Impôts : La jacquerie fiscale a commencé, version « courbe de Laffer »

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 15 juillet 2013 à 9h22

Il n'y a pas de hasards, juste des coïncidences plus ou moins heureuses ou comiques, question de point de vue.

En 1674, Le royaume de France -Louis XIV puisque l'Etat c'est lui- est en guerre contre... la Hollande. Pour financer la construction de nouveaux navires, la levée de nouvelles troupes, de nouveaux impôts voient le jour, parmi lesquels la ferme du papier timbré, indispensable pour tous les actes administratifs, et la ferme sur le tabac, dont le commerce est désormais réservé au Roi.

La semaine dernière, le gouvernement a annoncé une hausse surprise du prix des cigarettes et du tabac à rouler de 20 centimes en juillet, et 20 centimes supplémentaires à la rentrée. Reniant la promesse de François... Hollande de ne pas augmenter les impôts pour les ménages en 2014, le Premier ministre a confirmé la semaine dernière que le quotient familial passerait de 2000 à 1500 euros.

François Hollande a inventé l'impôt sur les enfants

Les ministres de Louis XIV ont inventé l'impôt sur les actes d'état civil, en taxant le papier timbré. Les ministres de François Hollande ont inventé l'impôt sur les naissances, le quotient familial étant destiné à compenser (en partie) la baisse du pouvoir d'achat des familles avec enfants. Ceux-là même sur lesquels le pays compte, plus tard, pour payer des taxes, des cotisations sociales, les retraites de leurs aînés.

L'invention de la taxe sur le papier à rouler et sur le tabac déclencha une jacquerie fiscale d'une ampleur inédite en France, qui dura près de deux ans, connue sous le nom de "révolte du papier timbré" (1674-1675). Les bientôt 30 milliards de taxes et impôts supplémentaires décidés par François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont déclenché une jacquerie fiscale d'une ampleur toute aussi impressionnante, mais beaucoup plus discrète.


Depuis le début de l'année, la TVA - invention française de 1954 que le monde entier nous a piqué - est en panne. Grosse panne : - 2,3 %. Embétant pour un impôt (indirect) qui représente la moitié du budget de l'Etat. On en attend 141 milliards en 2013. Si le chiffre de -2,3 % se maintient sur l'année, il ne manquera "que" 3,2 milliards d'euros en fin d'année sur le poste TVA.

Ah on allait oublier de vous dire : L'impôt sur les sociétés a chuté de 5,8 %, et la TICPE, sur les carburants et l'énergie, de 6,1 %. Avec ces chiffres, non seulement le déficit prévisionnel de 62,3 milliards va être intenable, mais la perspective d'un énorme dérapage non contrôlé des finances publiques entre dans la zone rouge vif voire écarlate du compteur.

La TVA ne rentre pas : le début d'une jacquerie fiscale ?

En quoi cette baisse de la TVA, de l'IS (impôt sur les sociétés), de la TICPE (énergie) a tout d'une jacquerie fiscale sourde, mais puissante ? Tout simplement parce que les ménages et les entreprises n'en peuvent plus. Assommés d'impôts, entre ceux qui sont collectés effectivement, et ceux qui sont annoncés pour plus tard (comme le quotient familial en 2014, ou les hausses de TVA dans six mois), les Français ferment les vannes. Ils baissent leur consommation, et donc, payent mécaniquement moins d'impôts.

C'est très exactement ce que l'économiste Arthur Laffer a prédit à la fin des années 1970 dans sa théorie connue sous le nom de la courbe qui la symbolise, la courbe de Laffer. Lorsque les impôts augmentent trop, leur rendement se dégrade, et l'Etat collecte moins d'impôts qu'avant les hausses qu'il a pourtant décidées.

Personne à Bercy ne peut désormais faire semblant de ne pas avoir vu ce qui est en train de se passer. Ou plutôt si, vous pouvez prendre les paris : Même si François Hollande a déclaré qu'en période de crise, la question de prendre deux semaines de vacances se posait, les ministres, leurs cabinets, sont exténués de pédaler dans le yaourt depuis un an sans résultat aucun, ou plutôt, avec l'intime conviction que la situation s'aggrave tous les jours et que les décisions prises ne sont décidément pas les bonnes. Et donc, tout le monde espére les vacances d'été comme une délivrance. On attendra la rentrée pour s'attaquer aux problèmes. Ou pas.


L'impôt sur le revenu rapportera t-il moins en 2013 qu'en 2012 ?

La prochaine étape, pour le ministère de l'Economie et des Finances, va consister à évaluer la performance de la levée de l'impôt sur le revenu. Certes, ce n'est qu'un petit flux, qui pèse à peine le tiers de la TVA. Mais c'est un flux volontaire. On déclare, et on envoie un chèque. A la rentrée, nous serons fixés. Si l'impôt sur le revenu, dont les taux ont augmenté, qui n'est plus corrigé de l'inflation, rend moins que prévu, l'Etat n'aura pas d'autre choix : soit se serrer très vite la ceinture, soit entraîner le pays dans sa faillite.

La mensualisation par prélévement automatique marque le pas. Les demandes d'échéanciers auprès de l'URSSAF, mais aussi du Trésor Public pour la collecte de la TVA, explosent. L'action sociale n'arrive plus à absorber les demandes d'assistance. Les syndicats agricoles dénoncent les suicides en masse d'éleveurs à bout de cash. Les syndicats restent silencieux sur les suicides en masse d'ouvriers comme de cadres au chômage qui n'étaient de toute façon pas adhérents.

Oui, la jacquerie fiscale a commencé, et ce n'est pas une incantation auto-réalisatrice, mais bien un constat pragmatique mais dramatique de l'état d'aveuglement dans lequel nos élites se sont réfugiées. Nul ne peut se réjouir de ce que les citoyens vomissent l'impôt, alors même qu'il est à la base du contrat social, du vivre ensemble. A force de stigmatiser des millions de citoyens à tour de rôle, comme dans une sorte de Roue de l'Infortune infernale, c'est la cohésion nationale qui est en danger.

Monsieur le Président, baissez les impôts, massivement, maintenant.

Tant qu'il est encore temps. S'il est encore temps.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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