La difficile arithmétique des actions « #neversell »

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Par Giles Parkinson Publié le 29 janvier 2021 à 12h54
Perspective Crise Economique Bourse
1000 DOLLARSL'action Amazon a augmenté de plus de 1.000 dollars en un an au 24 décembre 2020.

Depuis quelques années, les valorisations d’un groupe d’entreprises connues sont relativement élevées en raison de leurs solides avantages compétitifs et de leurs historiques de croissance soutenue et régulière. Toutefois, dans une économie concurrentielle, les investisseurs ne devraient pas s’attendre à ce que cela dure éternellement.

On dit que les taux d'intérêt sont comme la gravité dans le monde de la finance. Lorsque les taux sont élevés, les cours des actions devraient être plus bas, car ils réduisent la valeur actuelle des futurs flux de trésorerie que les investisseurs en actions exigent. L’inverse est également vrai : lorsque les taux sont bas, les cours des actions devraient être plus élevés.

En décembre, l’encours de l’indice Bloomberg Barclays Global Negative Yielding Debt a atteint le nouveau montant record de 18.000 milliards de dollars, éclipsant ainsi le précédent de 17.000 milliards de dollars du mois d’août 2019.

Il n’est donc pas surprenant que de nombreux investisseurs en quête de performances dans cet environnement difficile concluent qu’il n’existe que peu d’alternatives aux actions. Contrairement à la bulle Internet ou à la bulle immobilière avant la crise financière mondiale, les excès spéculatifs que cela a engendré ne se limitent pas à une industrie ou un secteur. La frénésie est plus subtile, rappelant plutôt l’époque des « Nifty Fifty » dans les années 70.

Les « Nifty Fifty » étaient un groupe de grandes entreprises vedettes qui sont devenues de véritables coqueluches dans les années 60 et ont vu leurs valorisations s’envoler au début des années 70 avant de lourdement chuter lors du marché baissier de 1973-74. Même si la liste n’était pas exhaustive, tout le monde à l’époque savait quelles étaient ces entreprises, parce qu’elles avaient habituellement certaines caractéristiques en commun : une réputation de qualité et de fiabilité, démontrée par leur capacité à demeurer rentables en période de prospérité comme en période de crise, ainsi que des taux de croissance éprouvés et une augmentation continue de leurs dividendes.

Cinquante ans plus tard, la plupart des gens connaissent encore bien ces marques familières que sont Disney, McDonald’s, Procter & Gamble, PepsiCo, Coca-Cola, Pfizer et Johnson & Johnson. Ces dernières, et d’autres, étaient considérées comme des valeurs à « décision unique », qui pouvaient être achetées et conservées indéfiniment, car leurs perspectives étaient éblouissantes et leurs ratios cours/bénéfices (PER_Price Earning Ratio) de 30, 40, voire 70 étaient plus que justifiés.

Dans un sens, les acheteurs ne s’y trompaient pas : un portefeuille modèle équipondéré aurait surperformé au cours des trente années suivantes. Les fondamentaux des entreprises ont bien fini par rattraper leur retard sur les niveaux de valorisations. Mais la difficulté pour les gérants de portefeuille était que, dans l’intervalle, ils auraient accusé de sévères baisses relatives durant deux décennies.

Aujourd’hui, une nouvelle légion de « Nifty Fifty » se prépare. Comme auparavant, il n’existe pas de liste exhaustive, mais les caractéristiques sont les suivantes : des entreprises connues qui possèdent de solides avantages compétitifs, une croissance rentable forte et régulière et dont les PER ont été tirés vers le haut. Les sceptiques pourront rechercher le hashtag #neversell sur les réseaux sociaux.

Une sélection d’entreprises cotées au Royaume-Uni, mais aussi en Europe et en Amérique, a enrichi une génération de clients investissant dans des fonds de « croissance de qualité » qu’il est difficile de blâmer leurs gérants de continuer à les détenir.

Nous ne pouvons que nous interroger sur la raison pour laquelle les « Nifty Fifty » sont de retour. Peut-être que, privés de rendements obligataires, les investisseurs recherchent des alternatives aux obligations. Ou peut-être existe-t-il un groupe d’investisseurs professionnels ayant principalement exercé pendant une période où les stratégies basées sur des statistiques de mauvaise qualité sous-performaient inexorablement, qui se méfient des faibles PER et sont rassurés par les multiples élevés. A moins que l'efficacité du marché se situe au-delà de la formulation de prévisions de bénéfices à moyen terme, supérieures à la moyenne, et se trouve dans la valeur des flux de trésorerie actualisés, où réside l'essentiel de la valeur.

Les historiens des marchés ont observé que les actions ont généré une performance annualisée d'environ 8%.(1) Si nous connaissons le multiple de départ et que nous prenons 8% comme coût d'opportunité, alors on peut déduire le taux de croissance implicite des valorisations à l’heure actuelle. Ainsi, pour obtenir une performance de 8% de l’actif à partir d’un rendement des flux de trésorerie disponibles de départ de 2%, ces flux de trésorerie doivent croître de 6% par an indéfiniment. Cela représente toutefois beaucoup de temps dans une économie capitaliste concurrentielle avec le risque permanent d’une obsolescence disruptive.

Reste à voir si les entreprises dont nous parlons sont en mesure de réaliser cela indéfiniment, ce qu’exige le niveau actuel des valorisations de leurs actions.

Les actions semblent peu chères si les taux d’intérêt à long terme restent bas au cours des quatre ou cinq prochaines années, mais les valorisations relatives ne sont toutefois pas uniformément attrayantes sur le marché. La question n'est pas de savoir précisément quelle est la valorisation des actions #neversell : pour certaines, les défis qui les empêchent d'atteindre un niveau proche de leurs performances historiques peuvent être insurmontables, et même le fait de dépasser un taux de performance équivalent sur le marché actions pourrait s’avérer ardu. Dès lors, les investisseurs devraient se tourner vers d'autres entreprises ; des sociétés disposant de flux de trésorerie positifs et d'avantages compétitifs pérennes, dont les multiples de valorisation sont plus raisonnables pour des perspectives de croissance tout aussi attrayantes.

Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

Références

* #Nejamaisvendre

1. Elroy Dimson, Paul Marsh, et Mike Staunton, « Research Institute: Summary edition Credit Suisse global investment returns yearbook 2020 », Credit Suisse, février 2020

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Giles Parkinson, gérant actions internationales chez Aviva Investors

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