D’écologique à énergétique, la transition sémantique

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Par Jean-Pierre Riou Modifié le 29 novembre 2022 à 10h07

Le 14 octobre, la presse grecque appelait la population à une manifestation massive contre l'invasion programmée d'éoliennes géantes qui doivent défigurer leurs montagnes. Selon cette presse, de nombreuses associations et fédérations auraient demandé trois heures d'arrêt de travail, de 11h à 14 h. Parmi elles des associations d'enseignants de médecins ou d'agents de l'administration, manifestant leur opposition au projet qui « menace la liberté de nos montagnes et de la dignité de notre pays » luttant contre « les plans des multinationales de la mort, mais aussi des gouvernements ... défiant tous les coûts, ainsi que font tous les peuples qui luttent pour la Terre et Liberté ».

La participation a été considérable. et la vidéo en est édifiante : https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=uKBwqb70wAg

Après avoir dû brader leurs propriétés publiques, dès 2011, allant des télécoms à l'électricité en passant par les ports, les aéroports et les trains, les grecs semblent aujourd'hui décidés à défendre chèrement la seule chose qu'il leur reste et qu'ils ne s'attendaient pas à ce qu'on leur prenne, leurs montagnes et leurs paysages.

En France, pour renflouer nos caisses vides, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit, de la même manière, 4 milliards d'euros de cessions d'actifs de l'Etat.

Selon Le Monde, le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, aurait annoncé, mercredi 15 octobre, « des cessions dans plusieurs domaines [...] sur les dix-huit prochains mois », pour un montant se situant « entre cinq et dix milliards d'euros ». Austérité oblige.

La « croissance verte » nous restait cependant promise. Mme Ségolène Royal ne nous rappelait elle pas, début octobre, que la transition énergétique, « ça ne coûte pas, ça rapporte ».
Ce qui peut surprendre, en regard des milliards d'euros de surcoût annuel consacrés aux tarifs privilégiés éoliens et photovoltaïques.

La Cour des Comptes avait bien stigmatisé, dans son rapport de juillet 2013, p 64, le manque d'expertise des services de l'Etat dont les sources seraient, selon elle, (croisées entre elles ou avec celles non validées des organisations professionnelles, ce qui multiplie les incertitudes et les risques de propagation des erreurs d'estimation).

Nous apprenons aujourd'hui l'annonce que ces cessions d'actifs serviraient à financer la transition énergétique. Le domaine de l'énergie serait particulièrement visé.
EDF, concerné par le projet, ne devrait pas en faire l'objet dans l'immédiat en raison du très bas niveau où il se trouve actuellement. Le réseau de transport d'électricité, RTE, devrait être concerné en premier.

Ces deux entreprises offraient jusqu'alors à la France une des électricités les moins chères du marché, tout en étant parmi les moins carbonées et les plus sûres d'approvisionnement, atout essentiels de notre compétitivité.
RTE se retrouve désormais confronté à l'obligation de développer des milliers de kilomètres de nouvelles lignes à haute tension pour permettre l'arrivée des énergies renouvelables intermittentes.
Pendant que le montant de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) lié aux énergies renouvelables (3.7 milliards d'euros en 2014) ne suffit pas à rembourser EDF du surcoût de ses achats obligés qui plombent sa comptabilité.

Du grand débat sur « La stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2014-2020 », il ne semble rester aujourd'hui qu'une loi de transition énergétique qui s'acharne à bouleverser à grands frais et de façon irréversible notre principal atout économique, sans espoir raisonnable du moindre bienfait environnemental.

Pascal Remy, dont la société est leader mondial des traitements de l'eau en extraction pétrolière et minière, vient de publier une analyse de cette transition énergétique, dans la revue mensuelle des anciens élèves de l'école Polytechnique. Sa position, au cœur même du problème, donne un éclairage assez différent des affirmations péremptoires et coupées de la réalité dont on nous rebat les oreilles.

Son analyse se termine par cette phrase « Le débat sur l'énergie doit cesser d'être pollué par des postures politiciennes ou doctrinaires et doit être considéré comme un sujet économique. »
Comment ne pas y reconnaitre le coin du bon sens.

La place de la France et la sécurité même de l'Europe reposent en grande partie sur les qualités et la sécurité de fourniture du parc de production d'électricité français. Les conséquences d'une faillite de cette sécurité d'approvisionnement dépassent largement ce qu'on peut généralement imaginer.

Les grecs payent bien cher aujourd'hui d'avoir cru aux promesses d'hier. Le poids des lobbies qui ont participé à les entrainer dans leur chute ne doit pas être sous estimé.
Ne serait il pas temps d'ouvrir les yeux ?

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Jean Pierre Riou est chroniqueur indépendant sur l'énergie Membre du bureau énergie du collectif Science Technologies Actions Rédacteur du blog lemontchampot.blogspot.com

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