« La collectivisation est-elle en marche ? »

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Par Charles Sannat Modifié le 25 juillet 2013 à 9h34

Hier, j’exprimais dans ces colonnes ma « saine colère » au sujet des tickets resto qui sont en voie de disparition à un moment où jamais nos concitoyens n’ont autant eu besoin d’un petit coup de pouce en terme de pouvoir d’achat. Mais c’est un avantage que nos politiques ne peuvent en aucun nous laisser. Pensez-donc ! Un espace de liberté incontrôlable. Inacceptable.

Il m’a quand même fallu deux douzaines d’huîtres n°4 avec un verre de rosé pour me calmer (et payés en tickets resto) !

Aujourd’hui, c’est le projet de loi Hamon qui défraie la chronique. Il faut dire que lui non plus n’est pas des plus heureux. Je commence à avoir la fâcheuse impression que non seulement ce gouvernement ne comprend strictement rien à la réalité de l’économie dans notre pays et aux comportements des acteurs, mais qu’il est en réalité dirigé par des think tanks, c’est-à-dire des groupes de réflexion gôcho-bobo à l’idéologie dévastatrice pour la stabilité sociale mais également économique de notre pays.

De l’autre côté et concernant la crise économique et en particulier celle de la zone euro, notre gouvernement est frappé d’un déni qui confine à la maladie mentale ou à la propagande la plus inadmissible consistant à cacher la simple vérité à la population, ce dont il ne se cache même plus puisque les conseillers de François Hollande 1er ont expliqué qu’il fallait qu’il délivre un message positif afin de « remonter » le moral des foules !

C’est donc une double actualité que je voulais aborder avec vous ce soir. D’abord ce fameux projet de loi Hamon et la dernière interview donnée à La Tribune (journal « sérieux », c’est-à-dire discipliné) par Patrick Artus (économiste « sérieux », c’est-à dire qui passe à la télé et ne dit pas un mot plus haut que l’autre) concernant l’Europe et sa monnaie unique.

L’enfer est pavé de bonnes intentions !

Voici ce que raconte un papier de BFM à ce sujet : « Le projet de loi sur l’économie solidaire est présenté ce 24 juillet en Conseil des ministres. Une disposition fait bondir les organisations patronales : obliger les dirigeants à avertir les salariés 2 mois avant la cession de leur entreprise.

La CGPME en est sûre : cette loi va freiner les transmissions d’entreprises ! Pour l’organisation patronale, si on prévient tous les salariés d’un projet de cession en amont, l’effet est dévastateur : en interne, tout le monde s’inquiète, et en externe, les fournisseurs ou les clients se mettent à douter.

Enfin, les éventuels repreneurs hésitent à passer à l’acte face à une situation qui peut se tendre à tout moment. »

Pour ceux qui connaissent la vie en entreprise et en particulier dans les petites entreprises, le quotidien s’y apparente assez à une série de télé réalité où un groupe d’individus différents est enfermé dans un lieu. D’ailleurs, avec le principe du licenciement, il y a même un système d’élimination type « tu es le maillon faible » comme à la télé !

Pour ceux qui connaissent la vie en entreprise, l’emploi n’est pas garanti, il y a donc une forme d’inquiétude permanente et de stress quotidien liée à l’avenir.
Les patrons, qui ne sont pas que de grands méchants loups dévorant le gentil petit chaperon rouge salarié, sont souvent obligés d’intervenir pour rassurer les troupes, leur donner de la visibilité, leur dire où en est l’entreprise en bien comme en mal.

Pour ceux qui connaissent la vie en entreprise, lorsqu’il y a une arrivée ou un départ cela déstabilise souvent l’équilibre précaire des équipes (en bien comme en mal).

Pour ceux qui connaissent la vie en entreprise, le plus angoissant pour les salariés c’est évidemment d’apprendre que leur patron, celui qui pilotait la boîte, qui vous a recruté, en qui vous avez confiance, souhaite vendre la société. À qui ? Pour combien ? Qui va racheter ? Que va-t-on devenir ?
C’est une période extrêmement anxiogène et particulièrement démotivante car tout ce pour quoi les salariés se sont battus risque de disparaître avec un simple acte de vente. C’est donc un moment délicat de la vie d’une entreprise, et une cession mal réalisée, c’est la mort assurée de l’entreprise… et donc des emplois.

Alors doit-on obliger par la loi que les patrons consultent les salariés deux mois avant ? Je pense que c’est une erreur fondamentale. Il y a très peu de cas dans lesquels les salariés sont capables aussi bien techniquement, que financièrement ou encore moralement de reprendre une entreprise.

Pour ceux qui connaissent la vie en entreprise, la plus grande majorité des gens n’ont pas envie ni de devenir actionnaire, ni de devenir « patron » de leur entreprise.

L’idée est belle, tel n’est pas le problème. Oui l’idée des SCOP doit être encouragée, et j’y suis profondément favorable. Oui nous devons créer un fonds public permettant de financer, sous certaines conditions, ce passage en SCOP. Oui nous pouvons aider les salariés notamment à travers des formations. Oui nous pouvons inciter les patrons par exemple à étudier cette voie par exemple en étant positif et en donnant un allègement fiscal sur la cession si et uniquement si la cession se fait au profit des salariés. Voilà qui serait intelligent, positif, constructif et consensuel. Voilà ce qui serait fait pour faire ensemble et non pour opposer.

