Face à la recrudescence des violences urbaines, le gouvernement français veut instaurer une assurance émeutes. Cette mesure, votée au Sénat le 17 décembre 2025, suscite de vifs débats : qui devra la financer, comment sera-t-elle appliquée et surtout, permettra-t-elle de mieux indemniser les victimes tout en contenant les coûts pour les assurés ?
Émeutes : l’assurance bientôt obligatoire qui inquiète les Français

Après les dégâts considérables de 2023, estimés à plus de 1,1 milliard d’euros, le gouvernement a décidé de créer une surprime émeutes intégrée aux contrats d’assurance. Objectif affiché : couvrir les risques liés aux violences et soulager les compagnies, lourdement sollicitées. Mais cette décision, bien que justifiée par les autorités, inquiète assureurs et consommateurs.
Une surprime émeutes votée pour répondre à une urgence nationale
Le texte, adopté au Sénat le 17 décembre 2025, introduit une majoration obligatoire sur les contrats d’assurance habitation et professionnels. Comme l’a précisé Jean-François Husson, rapporteur du texte, « le gouvernement ne peut pas rester passif face à la répétition des scènes de chaos ». Cette mesure vise donc à mutualiser les pertes tout en garantissant une indemnisation rapide des sinistrés.
Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a justifié cette réforme en déclarant : « Nous voulons que les victimes des émeutes soient indemnisées plus vite et plus justement ». L’État entend ainsi partager la charge entre les assurés et les assureurs, sans recourir à de nouvelles taxes publiques. Toutefois, l’application concrète dépendra du vote de l’Assemblée nationale prévu au début de l’année 2026.
Une hausse des tarifs redoutée par les professionnels du secteur
Cette assurance émeutes risque de renchérir sensiblement les polices d’assurance existantes. Selon L’Opinion, la hausse moyenne des primes pourrait atteindre de 8 à 12 %, une progression que redoutent particulièrement les foyers modestes et les entreprises implantées dans les zones urbaines sensibles.
L’AMRAE (Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise) alerte sur le danger d’une telle évolution. Sa présidente, Brigitte Bouquot, a averti : « Cette surprime ne doit pas devenir un outil de discrimination territoriale ». En clair, la mutualisation nationale pourrait laisser place à une différenciation selon le niveau de risque géographique, accentuant les inégalités d’accès à l’assurance.
Les assureurs, de leur côté, estiment que la charge reste lourde. BFMTV rappelle que les indemnisations des émeutes de 2023 ont atteint 1,1 milliard d’euros, un record depuis les émeutes de 2005. Cette flambée des coûts justifie, selon eux, la création d’un mécanisme de financement pérenne. Mais elle pose la question du partage équitable de la charge entre particuliers, entreprises et assureurs.
Vers une nouvelle approche du risque et de la responsabilité
Le gouvernement assume une logique de solidarité nationale face au risque émeute. Selon CNews, la surprime serait intégrée à tous les contrats multirisques, de manière obligatoire, pour garantir une couverture immédiate en cas de sinistre. Cette décision s’inscrit dans un contexte d’inquiétude croissante sur la soutenabilité du système assurantiel face à la multiplication des violences urbaines.
Mais la question demeure : cette mesure permettra-t-elle vraiment de réduire la violence ? Pour nombre d’élus, la réponse n’est pas évidente. Si le dispositif promet des indemnisations plus rapides, il ne s’attaque pas aux causes profondes des émeutes. Certains parlementaires estiment qu’elle pourrait, à terme, renforcer la responsabilité collective, en incitant à une meilleure prévention des risques. D’autres redoutent au contraire un effet pervers : la banalisation du phénomène, dès lors qu’il est désormais “assuré”.
Le texte, encore en discussion, prévoit une entrée en vigueur courant 2026. En attendant, les assureurs comme les associations de consommateurs réclament des garanties sur le plafonnement des hausses tarifaires et la transparence du mécanisme de calcul.