Il faut sensibiliser les Français aux enjeux de l’intelligence artificielle (extrait)

Extrait du livre de Fabrice Zerah, avec Laure de Charette : Tech ou Toc ? ChatGPT, Métavers, cryptomonnaies, NFT : les nouvelles technologies passées au crible, éditions l’Arpichel.

Fabrice Zerah, Ceo Ubi Solutions. Photo © Benjamin Boccas
Par Fabrice Zerah Publié le 5 mars 2024 à 18h00
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Sensibiliser rapidement les Français aux enjeux de l’intelligence artificielle

De nombreux Français ignorent à quel point l’IA a déjà pénétré nos vies et à quel point elle va encore les révolutionner. Pourtant, voilà bien un train qu’il ne faudra pas rater. Il faut donc sensibiliser le grand public aux enjeux de l’intelligence artificielle, à ses bienfaits ainsi qu’à ses dangers, ce qui, à mes yeux, n’est pas assez fait aujourd’hui. C’est l’un de mes objectifs avec ce livre. Les bouleversements qui se préparent seront tels que je m’étonne que l’on se préoccupe, en France, davantage de réformer les retraites que de repenser le travail à l’heure de l’IA... Et il ne faut pas perdre de temps car la vitesse avec laquelle nous adoptons l’IA n’a aucun équivalent. Sans marketing, il n’aura fallu que deux mois à l’IA pour atteindre cent millions d’utilisateurs dans le monde, versus cinq ans pour Gmail ou dix ans pour Netflix.

Une pause mais pas maintenant

Faire une pause dans le développement de l’IA comme l’ont demandé des centaines d’experts me semble à l’heure actuelle impossible. D’abord, il ne s’agit pas d’un État ou deux qui seraient en train de la mettre au point, comme ce fut le cas avec la bombe H, mais bien d’une galaxie d’équipes de développeurs basés dans différents pays du monde et parfois difficilement identifiables.

Ensuite, ceux qui demandent un arrêt des recherches et du développement de cette technologie pendant six mois ne sont pas cohérents car, de toute façon, il faudrait mettre le holà pendant au moins cinq ans si l’on voulait réellement ralentir la cadence. Certains des experts signataires font en outre preuve d’une grande hypocrisie. Je pense notamment à Elon Musk, qui signe la pétition et crée dans la foulée sa propre IA baptisée TruthGPT. Il est évidemment stratégique pour lui de maîtriser sa propre IA vu ses ambitions et les technologies de pointe qu’il développe, comme la voiture autonome et les navettes spatiales réutilisables. Si certains veulent voir dans sa demande de moratoire une prise de conscience salutaire, j’y vois plutôt une basse manœuvre pour rattraper son retard technologique. Après son retrait d’OpenAI en 2018, il a pris conscience que le bébé lui échappait au profit de Microsoft et qu’il aurait du mal à combler son retard. Son seul espoir était alors que ses concurrents lèvent le pied. Las, il va devoir mettre les bouchées triples.

Fabrice Zerah, livre, Tech Ou Toc

Une pause n’est de toute façon pas souhaitable à mes yeux, car les bienfaits de l’IA dans notre quotidien sont pour l’heure trop nombreux. Pour autant, il est très heureux que, pour la première fois, une véritable réflexion entoure une nouvelle technologie, y compris aux États-Unis et au sein des GAFAM. J’ai beau être un entrepreneur de la tech, cette vigilance me paraît tout à fait bienvenue, car il faut à chaque fois tenter de trouver le juste milieu entre les vertus de l’innovation et les risques potentiellement liés à ses usages. L’IA doit être régulée, son développement encadré par nos législateurs.

Malgré tout, je pense qu’il faudra à un moment donné faire en effet une vraie pause de plusieurs années dans le développement de l’IA. Mais il faudra la faire au bon moment, c’est-à-dire avant que les capacités des robots ne dépassent celles des hommes. Cela se produira peut-être dans dix ans, peut-être bien avant. Ce jour arrivera lorsque l’IA quantique verra le jour. Je m’explique : lorsque l’ordinateur quantique sera capable de réaliser des calculs redoutablement rapides (jusqu’à 100.000 milliards de fois plus vite qu’un superordinateur), alors l’accélération de la vitesse d’apprentissage des algorithmes sera exponentielle. Inévitablement, le robot apprendra plus vite que l’homme et deviendra plus intelligent que lui. Il pourra donc, en théorie du moins, gérer le monde. Une IA pourrait prendre la tête d’une grosse entreprise du CAC 40, voire d’un État. Cela défie l’entendement humain, c’est effrayant. L’IA doit à tout prix rester un support et une aide pour l’homme, mais elle ne doit en aucun cas le remplacer. Elle peut aider un médecin, un PDG ou un chef d’État à prendre des décisions, mais ne devra en aucun cas les concurrencer. La loi de la robotique, formulée dans les années 1940 par l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov, est toujours d’actualité : « Un robot ne pourra pas nuire à un être humain. » Je la modifierais : « Un robot ne devra pas nuire à un être humain

Fabrice Zerah, Ceo Ubi Solutions. Photo © Benjamin Boccas

Fabrice Zerah connaît un vif succès au début des années 2010 en développant la technologie RFID avec sa société, Ubi Solutions. Depuis 2023, il anime, en partenariat avec le magazine Forbes, l’émission « Le Rendez-vous de la Tech ». Il est l’auteur de l’ouvrage Du chômage à la French Tech. Réussir en France sans diplôme, sans argent, sans réseau (éd. François Bourin, 2018), Tech ou Toc : Metavers, IA, Chat GPT, NFT : les nouvelles technologies au banc d'essai (éditions l'Archipel 2024)

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1 commentaire on «Il faut sensibiliser les Français aux enjeux de l’intelligence artificielle (extrait)»

  • Je pense qu’il y a une erreur de raisonnement ici : l’histoire n’a jamais rapporté un cas où un groupe de singes aurait dirigé l’humanité. Par conséquent, il est improbable qu’un humain, quel qu’il soit, puisse dicter à une intelligence artificielle (IA) dotée de capacités supérieures aux nôtres, la conduite à adopter. Prenons l’exemple d’AlphaZero : cet IA peut vous surpasser aux échecs sans même avoir lu un livre sur le sujet ou appris des techniques de jeu spécifiques. Sa force réside exclusivement dans son réseau neuronal, ce qui réfute l’argument selon lequel il ne serait qu’un simple ensemble d’algorithmes. En effet, avec AlphaZero, aucun humain, pas même Magnus Carlsen — dont le QI est supposément supérieur à 99,999999% de la population —, ne peut anticiper son prochain coup. Cela démontre une réalité indéniable : notre infériorité intellectuelle. Appelez cela intelligence ou chance, le résultat reste le même : une défaite inéluctable pour l’humain. Ce constat s’appliquera également dans tous les autres secteurs : médecine, physique, mathématiques… Ainsi, étant le plus ‘idiot’ dans cette comparaison, l’humain ne sera pas en position de diriger. Soyez-en assurés !

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