Nous pourrions aussi, plutôt que de devoir consulter les salariés avant, le faire a posteriori, en faisant une loi qui dirait que toute cession peut être annulée pendant un délai de deux mois si les salariés regroupés au sein d’une SCOP sont en mesure de reprendre l’entreprise. Ils deviendraient prioritaires.

Bref, tout cela pour vous montrer qu’il y a plusieurs solutions et plusieurs façons d’aborder ce sujet et ce problème. En l’occurrence, notre gouvernement nous montre encore qu’il choisit la voie de l’idéologie et de la sanction à l’égard des entreprises et des entrepreneurs.
Le gouvernement choisit la collectivisation rampante plutôt que le « consensus ».

Enfin, je voulais revenir sur ce passage de l’article de BFM : « Cette réalité, c’est la discrétion qui, nous dit-on à la CGPME, doit être un préalable à la transmission d’entreprise. »

C’est du bon sens ! On ne vend pas une voiture bon sang ! On vend un outil de travail, avec des salariés et des clients. Clients qui peuvent déserter en quelques instants et privilégier une autre solution s’ils ont des doutes sur l’avenir ou la pérennité d’une entreprise.

C’est donc un projet de loi stupide, idéologue, qui ne prend pas en compte les réalités économiques ni le désir des salariés qui seront toujours minoritaires pour fonder une SCOP. Soyons sérieux ! La majorité des cessions ne donneront pas lieu à une reprise par les salariés qui est l’une des solutions mais pas la panacée universelle !

Encourager oui et cent fois oui. Obliger est une erreur, mais ce ne sera ni la première ni la dernière d’un gouvernement techniquement lamentable. Ils sont tout simplement mauvais et incompétents. Je considère que l’on ne légifère pas ou le moins possible lorsqu’il s’agit de cas minoritaires. Très minoritairesc !

Patrick Artus : « Un défaut est inévitable pour les pays les plus vulnérables de la zone euro »

Et voilà notre grand économiste Patrick Artus qui vient d’avoir la révélation au bout de six ans de crise que nous n’allions pas nous en sortir en termes d’endettement, et qu’il faudra bien se résoudre un jour ou l’autre à faire défaut, ne serait-ce que partiellement sur les dettes souveraines. (Pensez à vite fermer vos contrats d’assurance vie car vous allez tous vous faire chyprer !)

« L’augmentation des dettes publiques des pays sous programme d’aide européenne et du FMI jette des doutes sur les remèdes choisis par les Européens pour régler le problème d’endettement excessif dans le sud de la zone euro. Que cela vous inspire-t-il ?

Je suis persuadé qu’un défaut est inévitable pour les pays les plus vulnérables de la zone euro. Cela ne signifie pas un défaut violent où l’on décide du jour au lendemain de ne rien rembourser. Cela peut consister en une restructuration par un échange de titres à un taux plus bas ou avec une maturité plus longue. Ce qui correspond de plus en plus à l’analyse qui est faite par le FMI et les Allemands.

Le Conseil allemand des experts économiques a notamment, sous l’impulsion de Christoph Schmidt, commencé à réfléchir à un fonds européen de résolution des dettes européennes. Les gens raisonnables envisagent cette solution comme une possibilité, plutôt que de se dire que cela n’arrivera pas. Il y a une réflexion qui existe. Y compris à la Commission européenne, d’ailleurs.

Pourquoi en arriver à une telle extrémité ?

C’est un message que les pays de la zone euro ne veulent pas entendre, mais il y a un vrai problème de solvabilité. L’Italie a vécu très longtemps avec un taux d’endettement supérieur à 100 % du PIB sans que cela ne pose de problème. Mais plus l’endettement est important et plus l’exigence en terme d’excédent primaire est élevée. Et quand on regarde la solvabilité en zone euro on peut avoir de sérieux doutes. »

Voilà pour les extraits. Je vous engage à lire la totalité de son intervention car c’est digne d’intérêt. Disons qu’il faut retenir qu’il tente d’avoir des propos rassurants.
Après l’idée d’atterrissage en douceur des marchés (au lieu de krach), il nous explique qu’il y aura une faillite douce et gentille, progressive quoi… Vous serez ruinés en plusieurs fois sans frais ! Vous zêtes contents non ?

Il faut retenir également que c’est irrémédiablement compromis. Soit nous sauvons l’euro mais nous annulons les dettes devenues hors de contrôle, soit nous sacrifions l’euro, les pays endettés monétisent, l’inflation viendra ruiner les épargnants mais les dettes seront honorées.

Ces deux chemins seront douloureux. C’est juste une question de choix politique.

Dans tous les cas, nous ferons faillite, ce n’est qu’une question de temps. En attendant, l’or s’approche des 1 350 dollars l’once, c’est une excellente nouvelle. Ceci expliquant sans doute cela.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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