Bail-In : le mot qui va changer vos vies et vider vos comptes en banque

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Par Charles Sannat Modifié le 2 avril 2013 à 12h16

Avec cette crise même pendant le week-end de Pâques il se passe encore des choses alors que normalement il ne se passe jamais rien.

Comme j'écris ces lignes le 1er avril, je voulais vous faire un petit poisson du style... la crise est finie. Mais d'une part vous risquez de ne pas trouver cela drôle et en plus vous connaissant avec vos esprits de contrariens chagrins, vous n'y croiriez pas une seule seconde ! Dur de faire prendre des vessies pour des lanternes à notre communauté de gentils « chagrins » !!

Bon attaquons les choses sérieuses. L'équipe de Monsieur Bricolage s'inquiétait de la force de l'euro... qui continue sa baisse. Pour ceux qui n'auraient pas suivi, Monsieur Bricolage c'est le nouveau surnom de notre Président de la République alias le « pingouin » la semaine dernière. Le pauvre. Chaque semaine un nouveau surnom.

L'euro recule, bazar en Europe !
L'euro poursuit donc sa baisse, les « zinvestisseurs » jouant la prudence après les événements chypriotes et la poursuite de l'impasse politique en Italie.

A Chypre, l'Eglise orthodoxe, rentre directement dans la polémique et dans la politique puisqu'elle demande la sortie de la zone euro, et a appelé dimanche à la démission du ministre des Finances Michalis Sarris et du gouverneur de la Banque centrale Panicos Demetriades, puisque les pertes de l'Eglise vont être énormes dans le cadre de cette restructuration.

D'ailleurs selon la presse chypriote, l'Eglise orthodoxe, qui est le plus important propriétaire foncier de l'île, a saisi la justice pour tenter d'empêcher toute saisie sur ses avoirs à la Bank of Cyprus.

En Italie la situation n'est guère plus brillante. Le président de la République Giorgio Napolitano (donné par la rumeur comme démissionnaire lui aussi, mais qui aurait cédé aux suppliques de Mario Draghi le gouverneur de la BCE qui se serait mis en quatre pour qu'il reste à son poste encore quelques semaines) a décidé samedi de charger « deux groupes restreints de personnalités » de chercher une solution pour débloquer l'impasse politique et doter l'Italie d'un nouveau gouvernement, ce qui n'est pas gagné, vu que Bersani qui était chargé jusqu'à présent de cette tâche a fini par jeter l'éponge. Aucune alliance ne semble actuellement possible.

Afin de rassurer ses partenaires étrangers, M. Napolitano a indiqué que son pays « n'était ni à la dérive, ni dépourvu d'un exécutif », dans la mesure où « le gouvernement (de Mario Monti) bien que démissionnaire reste en charge, et il est sur le point d'adopter des mesures urgentes pour l'économie, en accord avec l'Union européenne ». Je me sens tout de suite rassuré y compris sur l'avenir de la démocratie dans les pays touchés par la crise financière où des gouvernements non élus et désignés d'office sont maintenant carrément maintenus en dépit du résultat des élections.

Il ne faut pas oublier que celui qui dirige l'Italie actuellement en appliquant le programme qui convient aux grands mamamouchis européens a remporté 10% des suffrages... ce qui ne fait pas lourd !

Apprenez par cœur la définition du terme bail-in ! Cela va vous servir prochainement !
Voilà qui restera sans doute comme le mot de l'année. Bail In ! Un nouveau terme qui vous permet de comprendre comme les chypriotes qui en font l'expérience en premiers, comment vous allez vous faire ruiner légalement et sans pouvoir rien dire.
Le « bail-in » c'est l'inverse de tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant et pour moi c'est évidemment la moins mauvaises des pires des solutions.

Depuis le début de la crise dite « des subprimes » qui a commencé en 2007 nous avons privatisé les bénéfices des banques et socialisé les pertes qui étaient prises en charge par les états selon le principe du « too big to fail » c'est-à-dire trop gros pour faire faillite.

Pourtant il ne faut pas se leurrer. Par définition et c'est d'une logique implacable, une banque « too big to fail » est également bien souvent « too big to save » c'est-à-dire bien trop grosse pour être sauvée même par les états. C'est ce que vous avez vu avec la Grèce (qui n'est pas un paradis fiscal rempli de mafieux russes) ou encore avec Chypre. Mais c'est aussi le cas des banques du Luxembourg dont les bilans représenteraient environ 30 fois la taille du PIB du pays, ou encore de la France dont le seul bilan de la BNP est égal à notre PIB... et pourtant nous non plus nous ne sommes pas à proprement parler un paradis fiscal.

