Marchés obligataires : garder une longueur d’avance

Les taux sont devenus très intéressants, notamment depuis que le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a passé la barre des 5% en octobre dernier. Après la période de liquidation qui a succédé à la phase de nette inversion des courbes l’été dernier, nous devrions observer un vaste mouvement haussier à l’approche de 2024.

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Par Sam Vereecke Publié le 23 décembre 2023 à 9h30
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3%L’inflation reflue rapidement et elle est déjà inférieure à 3% dans la zone euro

Le marché table actuellement sur une inflation très modérée qui devrait évoluer entre 2% et 2.5% sur le court comme sur le long terme en Europe et aux Etats-Unis. Il en va tout autrement pour les rendements réels. Leur forte augmentation a été le principal moteur de la hausse des taux ces derniers mois. Cela signifie que le marché n’anticipe pas de stagflation. Il table au contraire sur une inflation qui se situe dans la cible ainsi que sur des rendements réels plus élevés. Ses attentes correspondant aux objectifs des banques centrales, une allocation aux obligations indexées sur l’inflation représente donc une bonne couverture contre l’un des risques liés à la duration, à savoir, des attentes d’inflation en hausse.

Economie

Au niveau des prévisions, les craintes concernant la croissance ont supplanté celles liées à l’inflation, une évolution qui devrait peser sur l’ensemble des taux en 2024. À l’échelle mondiale, les marchés de l’emploi ont bien résisté jusqu’à présent, même si plusieurs indicateurs commencent à s’inverser. En Europe, la croissance de l’emploi devrait ralentir dans les mois à venir. L’inflation reflue rapidement et elle est déjà inférieure à 3% dans la zone euro. Cependant, malgré des politiques fiscales généreuses, le consommateur voit son revenu disponible diminuer. L’épargne est elle aussi en baisse, les crédits à la consommation refluent et les impayés de carte de crédit ont augmenté.

Les principaux indicateurs économiques ont basculé dans le rouge, tandis que les enquêtes auprès des chefs d’entreprise sont de moins en moins positives. Même si les économies affichent une belle dynamique, elles devraient bientôt subir l’impact du ralentissement de la demande et du durcissement des conditions de financement. Cette évolution devrait avoir un impact significatif sur les taux en 2024.

Banques centrales

Les banques centrales ont maintenu leur resserrement pendant près de deux ans. Malgré cela, les économies mondiales ont résisté pendant plus longtemps que prévu.

En premier lieu, la relance budgétaire a atteint des niveaux sans précédents. Les Etats-Unis ont affiché un déficit budgétaire de 18% pendant le premier trimestre de 2021, déficit qui devrait excéder les 5% au cours des deux prochaines années. La France, par exemple, devrait également afficher des déficits entre 4% et 5% de son PIB au cours des deux années à venir, tandis que l’Allemagne devrait être plus modérée. Par conséquent, les mesures de relance budgétaire ont compensé une partie des effets du resserrement de la politique monétaire.

De plus, comme la politique monétaire agit avec un certain décalage, ses effets devraient se faire ressentir tout au long de 2024. En zone euro, par exemple, l’impact du resserrement monétaire est déjà visible en raison des hausses de taux d’intérêt et de la réduction significative du bilan de la BCE de 70% à 50% du PIB.

Les banques centrales ont maintenu une politique de taux planchers entre 2009 et 2021, les années avant le Covid étant la seule exception. En effet, depuis les années 1980, elles n’ont pas vraiment eu à se soucier de l’inflation, ce qui a peut-être créé l’illusion qu’elles pouvaient maintenir perpétuellement un positionnement accommodant. Toutefois, le pic d’inflation récent a réduit cette illusion à néant. Il est peu probable que les banques centrales reviennent vers des taux directeurs structurellement bas. Toutefois, elles pourraient adopter une politique monétaire moins agressive, espaçant les périodes de taux nuls. A l’avenir, les taux directeurs devraient fluctuer entre les niveaux actuels et des taux proches de zéro, en fonction des ralentissements économiques futurs.

Obligations « investment grade »

Les émetteurs d’obligations de qualité « investment grade » (IG) sont largement assez solides pour faire face à d’éventuels ralentissements économiques. Leurs marges bénéficiaires sont confortables, ils disposent d’importantes réserves de liquidités dans leurs bilans et leurs profils d’endettement en matière d’échéances sont robustes. Leurs business modèles sont diversifiés tant sur le plan géographique que sur celui de leur offre, ce qui leur confère une grande résilience.

Depuis la guerre en Ukraine et en comparaison avec nombre d’autres marchés développés comme les Etats-Unis, le différentiel de rendement des obligations en euros s’est élargi, ce qui le rend d’autant plus attrayant. En outre, le « carry » offre une couche de protection supplémentaire contre un éventuel élargissement du spread en cas de ralentissement économique. Dans l'ensemble, la solvabilité des émetteurs d’obligations IG tend à s’améliorer, les hausses de notations étant plus nombreuses que les baisses. En raison de tous ces facteurs, une surpondération de cette classe d’actifs s’impose.

Obligations à haut rendement

Les spreads des obligations à haut rendement sont impressionnants et un rendement de 7% en euros constitue une bonne protection contre les défauts de paiement. Si ces spreads venaient à s’élargir encore du fait d’un ralentissement de l’économie, cela représenterait des points d’entrée intéressants dans cette classe d’actifs en 2024. Le niveau d’endettement des émetteurs d’obligations à haut rendement de qualité (notations BB) étant inférieur à ce qu’il était ces dernières années, ils sont mieux outillés pour faire face à un éventuel ralentissement de l’activité. Si pour l’heure, il convient de maintenir une position neutre sur le haut rendement, en 2024, tout élargissement des spreads pourrait être mis à profit pour renforcer cette position.

Comment positionner les portefeuilles ?

De manière générale, le phénomène de “carry” a refait surface sur le marché obligataire. Il paraît donc opportun de profiter des phases de faiblesses pour augmenter la duration et surpondérer la classe d’actifs. Nous devrions maintenir notre surpondération aux obligations IG non seulement parce que ce segment présente une duration inférieure à celle des emprunts d’Etat, mais aussi parce qu’il offre un “carry” supplémentaire intéressant du fait de son spread attrayant. En ce qui concerne les obligations high yield, nous adoptons une position neutre pour le moment, mais un ralentissement économique pourrait être l'occasion d'accroître l'exposition à ce type de titres. Certains segments affichent des rendements très attrayants, et sont une bonne couverture contre des risques tels que le risque de devise ou le risque débiteur. C’est le cas de la dette émergente en devise locale qui affiche un rendement de 9%. De plus, en raison de la baisse attendue des rendements américains, ces devises locales devraient être largement préservées.

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CIO Fixed Income DPAM

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