Annoncé comme imminent, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur a finalement été repoussé à janvier. Sous la pression politique et agricole, Bruxelles a dû temporiser. Ce report change la donne pour les États, les agriculteurs et les consommateurs européens.
Mercosur : pourquoi l’accord de libre-échange a été reporté à janvier

Le 18 décembre 2025, à Bruxelles, la Commission européenne a officialisé le report de la signature du traité Mercosur. Longtemps présenté comme un aboutissement, cet accord de libre-échange cristallise désormais tensions agricoles, arbitrages politiques et fractures européennes, au point de forcer l’Union européenne à ralentir.
Un report sous pression politique et agricole
Le report du Mercosur n’est pas le fruit du hasard. Il intervient dans un contexte de mobilisation agricole intense, notamment en France, en Belgique et en Italie. Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs dénoncent un accord jugé déséquilibré. Ils estiment, en effet, que le traité Mercosur expose l’agriculture européenne à une concurrence qu’ils jugent déloyale, tant sur les normes sanitaires que sur les coûts de production.
À Bruxelles, cette contestation a pris une ampleur inédite. Plus de 7 000 agriculteurs ont manifesté autour du sommet européen, bloquant plusieurs axes stratégiques, selon les autorités locales. Cette pression de terrain a pesé directement sur les discussions. Face à cette situation, Ursula von der Leyen a annoncé aux chefs d’État et de gouvernement le report de la signature du Mercosur à janvier, estimant qu’un consensus politique n’était pas encore suffisamment stabilisé.
La France a joué un rôle moteur dans ce report du Mercosur. Emmanuel Macron s’est félicité publiquement de ce délai supplémentaire, tout en soulignant que la France ne pouvait soutenir l’accord en l’état. Le chef de l’État a expliqué qu’il fallait « des avancées » supplémentaires avant toute validation, rappelant que les garanties environnementales et agricoles restaient insuffisantes. Cette position française a trouvé un écho chez plusieurs partenaires européens, dont l’Italie, l’Autriche et la Pologne.
Les fractures européennes derrière le report
Si le Mercosur est officiellement reporté, c’est aussi parce que l’Union européenne apparaît profondément divisée. D’un côté, la Commission européenne, soutenue par certains États membres, défend un accord stratégique. Le traité Mercosur créerait en effet une zone de libre-échange de près de 780 millions de consommateurs, représentant environ 25 % du PIB mondial, selon les chiffres communiqués lors des négociations.
De l’autre côté, plusieurs gouvernements redoutent un choc politique et social. En France, la colère agricole a remis le Mercosur au centre du débat public. En Italie, le Premier ministre Giorgia Meloni a demandé davantage de temps afin de rassurer son secteur agricole, pourtant structurellement tourné vers l’export. Ce positionnement italien illustre bien les équilibres fragiles autour du Mercosur : favorable sur le principe, mais risqué sur le plan intérieur.
La Commission européenne, par la voix d’Ursula von der Leyen, affirme pourtant disposer d’une majorité qualifiée potentielle pour faire adopter l’accord Mercosur en janvier. La présidente a déclaré être « confiante » sur l’issue du vote. Toutefois, ce calendrier révèle surtout une volonté de désamorcer la crise agricole avant toute décision formelle, afin d’éviter une rupture politique durable entre Bruxelles et les États membres.
Le report du Mercosur met également en lumière une fatigue institutionnelle. Négocié depuis près de 25 ans, cet accord est devenu l’un des plus longs dossiers commerciaux européens. Chaque crise agricole, chaque alternance politique nationale, a repoussé un peu plus son aboutissement. Le report annoncé en décembre 2025 s’inscrit ainsi dans une longue série de retards, révélateurs des limites du consensus européen en matière de libre-échange.
Ce que le report du Mercosur change pour agriculteurs et consommateurs
Pour les agriculteurs européens, le report du Mercosur constitue avant tout un répit. Les syndicats agricoles, à commencer par la FNSEA, y voient une victoire tactique. Ils estiment avoir contraint Bruxelles à reconnaître la profondeur du malaise agricole. Selon la FNSEA, seule une remise à plat des concessions agricoles permettrait d’éviter une concurrence accrue sur la viande bovine, le sucre ou encore la volaille.
Les problèmes soulevés par le Mercosur sont, toutefois, plus anciens que la crise actuelle. Plusieurs rapports parlementaires rappellent que les inquiétudes agricoles existaient bien avant la finalisation du texte. Les normes environnementales, l’usage de pesticides interdits en Europe et la traçabilité des produits importés restent au cœur des critiques. Le report du Mercosur ne règle donc pas ces questions de fond, mais repousse leur arbitrage.
Pour les consommateurs européens, l’impact est plus indirect. À court terme, le report du Mercosur signifie l’absence de baisse tarifaire sur certains produits importés d’Amérique du Sud. À moyen terme, il maintient un statu quo sur les prix et sur l’offre alimentaire. Les défenseurs de l’accord estiment pourtant que le Mercosur pourrait favoriser le pouvoir d’achat, grâce à une diversification des importations et à une baisse de certains droits de douane.
En revanche, pour les filières industrielles et de services, le report du Mercosur est perçu comme un signal d’incertitude. Plusieurs secteurs exportateurs européens attendent cet accord pour sécuriser leurs débouchés en Amérique du Sud. Le décalage à janvier retarde donc des stratégies commerciales déjà engagées, sans garantie que l’accord sera finalement signé.
