Coopération, discussion, concertation, recherche de consensus, écoute... Autant de notions qui n’ont jamais été autant mises en valeur et revendiquées que ces dernières semaines, notamment à travers la crise que connaît notre pays. Mais plus globalement, après quelques décennies de nombrilisme aigu, force est de constater que la coopération et le collectif (re)viennent sur le devant de la scène. Preuve en est : l’avènement de nombreuses plateformes collaboratives.
Réseaux sociaux, espaces de coworking, think tank, plateformes d’achats groupés, applications de service entre particuliers… Les acteurs de la « sharing economy » se multiplient, basant tous leur modèle économique ou leur raison philosophique d’exister sur l’idée que l’échange et le partage sont des solutions à la fois de court et de long terme à des problématiques quotidiennes comme plus durables (écologie, préservation des espèces…). Encouragé par la technologie et la digitalisation, ce phénomène relève notamment de la possibilité pour chacun de donner son avis, d’être entendu et où l’instantanéité a remis en cause tous les schémas informationnels, décisionnels et politiques. Ainsi et presque paradoxalement, ce mouvement de fond, où la mise en avant des individualités est plus prégnante que jamais, voit également la presque impérieuse nécessité pour beaucoup de se regrouper, de réfléchir et d’agir ensemble et dessine un tout nouveau profil : le « contributeur positif ».
L’émergence de contributeurs positifs pour réconcilier aspirations individuelles et besoins collectifs
Il est celui qui veut être acteur, influenceur et contributeur de sa propre vie et de l’impact de celle-ci sur la planète, ses enfants, ses voisins... Devant l’ampleur du phénomène – loin d’être générationnel – comment penser que le monde de l’entreprise soit le dernier endroit où cette tendance émergerait, où des collaborateurs pourraient y évoluer en se coupant totalement de leur mode de fonctionnement personnel ? Ainsi la coopération, la collaboration, la transversalité et la place de l’individualité au sein du groupe ne sont plus une question d’opportunisme pour les entreprises afin d’encourager la performance, mais bien une question de survie. Entre collaborateurs d’une même équipe, entre managers, avec un partenaire ou un fournisseur, avec un collègue du bout du monde… l’enjeu n’est plus de travailler les uns pour les autres ou les uns après les autres mais bien les uns avec les autres et en conscience du rôle et de la contribution réelle et potentielle de chacun. D’autant plus que les enjeux de pérennité de l’organisation sont également compatibles avec les aspirations individuelles.
Les notions d’impact et de rôle trouvent ici toute leur place. Être contributeur, c’est être reconnu pour son impact personnel. C’est mettre de la conscience sur ce que j’apporte, moi, en tant que personne, et pas « seulement » en tant que membre d’une équipe. Et en même temps, contribuer, ce n’est pas créer seule, c’est apporter une pierre à un édifice commun, à une œuvre collective. La « contribution positive » serait ainsi une façon de passer du « ou » au « et » : relier les aspirations individuelles ET les besoins collectifs. Je suis un individu ET je fais partie d’un tout. C’est la reconnaissance de l’individualité dans la conscience du collectif. L’idée n’est pas ici que chacun se « mêle de tout », ait un avis sur chaque projet ou puisse intervenir sur n’importe quelle décision. L’enjeu véritable est d’arriver à mettre en place des processus de coopération clairs pour permettre à ces « contributeurs positifs » potentiels d’agir véritablement et efficacement.
... passant par un nécessaire état des lieux des besoins de coopération de l’entreprise
Si le « chantier » de cette transformation semble colossal, il commence toujours par un état des lieux des besoins précis de l’entreprise via, le plus souvent, un accompagnement dédié. Aucune organisation ne présente les mêmes besoins au même moment en ce qui concerne la coopération et la transversalité. Révéler et permettre l’épanouissement de ces « contributeurs positifs » au sein d’une organisation va avant tout relever d’un travail à la fois sur l’individu (connaissance de soi, conscience de ses postures…) et sur le collectif (partage de représentations, de compétences, communautés managériales…). Ces démarches conjointes vont favoriser l’épanouissement particulier et la performance collective. Facilitation de l’intrapreneuriat, mise en place de groupe pour la résolution de cas concrets, formation de facilitateurs, création d’une équipe transverse dédiée à l’innovation, rencontres régulières au travers d’ateliers de travail communs pour les équipes déjà constituées ou pour les collaborateurs amenés à travailler ponctuellement ensemble... Si le champ des possibles est immense pour traiter la coopération en entreprise, l’enjeu véritable réside dans la possibilité laissée par les directions et managers de voir cette coopération émergée au travers d’un cadre clair et bienveillant. La culture de l’entreprise doit ainsi être interrogée.
Les managers sont-ils formés et prêts à voir les circuits d’information changer, la décision s’articuler autrement, à accompagner leurs collaborateurs dans leur désir d’émancipation ? La direction est-elle prête à s’impliquer, à écouter les remontées terrain ? De ces premiers questionnements essentiels va découler une interrogation toute aussi cruciale : celle de savoir si la place réelle laissée à la coopération vient de la recherche d’un nouveau gadget pour valoriser sa marque employeur ou bien de la conviction qu’elle est une condition sine qua non de l’avenir de l’entreprise. Pour envisager ses collaborateurs comme de réels contributeurs positifs, le questionnement de départ est donc essentiel. La raison d’être et de faire « autrement » sont des bases indispensables à la mise en place d’un système collaboratif pertinent et durable, de même que la nécessité de se remettre en question et d’évoluer en même temps que ses utilisateurs et/ou collaborateurs. La question du sens est alors plus que jamais centrale pour définir des stratégies d’évolution et d’engagement durables, pour faire en sorte que les envies de contribution positive ne soient pas source de frustration mais bel et bien d’efficacité et pour transformer ainsi chaque collaborateur en SON potentiel de « contributeur positif ».