Comment sauver l’agriculture française ?

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Par Sébastien Maurice Modifié le 6 août 2015 à 9h19
Agriculture Pesticides Plan Reduction Stephane Lefoll
10 MILLIARDS €Par le biais de la politique agricole commune, l'agro-business français reçoit chaque année plus de dix milliards d'euros de subventions.

Plutôt que davantage d’aides de l’État, la vraie solution pour sauver l’agriculture française consisterait à sortir ce secteur essentiel à notre économie des griffes de l’État. Pour paraphraser Ronald Reagan, «  La manière dont le gouvernement voit l’agriculture peut être résumée ainsi : si ça bouge, taxez ; si ça continue à bouger, réglementez ; si ça s’arrête de bouger, subventionnez. ».

La France reste la première puissance agricole d’Europe et le troisième exportateur mondial, à égalité avec le Brésil. Pourtant la plupart des petits producteurs sont presque dans l’incapacité de vivre décemment de leur travail.

La chute des prix des matières premières à des niveaux proches des plus bas de la crise de 2008 explique en partie la situation, mais le secteur est également miné par des problèmes structurels beaucoup plus profonds.

Les syndicats réclament toujours plus de subventions et de protection contre la concurrence étrangère. Pourtant, à l’origine de l’esprit paysan, il y a la fierté de vivre de son travail et de nourrir son pays. Les agriculteurs n’ont pas vocation à devenir des fonctionnaires dépendants de l’argent public. Ce sont de véritables entrepreneurs au service des consommateurs et fiers de leur indépendance.

La fausse solution des subventions publiques

Par le biais de la PAC (politique agricole commune), l’agro-business français reçoit chaque année plus de dix milliards d’euros de subventions. Ainsi presque 20 % des recettes du secteur proviennent des subventions de l’union européenne. Certaines années les aides atteignent jusqu’à plus de 90 % des bénéfices réalisés en France par ce secteur. Mais ne croyez pas que ces subventions viennent en soutien aux petites exploitations…

Comme tout bon mécanisme bureaucratique qui se respecte, le calcul des subventions repose sur des critères purement quantitatifs qui ont pour effet de récompenser la production de masse. Bien entendu, il ne s’agit pas de s’opposer à l’agriculture intensive et à grande échelle, grâce à laquelle il est possible de nourrir une population de soixante-cinq millions d’habitants grâce aux efforts d’environ un million de travailleurs agricoles seulement.

Cependant, ce mécanisme vient fausser le fonctionnement du marché en encourageant le développement des exploitations intensives, au détriment des productions à plus petite échelle, mais à plus forte valeur ajoutée. La PAC permet donc de soutenir les grandes exploitations industrielles mais laisse au bord de la route les petits agriculteurs indépendants.

Ainsi 60 % des exploitations en Europe reçoivent moins de 20 000 euros d’aide par an, soit moins de 20 % du montant total du budget alloué à la PAC. Un symbole frappant de l’injustice du mécanisme de répartition de la PAC est l’attribution à la reine d’Angleterre ainsi que plusieurs autres membres de la famille royale grands propriétaires terriens de plusieurs millions d’euros d’aides au titre des subventions agricoles européennes. De grands groupes agro-alimentaires tels que le suisse Nestlé reçoivent également des millions d’euros d’aides chaque année.

L’expérience du Brésil et de la Nouvelle Zélande : prospérité non subventionnée

L’expérience nous prouve que l’agriculture n’a nullement besoin de subventions pour prospérer. Ainsi le Brésil, souvent surnommé la « nouvelle ferme du monde », ne prévoit quasiment aucune subvention pour son agriculture (environ 0,2 % des recettes du secteur).

Un autre exemple fascinant est celui de la Nouvelle Zélande, longtemps caractérisée par une politique agricole parmi les plus interventionnistes au monde. Le ministre des finances Roger Douglas décide à son arrivée en 1984 de supprimer la quasi-totalité des subventions agricoles afin de résoudre une crise budgétaire. Ces dernières représentaient alors près de 40 % des recettes du secteur, soit quasiment l’intégralité des bénéfices des exploitations. Deuxième remède de cheval, il décide également d’éliminer les taxes douanières pesant sur les importations de denrées agricoles.

Résultat ? Au lieu d’un effondrement du secteur l’année suivante, seulement 1 % des exploitations environ ont disparu. Sur le long terme, tout le monde reconnaît que cette réforme a été salvatrice. Malcom Bailety, président de la Fédération néo-zélandaise d'exploitants agricoles, affirme qu’aucun agriculteur "Kiwi" ne voudrait aujourd'hui revenir à l'ancien système. La part de l’agriculture dans le PIB Néo-Zélandais est aujourd’hui à un niveau exceptionnellement important en comparaison aux autres pays développés.

