La baisse des APL ou le degré zéro de la politique

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 25 juillet 2017 à 9h38

L’annonce d’une baisse généralisée de 5€ de l’Allocation Personnalisée au Logement (APL) est l’exemple même de la mesure excellente lorsqu’elle est bien expliquée, et cataclysmique lorsqu’elle sort du chapeau sans prévenir. Sur ce coup-là, Édouard Philippe souligne combien son gouvernement d’experts a atteint le degré zéro de la politique.

Avec les APL, le gouvernement jouait sur du velours. Les études n’ont en effet pas manqué ces dernières années pour montrer comment cette allocation était néfaste pour les allocataires eux-mêmes.

Ainsi, l’INSEE, en 2014, avait produit une étude intitulée « L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé ». On y lisait ce texte simple à comprendre et à expliquer:

Les résultats obtenus par cette méthode indiquent que les loyers sont significativement plus élevés dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, suggérant un lien causal entre les aides au logement et le niveau des loyers privés.

Autrement dit, le gouvernement ne manquait pas d’éléments indiscutables pour expliquer que l’APL est une aide aux propriétaires avant d’être une aide aux locataires, et qu’elle favorise la hausse des loyers plutôt qu’elle ne permet de se loger.

Les APL et la mesure proposée par la Cour des Comptes

Au passage, la Cour des Comptes a déterré à nouveau le dossier à l’occasion de son audit sur les comptes publics en proposant une mesure simple: le libre choix des contribuables entre le rattachement de leur enfant au foyer fiscal et la perception de l’APL pour celui-ci. Soit on reçoit une aide au logement, soit on déclare une demi-part. L’équation était, là encore, simple à comprendre et à expliquer.

La désarçonnante communication du gouvernement

Concernant la baisse des APL, la surprise est d’abord venue de la méthode: l’information est parue dans la presse sous forme de fuite, confirmée illico par le gouvernement. Personne n’a jugé utile de délivrer une parole politique sur le sujet, c’est-à-dire une explication en bonne et due forme sur le pourquoi du comment. C’est tout juste si l’on a entendu des voix pour attribuer cette baisse au gouvernement précédent.

Ici, on se demande si le silence gouvernemental tient du pari raisonné (on ne dit rien, et on espère que ça passera tout seul) ou de l’amateurisme (c’est une mesure anodine que personne ne remarquera). En tout cas, il faut une sacrée dose de surdité pour n’avoir pas réagi dès les premières heures de la polémique.

Une mesure politiquement coûteuse

Reste que si, sur le fond, la baisse des APL de 5€ est une mesure qui va dans le bon sens (puisqu’elle diminue une dépense publique qui profite aux nantis, c’est-à-dire aux propriétaires, avant de profiter à ceux qui en ont besoin), elle est politiquement désastreuse. Les estimations montrent qu’elle ne devrait pas rapporter plus de 400 millions € en année pleine. Se fâcher avec les Français pour de la roupie de sansonnet, c’est quand même absurde. Une baisse de 12,5€ aurait rapporté 1 milliard. Au-dessous de ce chiffre, l’impopularité n’est pas rentable.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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