Croissance molle

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Par Stéphane Déo Modifié le 1 février 2019 à 10h19
Zone Euro Inflation Impots
0,2%Pour le quatrième trimestre, la croissance en zone Euro est de 0,2%.

Croissance européenne médiocre mais stable avec une forte baisse du commerce international. Victoire de façade pour Trump sur la guerre commerciale qui semble vouloir se contenter des avancées partielles obtenues.

Point de marché : les banques centrales à la relance

Petit retour sur la Fed après un jour de marché pour digérer la décision.

Si l’intervention de Powell a fait baisser les taux, la composition est intéressante et mérite d’être soulignée. Sur la journée du FOMC, les taux des Treasury à 10-ans ont baissé de 3 points de base, c’est beaucoup sur une journée mais pas extraordinaire. En revanche les taux réels, eux, ont baissé de 9 points de base, ce qui est beaucoup plus substantiel. Ceci a été compensé par une augmentation des anticipations d’inflation de 5 points de base, de nouveau un ajustement journalier loin d’être négligeable. Sur la semaine l’ajustement est encore plus spectaculaire.

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En quoi la distinction entre taux nominaux et réels est-elle pertinente ?

Une baisse aussi forte des taux réels montre que les marchés ont révisé de manière importante leurs attentes sur la Fed et anticipent une trajectoire de politique monétaire beaucoup plus accommodante. Avec une politique monétaire plus laxiste (« toutes choses étant égales par ailleurs » comme aiment à le dire les économistes), la résultante est que l’inflation pourrait être poussée à la hausse, d’où le mouvement marqué sur l’inflation point mort.

En conclusion, les attentes de hausse des taux n’ont pas tellement bougé après le FOMC, les taux 10-ans ont baissés mais de manière modérée, toutefois il s’agit là de la résultante de deux mouvements opposés beaucoup plus violents : taux réels vs. anticipations d’inflation. Le changement de marché est donc très conséquent. Le dernier FOMC est bien un point d’inflexion pour les marchés.

Croissance : la zone Euro tient, l’Italie est en récession

Les chiffres de croissance en Zone Euro pour le quatrième trimestre 2018, n’étaient pas si mauvais que ça, 0,2% de croissance en rythme trimestriel, comme sur le troisième trimestre. Pas de ralentissement supplémentaire donc. En revanche c’est bien un tassement de la croissance comparé à la première moitié de l’année (0,4% de croissance sur chacun des deux premiers trimestres) et encore plus par rapport à 2017 (0,7% de croissance sur chacun des quatre trimestres).

D’où vient ce ralentissement ? Essentiellement de la composante extérieure. Au T4 2017 le commerce extérieur ajoutait 1,4% à la croissance annuelle Européenne, alors qu’au quatrième trimestre 2018 il a enlevé 0,5%. C’est de loin le facteur explicatif le plus important de la baisse de croissance, la composante domestique a certes faibli, mais dans une bien moindre mesure.

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A noter aussi, le PIB italien s’est contracté au T4 de l’année dernière, -0,2% en glissement trimestriel après un -0,1% au T3 : l’Italie est officiellement en récession. Avec une base aussi faible, même la prévision de la banque d’Italie récemment révisée à 0,9% semble plus que difficile à atteindre, il faudrait une croissance de plus de 0,4% sur chaque trimestre. L’équilibre budgétaire et la trajectoire de la dette devraient donc redevenir un sujet d’inquiétude pour l’Italie.

Donald semble content des négociations, et c’est tout ce qui importe

Les tweets récents de Trump laissent envisager une solution au différend commercial avec la Chine. Le Vice-Premier Liu He, avec une délégation d’une trentaine de personne, est à Washington où il négocie avec le Trade Representative Robert Lighthizer. C’est donc encouragent et cela devrait supporter les marchés et l’économie. Le commerce international a donné récemment des signes de faiblesse alarmants.

Donald Trump pose toutefois deux conditions. D’une part une ouverture des marchés Chinois dans les secteurs de la finance, mais aussi d’autres secteurs industriels. « Sans quoi un accord ne serait pas possible ». Pour le marché financier c’est déjà fait, Xi avait annoncé en 2017 qu’il allait ouvrir le capital des sociétés financières aux étrangers, il l’a confirmé et a accéléré le processus l’année dernière, Trump demande donc que les chinois prennent une décision qui est déjà entérinée. La Chine s’engage aussi à acheter plus de biens américains ; lorsqu’on voit l’évolution des parts de marchés américaines dans les importations chinoises de soja (13% sur les 12 derniers mois, contre 33% il y a un an et 45% 10 ans plus tôt) on comprend que les Chinois peuvent effectivement faire mieux…

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Deuxième exigence de Trump, un face à face avec Xi pour finaliser l’accord. Signe de plus, si besoin était, que l’habillage politique est plus important que la substance. C’est une excellente nouvelle : l’habillage politique est plus facile à obtenir que de réelles concessions de la part des chinois.

L’escalade de la guerre commerciale après la date limite du 1er mars semble de moins en moins probable (mais il faut rester prudent, avec Donald on ne sait jamais). Toutefois les vrais sujets qui fâchent, propriété intellectuelle notamment, ne sont pas résolus et devraient continuer à peser sur les relations.

Schaeuble veut une relance

Très intéressant argument de Wolfgang Schaeuble qui reconnait que l’Allemagne a un problème d’infrastructure et qui demande au gouvernement d’investir plus. Oui « LE » très rigide Wolfgang Schaeuble, ex ministre des finances allemand de 2009 à 2017, dont l’allergie aux déficits publics n’est plus à démontrer. Si même lui le dit… Il faut rappeler que le surplus budgétaire prévisionnel allemand se réduit cette année malgré une croissance soutenue, il s’agit donc d’une relance budgétaire qui vaut 0,6 ppt de PIB ce qui va dans le sens de la demande de Schaeuble.

Nous avons déjà signalé ce problème à moult reprises et ne résistons donc pas à ressortir notre graphique que nos lecteurs assidus (nous les remercions ici) connaissent maintenant par cœur. Avec des taux d’emprunts pour l’Allemagne aussi bas, négatifs jusqu’à une maturité de sept ans, ne pas investir dans le futur semble une erreur.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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