Construire en hauteur, un levier pour l’emploi

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Par Alexandre Judes Publié le 3 juin 2020 à 5h08
Immobilier Paris Hausse Encadrement 2
@shutter - © Economie Matin
90%90% des Franciliens craignent une augmentation des prix de l'immobilier après le projet du Grand Paris.

Télétravailler dans de bonnes conditions suppose de disposer d’un logement adapté, et cette crise sanitaire nous le rappelle avec force. Nourris par la peur de la pandémie, les sempiternels discours d’opposition entre villes et campagnes ont trouvé une nouvelle vigueur, occultant encore un peu plus le lien entre logement et emploi, qui pour la plupart des actifs ne passe pas par le télétravail : beaucoup de personnes cherchant un emploi se limitent en effet à renseigner une localisation, à l’exclusion de tout autre critère.

La moitié des emplois se situe à présent au sein des métropoles. Un «retour à la campagne» massif est peu probable, ni même souhaitable : les infrastructures manquent et y construire des logements aggraverait l’artificialisation des sols et la déforestation, catalyseurs majeurs de la dégradation de l’environnement et du changement climatique. Rien n’empêche cependant les urbains qui le désirent et qui le peuvent de s’y établir, d’y télétravailler, d’y rénover de vieilles bâtisses et de stimuler l’économie locale.

L’essentiel reste de permettre à chacun de profiter du dynamisme économique des métropoles, tout en garantissant qualité de vie et pouvoir d’achat. Maires et présidents de métropole ont les moyens d’agir, en coordination avec l’État et les citoyens eux-mêmes, pour mettre en œuvre de nouvelles formes de construction urbaine.

Le coût du logement, un handicap pour l’emploi

C’est un fait bien connu : le coût du logement dans les métropoles est prohibitif pour beaucoup d’actifs, et pèse sur leurs conditions de travail et l’accès à l’emploi. Un sondage réalisé en 2018 montrait que 80 % des Franciliens soutenaient le projet de métropole du Grand Paris, mais que 90 % d’entre eux redoutaient l’augmentation des prix de l’immobilier.

Les plus modestes, mais aussi les jeunes (actifs ou étudiants) et ceux qui ne peuvent pas télétravailler (agents d’entretien, infirmières, caissières, policiers, serveurs, etc.) subissent des trajets quotidiens longs et parfois pénibles. Au niveau macroéconomique, ces entraves à la mobilité sont responsables de 2,5 points de chômage (IGAS, 2015).

Les décideurs publics, malgré tout, négligent l’interdépendance entre logement et emploi, et persistent à les traiter séparément. Les dispositifs s’empilent (logements sociaux, APL, chèque mobilité, encadrement des loyers, et maintenant baux emphytéotiques). Leurs inefficiences s’ajoutent, justifiant d’autres palliatifs.

L’ensemble finit par constituer un système inefficace, dont le pilotage par indicateurs nourrit une illusion de contrôle. On finit par oublier que traiter ponctuellement les symptômes ne suffit pas à guérir la maladie : le logement engloutit à présent 30 % du revenu disponible brut des ménages et la Fondation Abbé Pierre comptabilise près de 4 millions de personnes mal-logées.

Un autre modèle vertueux est possible

Au vu de ces résultats, mieux vaut couper court à la politique actuelle du logement, et assumer de faire de celle-ci un vecteur de la lutte contre le chômage et l’exclusion. Et pour rapprocher les actifs des emplois, tout en mettant fin à la crise de l’offre, la construction verticale des métropoles paraît incontournable.

Elle fait polémique en France, où elle est assimilée aux barres d’immeubles dans les banlieues ou aux tours peu esthétiques construites à Paris, que ce soit aux Olympiades ou sur le front de Seine. Il existe d’autres exemples cependant, Chicago et New York par exemple, où les constructions en hauteur font partie de l’identité de la ville, ou encore Londres, qui a su concilier avec pragmatisme gratte-ciels contemporains et monuments historiques. Les métropoles françaises ne doivent pas rester à l’écart de cette révolution urbanistique.

Pour le moment, force est de constater que la vision d’ensemble n’est pas au rendez-vous. Les débats du premier tour des élections municipales ont éludé la question cruciale du logement. Ce n’est pas faute de projets : des architectes de tous horizons, à l’instar d’Odile Decq ou Vincent Caillebaut, travaillent à rendre nos villes plus hautes, plus denses et aussi plus écologiques. La participation citoyenne, indispensable, permettra d’éviter de nombreux écueils, à commencer par l’erreur new-yorkaise de réserver les gratte-ciels à des résidences de luxe : il faut, au contraire, diversifier les lots.

Cette crise sanitaire aura des répercussions socio-économiques majeures. Elle nous frappe à un moment où le climat social et la concorde nationale sont fortement dégradés, et alors que le taux de chômage n’avait pas encore recouvré son niveau d’avant la crise de 2008. Surmonter l’épreuve qui s’annonce exigera courage, inventivité et exigence de résultat sur les préoccupations immédiates des Français, au premier rang desquelles figurent l’emploi et le pouvoir d’achat. Le logement est un levier idéal.

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Alexandre Judes est économiste chez Indeed depuis 2017. Il a pour mission d’analyser le marché français et représente en France le « Hiring Lab », l’institut de recherche d’Indeed qui réfléchit sur l’avenir du travail et de l’emploi dans le monde. Diplômé de l’ENSAE ParisTech en 2011, Alexandre a occupé le poste d’économiste chez Coe-Rexecode pendant quatre ans, où il était notamment en charge des sujets liés à l’économie numérique. Il a commencé sa carrière dans le secteur économique et financier, où il a occupé divers postes entre 2008 et 2012 au sein d’administrations (Direction générale du Trésor), de cabinets de conseil (Olivier Wyman), et de banques/assurances (Rothschild, Société Générale, BNP Paribas, Axa).

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