Bien consommer : le rêve impossible du consommateur ?

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Par Dominique Roux Modifié le 14 octobre 2017 à 20h52
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18 %L'utilisation des voitures est à l?origine de près de 18 % des gaz à effet de serre.

Les marques ont beau nous avoir conviés à « mieux » consommer, il n’est pas sûr que nous ayons réellement les moyens d’y parvenir. Analyse en quatre temps des difficultés d’une « bonne » consommation.

Premier problème : le « mieux » consommer est souvent entendu comme la promesse d'un meilleur rapport qualité/prix. Mais le consommateur conçoit-il ce « mieux » de la même manière ? Certes, la qualité ou le prix lui importent, mais il se soucie aussi de plus en plus souvent des conditions dans lesquelles le produit est fabriqué, de la manière dont la main-d'œuvre, les cultures ou les animaux sont traités dans ce processus.

De là découle un second problème qui tient aux effets de cadrage, c'est-à-dire à la façon dont les offres lui sont présentées. Un effet de cadrage habituel consiste à mettre l'accent, dans la communication publicitaire, sur certaines de propriétés du produit, par exemple le prix, la qualité, le plaisir, le bien-être, etc., en occultant les effets négatifs qu’il ne peut donc faire entrer dans sa décision. Autrement dit, on lui évite de prendre en compte les externalités sociales ou environnementales les plus problématiques de sa consommation. En ne lui indiquant pas comment les produits sont fabriqués, on crée une distance émotionnelle qui le désengage de la morale. Mais qu'une émission de télé lui montre les effets de la déforestation, les conditions de travail précaires ou dangereuses des populations locales et la maltraitance animale, et il s'indignera que le producteur lui ait caché sa propre complicité au fonctionnement d’un système qu'il finira par réprouver.

Une troisième difficulté dépasse celle de la transparence que nous venons d'évoquer. Elle est liée au fait que, dans un système de production de masse, le consommateur se trouve souvent exposé à l'impossibilité de satisfaire simultanément plusieurs propositions morales. En effet, la vertu est ou n’est pas. Et puisqu’il n’est pas question de sacrifier l'une ou l'autre, le désir de « bien » consommer exige généralement que plusieurs d'entre elles soient simultanément satisfaites. Pas un consommateur sensible à l'écologie n'accepterait d'acheter un produit dont les conditions sociales de production sont déplorables. Mais ce même consommateur responsable se trouve pris dans un paradoxe : s'il pousse ses exigences jusqu'au bout, il choisira probablement de renoncer à sa voiture ; mais si tous font la même chose au même moment, l'industrie automobile du pays s'effondre.

Un dernier problème découle du fait que les solutions qui semblent les plus vertueuses à certaines franges de consommateurs ne sont pas toujours disponibles sur les marchés. Il a fallu, par exemple, que l'un d'entre eux ne trouve pas de place dans un TGV, ni d’autre moyen commode de regagner la province en période de fêtes, pour que germe l'idée d’un covoiturage organisé. De nombreuses initiatives du même type qui définissent aujourd'hui la consommation collaborative, sont nées pour pallier l'absence de réponse des offreurs conventionnels à certaines attentes des consommateurs, qu’elles soient pratiques et/ou morales. Ces attentes se traduisent par le fait de commercer entre soi ou avec des producteurs locaux, de savoir « à qui l'on a affaire », d'éviter les intermédiaires et de finalement contrôler au plus près ce qu'on achète.

Au final, ces quatre difficultés dessinent une voie étroite pour les offreurs : soit repenser leurs modes d’information, de communication, voire de participation des consommateurs à la définition des produits, soit risquer de voir une partie d'entre eux chercher des lignes de fuite pour réinventer des conditions plus satisfaisantes d'accès à la consommation.

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Dominique Roux est Professeur de marketing à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, co-fondatrice d’Alcor, réseau multidisciplinaire de chercheurs qui explorent les phénomènes de consommation émergents sur les marchés. Ses propres thèmes de recherche portent sur les systèmes d’approvisionnement alternatifs, la consommation collaborative, les résistances des consommateurs au marché et leur protection.  

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