Une semaine importante

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Par Hervé Goulletquer Publié le 9 décembre 2019 à 13h13
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2%Les Etats-Unis devraient connaître une croissance inférieure à 2% en 2019.

Américains et Chinois vont-ils enfin être en situation de signer un accord commercial ? Le chemin vers la sortie du RU de l’UE va-t-il enfin être définitivement balisé ? Quelles perspectives pour les mois et trimestres à venir la Fed et la BCE vont-elles proposer ?

La semaine qui s’ouvre est importante, avec des élections au Royaume-Uni et en Algérie et des comités de politique monétaire aux Etats-Unis et en Zone Euro. Mais commençons par faire un point sur l’état de l’économie et sur le message que celui-ci envoie sur la volonté des Américains et des Chinois de conclure rapidement un accord commercial. Que fera la Maison Blanche si rien ne s’est passé le 15 décembre (dimanche prochain) ? Augmentera-t-elle les droits de douane sur une partie des produits importés de Chine ?

L’économie américaine a créé 266 000 nouveaux postes de travail le mois dernier. Bien sûr, le chiffre est inflaté par le retour à l’emploi dans le secteur de l’automobile, après la grève intervenue plus tôt. Il n’empêche que la tendance, qu’elle soit mesurée sur 3, 6 ou 12 mois, est de l’ordre de 180 à 200 000 créations d’emplois par mois. C’est près du double de ce qui est suggéré par la dynamique démographique. Il faut donc comprendre que le taux de participation augmente : surtout dans les « minorités ethniques », chez les handicapés et pour les personnes peu qualifiées. Cette « réserve de main d’œuvre » dorénavant sollicitée est probablement une des raisons à la modération salariale.

Une progression de l’emploi de 1,5% l’an, qui vient cumuler ses effets à des gains de productivité du travail comparables, devrait faire conclure à une croissance annualisée du PIB de 3%. Pourtant aucun prévisionniste ne retient un tel tempo. Le consensus parie sur un rythme autour, voire inférieur, à 2%. L’hypothèse à privilégier est sans doute double : un ralentissement des créations d’emplois et des gains de productivité plus faibles à l’horizon des prochains trimestres.

Les statistiques chinoises du commerce extérieur pour le mois de novembre sont décevantes. Les exportations, en dollar, sont en baisse sur un an (-1,1%); surtout à destination des Etats-Unis (-23,0%). Les importations sont à-peu-près stables, stimulées au moins en partie par des achats de produits agricoles (en provenance aussi des Etats-Unis ?) : +33,2% après +7,3% en octobre.

Comment traduire le message envoyé par ces statistiques en perspectives concernant les négociations sino-américaines ? Le commerce extérieur pèse sur la croissance chinoise. Il y a ici probablement une raison pour vouloir à Pékin « aller » à l’accord. Pour Washington, le constat est vraisemblablement davantage ambigu. D’un côté les messages envoyés par l’économie et les marchés de capitaux sont favorables ; pourquoi ne pas « jouer la montre » et mettre la partie adverse sous pression ? De l’autre, ne faut-il pas, pour des raisons électorales, sécuriser une situation enviable ? Un retournement de conjoncture au cours de prochains trimestres serait préjudiciable à la réélection de Donald Trump. Larry Kudlow, le conseiller économique du Président américain, a déclaré vendredi après-midi qu’«un accord est proche et il est même un peu plus proche que la dernière fois que j’ai fait cette déclaration en novembre ». Le tout en insistant sur le fait qu’il n’y avait pas de « date butoir arbitraire ».

Passons à la semaine qui démarre. Jeudi les Britanniques sont appelés aux urnes. Les sondages donnent les Conservateurs gagnants, avec une avance en pourcentage suffisamment large sur les Travaillistes (autour de 10 points) pour leur permettre de disposer de la majorité absolue aux Communes. Ce n’est pas pour autant que la victoire est garantie. La polarisation de la Société est profonde, le degré de mobilisation des générations les plus jeunes est mal connu et les conditions climatiques décideront en partie du taux de participation à une élection, pour laquelle les leaders de chacun des deux grands partis sont très loin de faire l’unanimité dans leurs camps respectifs et auprès des électeurs.

Les Algériens voteront aussi ce jeudi. On sait que les cinq candidats au premier tour de l’élection présidentielle sont largement rejetés par l’opinion publique. Que va-t-il se passer durant l’entre-deux-tours et une fois le nouveau Président en place ? Ira-t-on vers une déstabilisation du pays, qui participera d’un surcroît de fragilité du monde arabe ? Les pays européens ne peuvent pas être indifférents aux évènements dans une région du monde géographiquement et « culturellement » proche.

La Fed et la BCE réunissent, mardi et mercredi pour la première et mercredi et jeudi pour la seconde, leurs comités respectifs de politique monétaire. Aucun changement de réglage n’est attendu. Aux Etats-Unis, la ligne directrice ne devrait pas changer : sauf nécessité de revoir le scénario, la « ligne » actuelle serait maintenue. De plus, la révision trimestrielle des projections confirmerait largement les perspectives économiques déjà dressées. En Zone Euro, Christine Lagarde présidera son premier Conseil des gouverneurs et animera sa première conférence de presse. Les marchés seront attentifs tant à la forme (la communication et le leadership) qu’au fond (le diagnostic économique, la déclinaison de la politique et la revue de la stratégie).

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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