Les allocations familiales sous condition : mesure juste ou dangereuse ?

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Par Antoine Renard Modifié le 1 juin 2012 à 9h47

La politique familiale est l’une des grandes politiques publiques de notre pays depuis plusieurs décennies, particulièrement depuis 1945, lorsque le Général de Gaulle a confirmé par des dispositions institutionnelles l’intuition qu’il fallait, pour reconstruire le pays et son avenir, soutenir les français dans les deux dimensions importantes de leur vie que sont le travail et la famille...

Elaborée au cours du temps, en fonction des évolutions de l’économie, des environnements et des modes de vie, elle est devenue un édifice complexe dont la lisibilité est faible. Il en résulte, dans le souci légitime de prendre en compte les situations d’aujourd’hui, des propositions politiques de remise en cause qui en affectent ses fondements. Et peuvent même aller jusqu’à nier toute légitimité à une authentique politique familiale…

Pour clarifier les choses, disons simplement que notre politique familiale repose sur 4 piliers.
- Les allocations familiales, versées pour chaque enfant sans conditions de ressource. Origine de la politique familiale, elles sont versées sur la part patronale des salaires, elles traduisent la volonté d’aider par le travail chaque enfant de façon universelle, en fonction de sa place dans la famille.

- Les allocations sous condition de ressources ( acceuil du jeune enfant, rentrée scolaire…) qui sont plutôt des mesures de politique sociale. Leur existence légitime entretient le manque de lisibilité dès lors qu’elles sont effectivement présentées comme mesures de politique familiale.

- Le quotient familial. C'est peut-être le pilier le plus important du point de vue du sens, qui exprime le fait que, à revenu égal, la capacité contributive d’une famille est étroitement liée au nombre d’enfants qu’elle accueille et éduque. C’est un principe de solidarité essentiel entre actifs. Les familles, par l’éducation de leurs enfants, contribuent à l’édification de la société d’une manière que justifie une moindre sollicitation de leurs ressources financières aux dépenses collectives. On l’a injustement qualifié de niche fiscale, et déjà affaiblie dans son principe par le plafonnement.

- Les services enfin, proposés aux familles, que sont les crèches et autres modes de garde d’enfants, et autres équipements ou services, dont beaucoup relèvent d’ailleurs d’initiatives locales.

Ces quatre domaines s’équilibrent puisque, par exemple parmi les 50% de foyers fiscaux qui ne paient pas d’impôt, 50% ne le paient pas en raison du quotient familial. Les autres, qui donc ne bénéficient pas de l’effet du quotient familial, sont les familles les plus pauvres qui elles bénéficient des allocations sous condition de ressources. Ainsi, vouloir remettre en cause l’une des mesures ou l’un de ces piliers sans tenir compte des autres est un risque certain d’affaiblissement de l’ensemble et le point de départ de son écroulement.

Le Gouvernement vient d’annoncer l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire – mesure sociale – et son financement par un abaissement supplémentaire du quotient familial ; c’est donc un détournement de la politique familiale vers la politique sociale. Il en annonce d’autres, tel évidemment la mise sous condition de ressources, déjà avancée pendant la campagne électorale, qui serait encore plus emblématique.

On ne saurait bien sûr nier l’écart des revenus et la nécessité d’une politique sociale généreuse, mais il s’agit aussi d’organiser une mutualisation et une solidarité des familles entre elles, au titre de leurs besoins à revenus égaux. Il faut enfin prendre conscience que l’inefficacité de notre poilitique familiale en termes de prévention est l’une des principales raisons de l’explosion des dépenses sociales.

En d’autres termes, toutes les propositions entendues révèlent une incompréhension profonde des bienfaits pour la société tout entière des familles stables, et de la nécessité de leur offrir les conditions de cette stabilité. Le plus important est certainement à venir quand on parlera d’éducation, la vision « sociale » du sujet conduisant à réfléchir aux substitutifs à la famille, dont c’est pourtant la raison d’être, la responsabilité première, la fierté et la joie.

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Antoine Renard est président de la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques (CNAFC) depuis 2007. Après avoir notamment assuré la direction d’une fonderie dans le nord de la France, il travaille actuellement dans un groupe international fabriquant du matériel ferroviaire.

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