« Le commandant Costco débarque ». « Le géant du club-entrepôt arrive en France ». « Costco bouscule la distribution en France » ... Rarement l’arrivée d’un nouveau distributeur aura suscité autant d’attentes dans l’Hexagone.
Aussi bien de la part des journalistes que des consommateurs et des professionnels de la distribution. Une curiosité atypique pour un distributeur au business model… tout aussi atypique. Ni hard-discounter, ni distributeur traditionnel, Costco propose un concept unique de « Chasse au trésor » reposant sur la disponibilité d’un nombre de références limité (environ 3800 références permanentes), une mise en scène minimale des produits et un accès payant réservé aux seuls membres. A première vue, un modèle simpliste – proche du bricolage de dernière minute – que certains résument à un patchwork de positionnements existants remixés à la sauce américaine. Et pourtant ce positionnement plaît y compris au-delà des Etats-Unis. Aujourd’hui Costco compte environ 700 « clubs-entrepôts » fréquentés par 88 millions de membres. Ce qui en fait le 2nd distributeur à l’échelle globale. Comment expliquer un tel succès ? Pourquoi va-t-il se répéter en France ?
La greffe va-t-elle prendre en France ?
En dépit des bouleversements provoqués par l’irruption du numérique dans les parcours d’achats, les besoins fondamentaux du consommateur restent les mêmes : la qualité du produit, le prix et la praticité. Des nécessités auxquelles Costco répond largement. Comme l’explique Gary Swindells, Président Costco France, « nous offrons de la qualité et les clients vont s’en rendre compte. Il faut savoir qu’au début, Costco ne vendait qu’aux professionnels. Ce sont les particuliers qui ont demandé à avoir accès au même service ». A cela s’ajoute des prix inférieurs de 20% à ceux pratiqués dans la grande distribution. Et le hangar dans tout ça ? Il s’inscrit dans une mise en scène habile ; celle de la bonne affaire et du service.
Et ce n’est pas tout. En plus de répondre aux besoins basiques, il s’adapte aux nouvelles habitudes du consommateur grâce à son club privé qui se fait l’écho d’Amazon Prime, avec la notion de club comme vecteur d’engagement particulièrement fort. Quant à l’entrée payante, elle participe également de la puissance du dispositif de séduction. En effet, non seulement le tarif de la carte de membre autorise une rentabilisation très rapide, mais elle s’accompagne de services différentiant : satisfait ou remboursé à 100% sur tous les achats (et même sur la carte elle-même), promotions permanentes et nouveaux arrivages périodiques. La carte payante donne le sentiment au consommateur d’appartenir à un Club VIP, avec tous les avantages que cela comporte, comme par exemple de susciter un engagement beaucoup plus fort (l’exemple du Club Nespresso est à ce titre très parlant), au-delà même de la question de la rentabilité de la cotisation annuelle. On est proche du concept d’« enchantement » théorisé par Max Weber.
Parallèlement, prenant le contre-pied d’un Amazon souvent cité comme une marque peu soucieuse du bien-être de ses employés, Costco se positionne comme une marque « sociale », affichant un turnover de seulement 6% contre plus de 30% dans certains cas. Un plus indéniablement à l’heure où les consommateurs – et particulièrement les plus jeunes – s’intéressent de plus en plus à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. C’est là où l’approche de Costco se veut particulièrement disruptive. La sociologie de la consommation évolue fortement (économie du partage, économie de l’abonnement, etc.) et bien que le numérique soit un des moteurs de cette évolution, il n’est pas le seul. Le modèle de Costco semble vouloir y répondre, avec un back-office très « numérique » et des points de vente très « écologiques ». Bref, le mastodonte américain propose un positionnement de rupture basé sur un contrat moral dont les fondamentaux sont le prix, la qualité, le service et l’éthique… Comment imaginer que le consommateur ne succombe pas ?
Vers une recomposition du paysage de la distribution française ?
Après l’inauguration du premier « club-entrepôt » à Villebon-sur-Yvette (91), le groupe prévoit une quinzaine d’implantations d’ici une dizaine d’années. S’il n’y a pas le feu au lac, on peut tout de même se demander comment les grandes enseignes de distribution vont réagir. Vont-elles tenter de développer un modèle similaire ? Le pourront-elles ? On sait d’une part qu’il existe, quel que soit le secteur, une prime au premier entrant. D’autre part, lorsque le modèle low-cost a émergé, elles n’ont pas tenté de créer leurs propres marques mais ont intégré des produits low-cost à leur offre. Peut-être imagineront-elles de dédier une partie de la surface de vente de leurs supermarchés à ce type de produits ?
Mais on peut présager que la véritable bataille concernera la carte de fidélité. La notion de club exclusif est une tendance actuelle très prisée. On a vu la Fnac réagir à l’offre Amazon Prime en proposant à ses clients une carte Fnac « Plus ». Parallèlement, le succès des ventes privées ne se dément pas (leur principal atout étant de se focaliser sur l’offre plutôt que la demande). Costco a bien compris qu’au-delà du tarif du produit, sa disponibilité et la praticité de l’expérience clients sont des éléments essentiels pour le consommateur. Tout l’enjeu consiste donc à trouver un équilibre en termes de pricing (ni trop cher, ni trop peu cher pour ne pas être assimilé à un hard-discounter) et à privilégier une expérience d’achat fluide et agréable. Et le modèle du Club répond à l’ensemble de ces points, agrémenté d’une fibre sociale et écologique (le groupe propose des services de recyclage) qui l’ancre résolument dans les enjeux sociétaux modernes. Rendez-vous dans un an pour évaluer l’adhésion des Français !