Mercosur : Macron relance la contestation des agriculteurs

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur ravive la colère du monde agricole. Après des propos jugés ambigus d’Emmanuel Macron, la FNSEA dénonce un reniement et prépare une grande mobilisation pour défendre l’agriculture française face à ce qu’elle considère comme une menace commerciale.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 10 novembre 2025 6h36
Mercosur : l'Italie se joint à la France pour stopper l'accord avec l'UE
Mercosur : Macron relance la contestation des agriculteurs - © Economie Matin
40%Les coûts de production en élevages de bovins viande du Mercosur étaient inférieurs en moyenne de 40% à ceux des élevages européens

Depuis le 7 novembre 2025, la polémique autour de l’accord de libre-échange avec l’Amérique latine Mercosur a repris de plus belle. En déplacement en Amérique du Sud, Emmanuel Macron s’est dit « plutôt positif » quant à un accord de libre-échange avec ce bloc commercial regroupant le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Une déclaration qui a mis le feu aux poudres dans le monde agricole. La FNSEA, principal syndicat du secteur, y voit un risque majeur pour l’agriculture nationale et dénonce un double discours de l’exécutif.

Mercosur : Macron se met à nouveau à dos les agriculteurs

La controverse naît d’une phrase prononcée par Emmanuel Macron lors d’un échange avec son homologue brésilien : « Je suis plutôt positif, mais je reste vigilant parce que je défends aussi les intérêts de la France », a déclaré le chef de l’État selon Le Monde. Cette prudente ouverture au Mercosur, après des années de réserve, a immédiatement suscité la colère de la FNSEA.

Le syndicat a publié un communiqué au ton ferme : « Nous restons fermes sur notre opposition pleine et entière à la ratification de l’accord du Mercosur », a martelé Arnaud Rousseau, son président. Selon lui, cet accord de libre-échange menacerait directement la compétitivité des exploitations françaises en autorisant l’importation de produits agricoles à bas prix, issus de systèmes de production qui ne respecteraient pas les mêmes normes que celles imposées en Europe.

La FNSEA estime que la promesse présidentielle de « ne jamais sacrifier l’agriculture » est en train de vaciller. Plusieurs filières, notamment bovine, avicole et céréalière, redoutent un déséquilibre massif des échanges. D’après les chiffres rappelés par Reuters, l’accord prévoirait la suppression progressive de 92 % des droits de douane européens sur les exportations du Mercosur sur une décennie, tandis que ce dernier lèverait 91 % de ses propres barrières tarifaires sur quinze ans.

Mercosur : Un accord de libre-échange jugé « toxique » par la FNSEA

Pour la FNSEA, l’accord avec le Mercosur est « un accord toxique, une colère certaine ». L’organisation syndicale reproche à l’exécutif de relancer un dossier qu’elle croyait gelé depuis 2023. « Importer des produits qui ne sont pas produits dans les mêmes conditions que les nôtres, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », déclare Jérôme Despey, premier vice-président de la FNSEA, dans La France Agricole.

Le syndicat demande que soient appliquées des clauses miroir : les importations doivent respecter les mêmes standards sanitaires, environnementaux et sociaux que les produits européens. Il réclame aussi des clauses de sauvegarde automatiques permettant de suspendre l’accord en cas de déséquilibre grave des marchés agricoles. Ces mesures, jugées « indispensables », viseraient à empêcher ce que les agriculteurs appellent une concurrence déloyale.

Face à la tempête, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard tente d’éteindre l’incendie : « La France ne signera pas un accord qui condamnerait ses agriculteurs », assure-t-elle selon La France Agricole. Elle rappelle que Paris exige depuis le début des garanties solides sur la traçabilité et la qualité des importations issues du Mercosur. Mais ces déclarations peinent à calmer la colère des syndicats, qui jugent les promesses gouvernementales trop vagues.

Mobilisation annoncée : la colère monte dans les campagnes

La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ont annoncé une journée nationale de mobilisation pour le mercredi 12 novembre 2025 à Toulouse, selon TF1 Info. Le choix de la date n’est pas anodin : Emmanuel Macron doit se rendre ce jour-là en Occitanie. « C’est le moment d’interpeller directement le président », explique un responsable syndical cité par Centre Presse Aveyron.

Les revendications sont claires : obtenir un engagement ferme du gouvernement contre toute ratification de l’accord tant que des garanties concrètes sur les contrôles et les normes n’auront pas été apportées. « Nous n’avons aujourd’hui aucun élément qui nous permette de dire comment ces contrôles vont être réalisés », a précisé Jérôme Despey au même média.

L’objectif de la mobilisation est aussi symbolique : rappeler au pouvoir exécutif que les agriculteurs représentent une force politique et sociale majeure. Depuis la crise des prix agricoles en 2024, la FNSEA multiplie les actions pour défendre ce qu’elle appelle « la souveraineté alimentaire française ».

Mercosur : entre commerce et politique, un dossier explosif

Au-delà du seul aspect agricole, l’affaire du Mercosur prend une dimension diplomatique. Pour Bruxelles, il s’agit de finaliser un traité emblématique qui permettrait d’élargir les débouchés commerciaux européens en Amérique du Sud. Pour Paris, la position est plus ambiguë : la France dit soutenir le libre-échange, mais « pas à n’importe quel prix ».

Ce revirement apparent d’Emmanuel Macron suscite d’autant plus de critiques qu’il rompt avec sa ligne précédente. En 2019 puis en 2020, le chef de l’État avait estimé que l’accord « n’était pas acceptable en l’état ». Aujourd’hui, le ton est plus mesuré, au grand dam de la FNSEA. Selon RTL, de nombreux syndicats y voient « un affront » et redoutent une trahison des promesses faites après la crise agricole de 2022.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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