. L’année précédente, Le Comte de Monte-Cristo et Barbie avaient suscité un fort engouement. Aucun équivalent n’a émergé à l’été 2025. « Les films de l’été ne me tentaient pas », confie une festivalière à Angoulême – venue justement pour la bande dessinée. Ce sentiment d’indifférence traverse les générations et traduit un déficit d’attractivité. Selon plusieurs acteurs, le problème est avant tout qualitatif.

La majorité des sorties ne parvient plus à jouer un rôle de locomotive. La multiplication de productions à budget moyen, souvent pensées pour des niches, fragilise l’économie d’ensemble. L'offre reste trop souvent formatée ou hésitante, sans propositions réellement différentes pour fédérer au-delà des cercles cinéphiles.

Vers une redéfinition du contenu et des modèles de production

De plus en plus de voix s’élèvent pour appeler à une réorientation stratégique du secteur. Le producteur Nicolas Dumont plaide pour une ambition renouvelée : investir dans des récits originaux, refuser la standardisation, sortir d’une logique de reproduction des succès passés. Pour Hugues Peysson, président de L’Atelier d’Images, la clé réside dans la capacité à surprendre et à émouvoir : « Répéter les mêmes choses à l’infini ne fonctionne plus. »

Le débat autour des « films du milieu » — ces productions à mi-chemin entre le cinéma d’auteur et le divertissement populaire — refait surface. Les succès récents de La Nuit du 12 ou de Vingt dieux ont récemment démontré la pertinence de ce modèle. Mais ce segment, pourtant historiquement central dans le financement du cinéma français, peine à trouver sa place dans une logique industrielle où les extrêmes (blockbusters ou films très identitaires) captent l’essentiel des ressources.

Réinterroger la salle dans un écosystème fragmenté

Le cinéma en salle est de moins en moins perçue comme le lieu naturel de découverte des œuvres. Face à une consommation culturelle de plus en plus individualisée et domestique, la salle doit réaffirmer sa spécificité. L’actrice et réalisatrice Isabelle Carré défend cette approche : « Le cinéma est une expérience collective. On ne vit pas un film de la même façon dans une salle que dans son salon. »

D’un point de vue industriel, cette recomposition des usages oblige les acteurs à repenser leur rapport au public, mais aussi à la temporalité de diffusion des œuvres. Dans un monde où le cycle de vie d’un contenu est compressé, le modèle de distribution en salle, linéaire et concentré sur les premières semaines, apparaît de plus en plus fragile.

Une part de marché française sous pression

Sur les sept premiers mois de l’année, la part de marché des films français s’établit à 37,1 %, contre 45,6 % sur la même période en 2024. Elle recule aussi en année glissante, à 40,1 %, confirmant la perte d’influence du cinéma hexagonal dans son propre écosystème.

Les films américains conservent une part stable autour de 36 %, tandis que les productions issues d’autres pays (notamment britanniques, comme Jurassic World: Renaissance ou F1 – Le film) gagnent du terrain. Cette recomposition du box-office souligne également une forme de déconnexion entre les goûts du public français et les propositions nationales.

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