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Sources: Banque mondiale, World Development Indicators, Division statistique des Nations Unis, Millenium Developement Goals Database

Voici ce qu’écrivait récemment dans une de ses lettres aux adhérant l’un des principaux syndicats agricoles de Nouvelle-Zélande :

« Les subventions restreignaient l’innovation, la diversification et la productivité en corrompant les signaux et nouvelles donne des marchés. Cela aboutit à un gaspillage des ressources et eut un effet négatif sur l’environnement. Une grande part des agriculteurs de pâture avait une exploitation dans le seul but d’obtenir les subventions. Leur arrêt a donné naissance à une économie rurale vivante, diversifiée et durable. Les agriculteurs néo-zélandais sont fiers de leur indépendance et sont décidés à ne jamais plus être soumis aux subventions gouvernementales ».

Un autre point intéressant concerne l’effet écologique de la réforme. La suppression des subventions a conduit à une réduction de l’usage des engrais, entrainant une amélioration de la qualité de l’eau en Nouvelle-Zélande.

En finir avec le carcan réglementaire

Pour paraphraser (encore une fois) ce bon vieux Ronald Reagan, « le gouvernement n'est pas la solution à nos problèmes ; le gouvernement est le problème ».

L’empilement des normes nationales et européennes a conduit à un véritable carcan réglementaire pour les agriculteurs, particulièrement difficile à gérer pour les petites exploitations.

Croyez le ou non, mais les directives européennes encadrent la vitesse minimum des essuie-glaces des tracteurs, les dimensions des cages à poule et le taux de sucre des confitures…même le poids minimum d’une banane (variable bien évidemment en fonction du mode de culture), sa longueur et sa courbure sont à présent standardisés…

Le respect de toutes ses normes - souvent absurdes et inutiles - coûte cher aux petites exploitations, mais également au contribuable qui doit financer l’entretien des armadas de fonctionnaires chargés d’en assurer le contrôle. Ainsi, le budget du ministère de l’agriculture représentait 4,9 milliards d’euros en 2014 et il employait 34 000 fonctionnaires, chiffre en constante augmentation alors que le nombre d’exploitation ne cesse de diminuer…

Le secteur agricole se porterait beaucoup mieux si les agriculteurs étaient autorisés à faire leur métier librement au lieu de suivre les directives de bureaucrates urbains inexpérimentés.

Les réglementations, en plus du coût qu’elles imposent directement à la filière ont également pour conséquence de freiner la modernisation et l’extension des petites exploitations. Or ces exploitations auraient besoin d’atteindre une taille critique pour amortir leurs frais. En effet, Le Figaro nous apprend qu’en moyenne une exploitation laitière en France ne compte que 53 têtes, contre une moyenne de 400 en Europe du Nord. La Fédération nationale porcine fait le même diagnostic :

« Parmi les entraves au développement et à la modernisation des élevages, le carcan réglementaire est en tête de liste. Redonner aux éleveurs la liberté d’entreprendre passe par un assouplissement de ce carcan » (La France Agricole, 21.06.13).

Le mur de la réglementation européenne n’est pas le seul mur à abattre si nous voulons rétablir un marché libre dans le secteur agricole et redynamiser l’esprit d’entreprise. Il est également nécessaire d’en finir avec le corporatisme au niveau national. Les syndicats agricoles, la SAFER et la chambre d’agriculture (qui compte un effectif pléthorique de 8 000 fonctionnaires) possèdent un pouvoir démesuré sur la façon dont l’économie agricole du pays est gérée. Ils peuvent par exemple décider de qui a le droit de créer ou acquérir une exploitation et possèdent un droit de préemption sur toute transaction effectuée sur des terres agricoles.

Pourquoi ne pas récompenser ceux qui produisent de la valeur pour le consommateur final ? Pour cela une meilleure politique consisterait à supprimer la TVA pour le secteur agricole ainsi que les impôts fonciers, ce qui permettrait d’aider d’avantage les productions à forte valeur ajoutée, par opposition à un système d’aide uniquement basé sur les volumes. Une telle mesure pousserait les producteurs à penser d’abord à la façon de répondre aux besoins de consommateurs en créant de la valeur grâce au développement de la qualité et de l’innovation, au lieu de développer les productions qui permettent de collecter le plus de subventions.

Pour changer, plutôt que la route de la servitude, si on essayait la liberté ?

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Sébastien Maurice est étudiant en Finance à l’IAE de Lyon3 et travail en tant que rédacteur pour les Publications Agora. Passionné depuis toujours par les marchés financiers, il s’intéresse particulièrement aux opportunités d’investissement offertes par les nouvelles technologies et les pays émergents.??Vous trouverez ses articles sur les sites La Quotidienne de la Croissance et Libre d’agir

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