Brésil : avoir un bon programme économique assure-t-il la réussite de celui-ci ?

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 13 décembre 2022 à 20h39
Bresil
0,2%Les prévisions de croissance du FMI pour 2018 et 2019 sont revues à la baisse de 0,2%

La décision de la PBoC, la banque centrale, d’une nouvelle diminution du coefficient de réserves obligatoires, aurait pu redonner du cœur à l’ouvrage aux investisseurs. Cela n’a pourtant pas été le cas ; sans doute au titre des incertitudes sur la politique économique. Explications.

Poursuites des tensions en Europe et fort contraste entre marchés chinois et brésilien

Du côté des marchés de capitaux, un retour sur la séance de lundi 8 octobre 2018 fait ressortir deux choses. D’abord, la poursuite des tensions en Europe, avec un écart de taux à 10 ans Italie – Allemagne au-delà de 300pdbs et une nouvelle baisse des bourses (-1,07% pour l’Euro Stoxx 50). L’inquiétude sur la politique budgétaire italienne demeure, sur fond d’ambiguïté savamment entretenue par le gouvernement. Ensuite, le fort contraste entre les performances des marchés actions chinois et brésilien : l’indice CSI 300 a reculé de 4,3% tandis que l’IBOVESPA a progressé de 4,6%. Bien sûr on peut dire que la bourse chinoise devait rattraper le « retard » accumulé tout au long de la semaine précédente. Elle était fermée, tandis que l’orientation du marché mondial des actions était baissière. Il n’empêche que la décision de la PBoC, la banque centrale, d’une nouvelle diminution du coefficient de réserves obligatoires, aurait pu redonner du cœur à l’ouvrage aux investisseurs. Cela n’a pourtant pas été le cas ; sans doute au titre des incertitudes sur la politique économique. Les pouvoirs publics sont-ils dans une logique de relance et quel est leur plan pour réduire dans un sens favorable aux intérêts chinois les tensions commerciales avec les Etats-Unis ? L’approche actuelle, par « petites touches » ne permet pas aux investisseurs d’avoir une vue complète sur la stratégie suivie. Au point peut-être de ne pas savoir s’il y en a une.

Faut-il en déduire « en creux » que tout est clair dans un Brésil qui entame la campagne pour le deuxième tour de l’élection présidentielle ? Plutôt non, puisque les sondages, pour ce que cela vaut, envoient un message de scrutin serré : 45% pour Jair Bolsonaro, le candidat très marqué à droite et 43% pour Fernando Haddad du Parti des travailleurs (celui de Lula). Sans doute doit-on comprendre que les marchés donnent du sens à l’avantage du premier sur le second et marquent une nette préférence en termes de programme économique. Bolsonaro parle de réforme des retraites, de réduction de la taille de l’Etat, de privatisations et d’indépendance de la banque centrale, quand Haddad inscrit les décisions à venir dans le cadre d’une « économie dirigée ».

Les prévisions de croissance du FMI pour 2018 et 2019 revues à la baisse

Au-delà des questions d’image et de personnalité de Bolsonaro, les grandes lignes de sa feuille de route économique font sens. On retrouve en gros le diagnostic proposé par les institutions financières internationales. D’où vraisemblablement l’attitude constructive des marchés. Il n’empêche que la question suivante, assurément la plus importante, est celle de la capacité, une fois élu et si tant est que cela soit le cas, de mettre en place son programme. En la matière, un certain nombre d’obstacles politiques ou institutionnels demeurent : la polarisation très forte des électeurs (pour faire simple et même trop simple extrême droite contre extrême gauche), le nombre pléthorique de partis au Parlement, qui rend les coalitions instables et qui favorisent l’achat des voix, et un système institutionnel qui traditionnellement a permis la pratique de la corruption. C’était vrai du temps des militaires et cela l’est resté sous la démocratie. Le « nettoyage » des dernières années est-il terminé ?

Si on élargit le regard à l’ensemble de l’économie mondiale, il faut noter le nouveau jeu de prévisions de croissance du FMI. Les prévisions pour 2018 et 2019 sont revues à la baisse de 0,2 point (à 3,7% dans chacun des deux cas). La révision est avant tout le fait des pays émergents, surtout ceux d’Europe, d’Amérique Latine et du Moyen-Orient. Il n’empêche que la situation d’ensemble est jugée comme étant toujours satisfaisante ; mais avec des risques en progression. Qu’il s’agisse du durcissement des conditions financières dans le monde émergent ou des remises en cause des politiques commerciales.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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