Polémique de l’affiche des Prêtres : une décision de Metrobus, pas de la RATP

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Par Marc-Aurèle Cassan Modifié le 3 avril 2015 à 16h25
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33%En 2005, JCDecaux est entré au capital de Media Transports, à qui appartient Metrobus, à hauteur de 33 %.

Depuis deux jours, une bien singulière polémique agite (certains) médias français. Une affiche publicitaire pour un concert à l'Olympia du groupe les Prêtres a été modifiée par la régie publicitaire de la RATP. Les gains de la représentation doivent être intégralement reversés aux chrétiens d'Orient qui souffrent de graves persécutions au Moyen-Orient. Or cette précision a été supprimée de l'affiche au nom de la laïcité. Une décision contestée, mais qui est au passage attribuée à tort à la RATP, qui ne gère pas elle-même la publicité dans les transports parisiens.

Ce n'est pas la première fois qu'une affaire relative à la publicité dans les transports parisiens défraie la chronique. A plusieurs reprises dans le passé, des affiches jugées trop politiques ou contraires à la loi Evin sur la représentation du tabagisme avait été modifiées ou supprimées par Metrobus, la régie publicitaire de la RATP – une entreprise distincte de la célèbre Régie des transports parisiens de Pierre Mongin, et appartenant à la société Media Transports. Pour la petite histoire, Media Transports a été fondée en 1947 par Havas et Publicis, avant que Publicis n'acquière peu à peu 100 % des parts de l'entreprise, puis en cède 33 % à JCDecaux en 2005.

On se souvient que Metrobus avait demandé de nouvelles affiches pour les films Gainsbourg, vie héroïque, car on y voyait l'acteur Eric Elmosnino expirer de la fumée de cigarette, ou encore pour Coco avant Chanel où on pouvait clairement voir Audrey Tautou tenir une cigarette allumée. Nettement plus polémique, la modification de l'affiche pour l'exposition consacrée au cinéaste Jacques Tati : Metrobus voulait ôter la pipe de M. Hulot. Pour ces cas relatifs au tabagisme, le ministère de la Santé a dû trancher : "tous les produits de consommation du tabac inséparables d'une personnalité disparue, figurant dans une campagne à finalité culturelle, sont acceptés". Metrobus était donc allé un peu trop loin concernant Jacques Tati, mais pas pour les films biographiques sur Serge Gainsbourg et Coco Chanel dans la mesure où l'affiche montrait des acteurs et non les personnalités originales.

Dans le cas présent, la régie a indiqué qu'elle a pour préoccupation première le respect du "principe de neutralité du service public" et de ne pas "prendre parti dans un conflit de quelque nature qu'il soit même si elle ne sous-estime pas l'émotion que suscite la situation dramatique des chrétiens d'Orient". Une justification insuffisante pour le très médiatique monseigneur Di Falco, qui doit prendre part à ce concert caritatif, ainsi que pour une partie de la communauté catholique. Le site Riposte catholique y voit ainsi une marque de "haine à l'égard de la religion catholique" et un abus de "laïcisme en pleine semaine sainte". En février, la communauté catholique, comme le rappelle Libération, s'était déjà emportée contre la RATP et sa régie publicitaire, cette dernière ayant autorisé des affiches promotionnelles pour un site de rencontres extra-conjugales.

Quoiqu'il en soit, cette polémique provoque une mauvaise presse à l'égard de la RATP, qui n'est pas à l'origine de la décision, et de Metrobus qui aura certainement à discuter de l'affaire avec l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Interrogée, cette dernière reste prudente, mais a néanmoins tenu à apaiser les débats en rappelant qu'il "ne s'agit pas d'une censure". Et d'ajouter que "la censure est une décision administrative et n'existe plus depuis des décennies". A l'heure où les tensions religieuses sont au plus haut et que la laïcité est menacée, cette marque de tempérance est la bienvenue.

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Masterant en Droit privé, Marc-Aurèle Cassan s'intéresse de près aux problématiques ayant trait aux droits subjectifs, avec une préférence pour les droits extra-patrimoniaux. Fan d'actu, il aime déconstruire les idées reçues en abordant avec le recul nécessaire certains sujets parfois traités avec empressement par des journalistes inscrits dans un temps court.

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