« Pétrole contre nourriture » : le procès de Total s’ouvre aujourd’hui

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Par Laure De Charette Modifié le 21 janvier 2013 à 5h58

Après la tonitruante affaire Elf, va-t-il y avoir une affaire Total ? Le groupe pétrolier est renvoyé aujourd'hui devant la 11ème chambre correctionnelle de Paris, au même titre que la société de trading Vitol, l'une des plus importantes au monde, et dix-huit autres personnes -dont Charles Pasqua-, dans le cadre de l'affaire « Pétrole contre nourriture » (« Oil for food »).

Cela fait dix ans que les juges enquêtent sur cette affaire. Cette fois, ce n’est pas l’Afrique le théâtre des opérations, comme dans l’affaire Elf, mais l’Irak, du temps de Saddam Hussein. Tout le système de commissions, de surfacturations, de trafic d'influence, de corruption, d’abus de biens sociaux devrait être décortiqué.

Après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, les Nations Unies montent au créneau et imposent à Bagdad un embargo économique, bientôt assoupli pour raisons humanitaires, les habitants mourant de faim. Le pays est donc à nouveau autorisé à exporter un peu de son pétrole auprès d’entreprises internationales agréées par l’ONU et à financer ainsi grâce à l’argent récolté l'achat de nourriture. D’où le nom du programme : « Oil for food », placé sous le contrôle strict de l’ONU de 1996 à 2003.

Mais en fait, le programme est vite détourné : d’une part, le gouvernement de Saddam Hussein exige en catimini des surfacturations, comme une sorte de taxe imposée sur chaque baril vendu. D’autre part, il alloue tout aussi discrètement des barils de pétrole à des « amis » du régime. Parmi ces « amis », qui doivent en échange soutenir publiquement la levée de l’embargo, figurent notamment des anciens diplomates, des hommes d’affaires et des hommes politiques français, dont les noms se trouvent aujourd’hui à la Une : l’ex-ministre Charles Pasqua ainsi que celui de l'entreprise Total, aujourd'hui dirigée par Christophe de Margerie. Son groupe est accusé de corruption et de complicité et recel de trafic d'influence, en somme d’avoir accepté de payer les taxes prélevées illégalement par le régime irakien et d’avoir racheté sciemment aux « amis » leurs barils. Mais Total nie farouchement ces accusations, estimant n’avoir jamais enfreint les règles fixées par les Nations Unies.

Le scandale a éclaté en 2003. Un an après, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, faisait ouvrir une enquête. La commission d'enquête présidée par l'Américain Paul Volcker a mis en cause pas moins de 2 200 entreprises internationales qui auraient été impliquées, de près ou de loin, dans le détournement du programme onusien. Près de dix ans après, le procès s'ouvre enfin en France. Il devrait durer un mois.

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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