Les auto-écoles vent debout contre les plateformes numériques

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Par Laure Martin Modifié le 15 avril 2018 à 22h58
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239 000Depuis sa fondation, Ornikar affirme avoir formé 239 000 élèves.

Concurrencées par des plateformes proposant le permis à prix cassé, les auto-écoles traditionnelles montent au créneau, faisant valoir les distorsions de concurrence et le non-respect de certaines règles par les acteurs en ligne. Les syndicats appellent à une nouvelle manifestation, le 18 avril 2018, contre l’ubérisation sauvage de leur secteur.

Auto-écoles vs plateformes, round 2. Un an, presque jour pour jour, après une première série de manifestations, les professionnels du secteur appellent à nouveau les auto-écoles traditionnelles à descendre dans la rue. Dans leur ligne de mire, les écoles de conduite en ligne, accusées de concurrence déloyale et de participer à l’ubérisation d’un secteur profondément chamboulé depuis quelques années.

Le Conseil national des professions de l’automobile (CNA) et l’Union nationale intersyndicale des enseignants de la conduite (UNIDEC) appellent à une manifestation le 18 avril 2018. Des messages adressés aux patrons et salariés du secteur les enjoignent ainsi à « montrer que nous sommes tous unis contre ce système à deux vitesses, qui va définitivement nous mettre à terre ». « Les indépendants, les plateformes internet (…) mettent à mal notre activité », leur « modèle économique (n’étant) qu’un leurre pour les élèves », peut-on également lire. Quels sont les griefs de la profession ?

Ornikar, symbole d’une ubérisation galopante

Si plusieurs écoles de conduite en ligne ont fait leur apparition depuis quatre ans, c’est bien l’auto-école Ornikar qui cristallise les tensions. Créée en 2013 par Benjamin Gaignault, cette plateforme de mise en relation entre apprentis conducteurs et moniteurs indépendants semble en pleine expansion : elle vient d’ailleurs de lever 10 millions d’euros lors de son dernier tour de table. Mais c’est bien son modèle qui pose question.

Contrairement aux établissements traditionnels, qui paient de nombreuses charges sociales sur leurs salariés, Ornikar n’a recours qu’à des autoentrepreneurs, qui règlent eux-mêmes leurs cotisations. « Nous n’avons pas peur de la concurrence, explique Philippe Colombani, président de l’Union nationale des indépendants de la conduite (UNIC), à partir du moment où nous travaillons tous avec les mêmes règles ». Pour celui qui mène la fronde contre l’ubérisation de la conduite, les professionnels qui collaborent avec ces plateformes ne « sont pas des moniteurs, mais des loueurs de voitures double commande. On prend des gens pour des idiots ».

De l’aveu même de son fondateur, Ornikar n’est qu’une plateforme de mise en relation et, par conséquent, se trouve en contradiction avec certaines modalités présentes dans la circulaire interministérielle du 6 mai 2017. Celle-ci rappelle qu’un exploitant doit « disposer d’un pouvoir de contrôle et de direction à l’égard des enseignants attachés à son établissement ». Pas de quoi froisser Benjamin Gaignault, selon qui « un moniteur qui travaille avec Ornikar dispose de son outil de travail (…) et travaille à sa convenance. C’est-à-dire qu’il choisit où il veut enseigner, quand il le veut et il a la possibilité de refuser un élève ». En opposition, donc, avec la circulaire qui régit les activités du secteur.

De plus, Ornikar ne dispose que d’un agrément préfectoral délivré en Loire-Atlantique, alors qu’elle exerce dans toute la France. Une pratique qui serait « illégale » d’après les syndicats du secteur. À l’UNIC, Philippe Colombani semble bien décidé à ne pas attendre que les services de l’Etat se saisissent de ce problème. Il a déjà intenté un procès à Ornikar en 2015 pour « exercice illégal de l’enseignement de la conduite », une première manche remportée contre ce qu’il appelle les « hors-la-loi de la profession ».

Les nouveaux arrivants du secteur de l’apprentissage de la conduite ne sont pas tous les mêmes. Si Ornikar, LePermisLibre et En Voiture Simone ont recours à des moniteurs indépendants, ce n’est pas le cas d’Auto-école.net qui travaille pour sa part avec des moniteurs salariés. « C’est l’auto-école en ligne qui est le plus dans les clous », tranche Philippe Colombani, par ailleurs membre du Conseil supérieur de l’éducation routière.

Le précédent de 2017

L’appel des syndicats professionnels à manifester le 18 avril 2018 sera-t-il suivi par les patrons d’auto-écoles ? S’il est encore trop tôt pour le savoir, la précédente mobilisation avait été couronnée de succès. En avril 2017, déjà à l’initiative du CNPA et de l’UNIDEC, plusieurs centaines de voitures-écoles avaient défilé dans les grandes villes françaises : entre 100 et 400 sur le Champ-de-Mars à Paris, une centaine à Toulouse, 80 à Lyon, ou encore une cinquantaine à Marseille.

Les manifestants dénonçaient déjà l’ubérisation de leur secteur, permise par la loi Macron, qui instaurait l’égalité de traitement entre les candidats libres et ceux des auto-écoles pour la présentation aux examens. « On va mettre en péril la formation, et donc la sécurité sur la route, ainsi que l’emploi de 45 000 salariés d’un secteur qui représente un milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel, dont 20 % de cotisations qui vont à l’État, en plus de 400 millions de TVA », avertissait alors le secrétaire général de l’UNIDEC. Le bras de fer ne fait que commencer.

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Juriste spécialisée en droit de l'Internet.

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