La Sécurité Sociale, une exception française, hélas

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Par Simone Wapler Publié le 19 mai 2014 à 2h08

A deux semaines des élections européennes, rappelons les trois principaux engagements du traité de Maastricht que la France bafoue depuis 22 ans :

• Un déficit des comptes publics limité à 3% du PIB

• Une dette publique limitée à 60% du PIB

• Une ouverture à la libre concurrence de tous les secteurs non régaliens, ces secteurs étant définis par le traité lui-même.

Le pays des Droits de l’Homme ne respecte pas la signature d’un traité pourtant ratifié par voie de référendum.

Pour les deux premiers points, la France avait beau jeu de dire qu’elle n’était pas la seule. Le troisième point nous emmène directement à la case Sécurité sociale et plus précisément celle de l’Assurance maladie.

L’Assurance maladie est – comme son nom l’indique – une assurance et donc fait partie des secteurs qui auraient dû être ouverts à la libre concurrence. Cela n’est toujours pas le cas malgré de multiples rappels à l’ordre de la France par l’Union européenne.

Toucher à la "Sécu", c’est s’attaquer à une importante pompe financière syndicale et c’est donc tabou. "Tabou" signifie un sujet dont on ne peut pas peut débattre ouvertement sous peine de passer pour "ultra-libéral". Les idées suivantes, telles des axiomes mathématiques, ne peuvent donc être discutées et doivent être admises sans discussion :

• La Sécurité sociale est un système généreux

• Le monde entier nous l’envie

• Notre médecine lui doit sa qualité de réputation mondiale

• Les Français y sont attachés par dessus tout

Autant d’idées tellement reçues qu’elles passent pour vraies. Et pourtant…

L’Assurance maladie n’est pas un système généreux

Chaque assuré paie pour l’ensemble des soins en acquittant les charges dites sociales. De la même façon que chaque conducteur paie pour les accidents des autres. La partie véritablement "solidarité" du système - qui est la CMU ou Couverture Maladie Universelle - est en réalité financée par l’impôt et notamment les taxes sur l’alcool, le tabac, les boissons sucrées…

Notre Sécurité sociale ne fait pas pâlir d’envie le monde entier

En général, les gens ne sont pas stupides donc lorsque quelque chose présente un avantage certain ils finissent par l’adopter, le copier et même l’améliorer. Notre Sécurité sociale coûte très cher à la collectivité et c’est pourquoi les autres pays ont décidé de ne pas s’en doter. Tout le monde n’a pas les moyens ni le désir d’amonceler des dizaines de milliards de déficits tous les ans. Certains pays (dont les rues ne sont pas jonchées de cadavres ou d’agonisants) préfèrent adopter d’autres systèmes d’assurances. Dans ces pays, les charges dites sociales et le chômage sont en général moins élevés. Certains peuples font en toute liberté d’autres choix que les nôtres.

Notre médecine doit sa qualité à l’enseignement en alternance. Ceci n’a rien à voir avec l’Assurance maladie

Dès l’externat, en deuxième année, un jeune étudiant en médecine commence à pratiquer en hôpital. Il intensifiera sa pratique durant l’internat de sa septième à sa onzième année d’étude ; à ce stade, ayant payé ses études par son travail à l’hôpital, il sera libre d’exercer dans le privé. Éventuellement, durant deux années supplémentaire d’un clinicat, il pratiquera encore au sein d’un service hospitalier de l’Assistance Publique et enseignera à son tour. Ce système permet à nos médecins de cumuler très jeunes une expérience importante et de la partager. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays dans lesquels les contraintes d’assurance en responsabilité civile sont telles que la pratique est bien plus tardive. Oui, le french doctor fait rêver mais cela n’a rien à voir avec la "Sécu".

Rien ne prouve que les Français soient spécialement attachés à la Sécurité sociale. Simplement, ils n’ont pas le choix

Hormis les professions libérales aucun salarié ne peut à ce jour opter pour un autre régime que celui de l’Assurance maladie. Si, comme l’exige le traité international de Maastricht, l’Assurance maladie était mise en concurrence avec d’autres assureurs et que l’on comptabilisait le nombre d’assurés volontaires de chaque prestataire, alors on pourrait éventuellement établir si les Français sont réellement attachés à l’Assurance maladie étatique.

Le refus obstiné des gouvernements successifs d’ouvrir l’Assurance maladie à la concurrence masque en réalité un problème bien plus grave, la corruption. La Sécurité sociale est la pompe financière de syndicats non représentatifs dont la principale mission est la prolongation des "acquis sociaux", c’est à dire des privilèges accordés à certains et payés par les autres sous forme de chômage et d’exclusion. Ces syndicats administrent les organismes dits paritaires et en tirent plus de 110 M€ de recettes à comparer à leur 190 M€ de "cotisations".

Comment un système pourrait-il être excellent et cependant craindre la concurrence ? Ne perdez pas votre temps à tenter de résoudre ce paradoxe. Là encore, la France est victime de ses blocages. Car l’Union européenne ne demande nullement la "privatisation de la Sécu" mais simplement sa mise en concurrence, ce qui, compte- tenu des déficits cumulés, se justifie. Va-t-on bientôt toucher le fond du "trou de la Sécu" ? Espérons-le…

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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