Nous en sommes donc arrivés en Europe au moment où nous sommes obligés de reconnaitre que nous ne sommes pas capables de sauver nos banques (ce qui est connu depuis plus de cinq ans d'ailleurs), d'où l'invention du terme « bail-in » qui consiste à dire que les obligataires (ceux qui ont prété aux banques en achetant des obligations), les actionnaires (les propriétaires des banques) et également les déposants (qui n'ont pas d'argent en banque puisque les dépôts à vue sont des créances sur la banque...) seront désormais mis à contribution pour régler la note en lieu et place des états qui ne le peuvent pas puisqu'ils sont également insolvables.

La garantie des dépôts est un mirage !
La non plus, n'imaginez pas un seul instant que la garantie des dépôts est une certitude, y compris pour les comptes de moins de 100 000 euros. Pour le moment cela tient. Mais en fonction des cas, des banques, des pays et de la typologie des dépôts, sauver une banque peut nécessiter de baisser le seuil de garantie voire même de le supprimer.

Comment voulez-vous que des états insolvables et en faillite puissent vous garantir quoi que ce soit ?
Comment voulez-vous avoir confiance dans le système financier alors qu'à Chypre, en moins de quinze jours nous sommes passés d'une taxe de 9% sur les dépôts de plus de 100 000 euros à une ponction de 60% officielllement annoncée et à des rumeurs de plus en plus crédibles d'un taux qui pourrait monter jusqu'à 80% !!! Autant dire que dans ce dernier cas, il ne vous resterait plus grand-chose.

Mais c'est la meilleure des mesures, ou la moins mauvaise, puisque les dégâts sociaux, économiques, et pour tout dire le chaos qu'entrainerait des faillites d'états est bien plus grand que de voir quelques milliers ou millions d'épargnants perdre leur épargne... de tout temps, cela s'est toujours passé de cette façon-là. Alors ne soyez pas surpris. On prend l'argent là où il est, c'est-à-dire dans les poches de ceux qui en ont !

Alors certains diront, mais Charles voyons, Monsieur Bricolage a annoncé que personne ne reviendra sur la garantie des 100 000 euros, que Chypre est un cas particulier et qu'ils ont vite démenti que ce qui s'est passé à Chypre servirait de modèle à l'avenir. On peut donc aller se recoucher tranquillement.

Sauf que, ce n'est pas tout à fait vrai. Klaas Knot membre du Conseil d'administration de la BCE et gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas vient de confirmer les déclarations du Président de l'Eurogroupe Monsieur Dijsselbloem en disant : «ses propos se réfèrent à une approche qui est sur la table depuis un moment en Europe. Cette approche fera partie de la politique de liquidation européenne » et de poursuivre, « imposer un prélèvement sur les dépôts bancaires – pourrait servir de modèle pour de futures crises ».
Voilà qui est suffisamment clair y compris pour ceux qui ne voudraient pas comprendre.

Vers un Bail-in mondial et simultané ?
Voilà une solution qui ne manquerait pas d'élégance. Aucune échappatoire possible, ou que vous mettiez votre argent il serait saisi à hauteur de x% permettant aux pays occidentaux qui sont tous sans exception dans la même situation de surendettement de repartir sur des bases économiquement plus saines.

Impossible me direz-vous. Impossible sauf que le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada (qui n'est pas le plus mauvais élève loin s'en faut en termes de dettes), la France et de façon générale l'Union Européenne sont en train de traduire dans les différentes législations nationales ce principe de Bail-In afin de lui conférer un cadre légal...

Cela fait des années que j'entends évoquer ici ou là cette possibilité de « faillite » mondiale. Au bout de cinq ans de crise aigüe, force est de constater que les choses semblent plutôt se profiler dans ce sens, ce qui est logique, dans la mesure où ce serait la seule solution qui rendrait ces faillites supportables, y compris politiquement puisque dans un tel cadre, personne n'en « profiterait ». Ce serait une remise à plat géante, avec sans doute au bout un nouveau système monétaire international et une nouvelle répartition des pouvoirs dans les instances internationales.

Peu importe que cela se fasse de cette façon-là ou d'une autre car ce qui est sûr c'est que désormais les états laissent progressivement s'insinuer l'idée que votre argent n'est plus garanti, en tout cas au-delà de 100 000 euros. Vous pouvez toujours y croire... Ce que je constate c'est que la situation financière de nos pays est irrémédiablement compromise et que Monsieur Bricolage sera sans doute le Président de la faillite. Autant qu'il s'habitue à une côte de popularité en berne... car cela ne vas pas s'arranger de sitôt.

Un instant une communication urgente arrive en direct !
Sœur Anne m'indique à l'instant du haut de sa fenêtre de l'Elysée, qu'elle voit arriver la croissance... on est sauvé ! Mais non voyons, poisson d'avril !

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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