L’île Saint-Louis est-elle un nouveau Disneyland ?

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Par Daniel Lafitte Modifié le 17 décembre 2015 à 11h20
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0,83 EUROLa taxe de séjour payée par AirBnb à Paris est de 0,83 euro par nuit.

La France est la première destination touristique au niveau mondial avec 88 millions de visiteurs en 2014. Si l’on peut regretter que le site le plus visité en Ile-de-France soit Disneyland et non pas les trésors dont regorge la région, on peut déplorer – et pourquoi pas contrer – la montée d’un nouveau phénomène inquiétant : la monopolisation de l’île Saint-Louis par des logements de type Airbnb. L’île symbole de la capitale est désertée par les habitants au profit de touristes de passage. Un changement de population qui n’est pas sans poser problème.

Airbnb : la start up qui change le visage des villes

L’arrivée d’Airbnb en France a été aussi brusque que réussie. La petite entreprise californienne fondée en 2008 a séduit rapidement loin de ses bases et a fait de la France son bras armé le plus puissant dans le monde. En permettant aux voyageurs de se loger dans de vrais appartements parfois à des tarifs très abordables et en fournissant une nouvelle source de revenus pour les propriétaires, Airbnb s’est imposée en un temps record. Aujourd’hui, 60 000 logements parisiens sont recensés sur Airbnb. Un véritable raz-de-marée aux effets réels sur le logement. En effet, un nombre important de ces logements échappe désormais au parc locatif de long terme alors que ce dernier est très tendu depuis des années. Se loger est désormais à la portée des bourses les plus fournies et les étudiants et autres travailleurs précaires ne peuvent habiter dans la capitale.

Le phénomène de gentrification déjà en marche s’accélère sous la pression d’Airbnb et la municipalité semble s’en arranger depuis que l’ancienne start-up a décidé d’arrondir les angles en prélevant la (maigre) taxe de séjour. Les utilisateurs du site doivent depuis le 1er octobre s’acquitter de 83 centimes d’euro par personne et par nuitée. Pour ne pas faire fuir ses clients à cause d’une mesure plus symbolique que dissuasive, la plateforme américaine a même pris la décision de prendre sur ses marges pour ne pas « pénaliser » les utilisateurs. Le paiement de la taxe de séjour est d’ailleurs défendu par les hôteliers qui estiment ne pas pouvoir se défendre à armes égales contre l’arrivée d’Airbnb.

Didier Chenet, président du syndicat d’hôteliers Synhorcat, estime de toute manière que cette annonce par Airbnb relève plus de la communication (une des forces d’Airbnb) que de la réalité. « Je ne vois pas comment il va s'y prendre puisque cette taxe doit être déclarée au réel. Et comme il refuse de donner l’identification de ses propriétaires… ». Si Airbnb paye en principe la taxe de séjour à Paris (les autres villes touristiques n’ont pas encore suivi l’impulsion parisienne), cela ne semble pas suffire à mettre les professionnels de l’hôtellerie et les loueurs d’Airbnb sur un pied d’égalité. En effet, un tiers des locations de courte durée ne seraient pas légales dans la mesure où les logements proposés sont loués plus de 120 jours par an. La loi est formelle sur ce point car au-delà il s’agit d’une activité commerciale et non plus d’un coup de pouce occasionnel pour ses finances.

L’Ile Saint-Louis est-elle vouée à devenir le terrain de jeu d’Airbnb ?

Les questions que soulève l’arrivée en force de la plateforme communautaire ne sont donc pas à relayer dans les annales de la philosophie. L’impact sur le terrain est bien réel et les habitants de l’île Saint-Louis le rappellent à qui veut bien l’entendre. Selon une étude de l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (AHTOP), 63 % des immeubles de l’île accueillent des logements de type Airbnb dont beaucoup peuvent être qualifiés d’illégaux. En tout ce sont 17 % des logements dans le quartier qui échappent à la location traditionnelle. En plus de faire grimper des prix déjà parmi les plus chers de la capitale, les nuisances pour les habitants se multiplient.

Les touristes ont tendance à moins faire attention au voisinage et les plaintes pour tapage nocturne se multiplient depuis plusieurs mois. Un changement de population et des recettes en moins pour les pouvoirs publics car si la taxe de séjour peut renflouer quelque peu les caisses de la mairie de Paris, c’est une centaine de millions d’euros de rentrées fiscales qui s’évaporent dans la nature via Airbnb en raison notamment d’une TVA qui ne rentre pas. L’île Saint-Louis est devenu le laboratoire de ce qui se produira à grande échelle en France. Les prochains mois seront très intéressants à suivre sur le terrain, mais aussi au Parlement où la réflexion sur la problématique de la location de court-terme n’est toujours pas arrêtée.

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Responsable de gestion de patrimoine immobilier, Daniel Lafitte est plus particulièrement en charge de la relation clients et propriétaires en matière de gestion locative et de copropriété sous ses aspects juridiques, financiers, techniques et commerciaux. Membre d'une association de consommateurs, il profite de la tribune qui lui est accordée sur EconomieMatin pour livrer ses analyses sur des sujets variés, avec pour leitmotiv la défense des intérêts des consommateurs.

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