Déserts médicaux : l’innovation peut-elle combler les distances ?

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Par Alban de Crémiers Publié le 19 mars 2018 à 5h00
France Sante Innovation Telemedecine Economies
@shutter - © Economie Matin
1 milliard €La télémédecine permettrait d'économiser un milliard d'euros par an.

Confrontée aux déserts médicaux sur son territoire, la France doit faire preuve d’innovation. Le développement des maisons de soin et les mesures pour attirer les médecins étrangers font partie des solutions mises en place, au même titre que le recours à la technologie avec notamment la télémédecine qui, selon la Cour des comptes, permettrait d’économiser un milliard d’euros par an.

Contrairement à une idée reçue, les déserts médicaux ne concernent pas seulement les zones rurales, mais touchent aussi la plupart des grandes villes françaises. La définition d’un désert médical repose, en fait, sur deux critères : d’une part, le temps que met un patient pour se rendre chez son médecin ; et d’autre part le nombre de médecins par habitant. On peut donc s’interroger sur les causes d’un problème qui touche l’ensemble du territoire.

Déserts médicaux : un problème structurel

Fini le temps où chaque village avait son médecin. Avec l’urbanisation massive du territoire et la concentration de la population dans les villes, le nombre de médecins généralistes, et à plus forte raison de spécialistes, n’a cessé de décroître en zone rurale. Cette concentration renforce l’inégalité d’accès aux soins entre grande ville et ruralité, où les délais et les distances s’allongent. À ce phénomène s’ajoute une particularité française, liée aux difficiles conditions de sélection des médecins. En effet, l’écrémage radical opéré à l’issue de la première année de médecine voit échouer 85 % des étudiants au concours d’entrée en deuxième année. Cette sélection est le résultat du numerus clausus — quota d’admission des étudiants — qui a été drastiquement réduit dans les années 80. Cette pénurie est aggravée par le vieillissement de la population et les 7 à 10 ans d’études nécessaires pour former un médecin. En 2017, plus d’un quart d’entre eux avaient plus de 60 ans.

Développer les centres de soin

Conscient de l’enjeu, le gouvernement a initié un certain nombre de mesures, et encouragé la prise d’initiative de la part du secteur privé. Lancé en 2012, le Pacte territoire santé vise ainsi à assurer l’accès de tous les Français à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire national. Parmi les 12 engagements de ce Pacte figure le développement des centres de santé. Un centre de santé est un lieu de proximité qui regroupe une offre de soins généralistes et spécialistes — dentaires, ophtalmologiques. Ces soins ont pour avantage de faciliter une prise en charge complète du patient, tout en mutualisant une partie des coûts pour les praticiens. En 2016, le candidat Macron avait ainsi promis de doubler le nombre de maisons de santé avant 2022. Pour le moment, ce sont près de 2 000 centres de soin qui sont implantés un peu partout en province.

Attirer les médecins étrangers

En parallèle de l’augmentation des centres de soin, une innovation dans le domaine législatif passerait par des mesures incitatives pour favoriser l’installation de médecins étrangers. Certaines communes offrent déjà des subventions aux médecins étrangers qui viennent s’y établir. Pour les médecins européens, l’installation est facilitée par l’équivalence des diplômes. Pour les non européens, le problème des diplômes demeure un frein. Mais une solution pourrait venir d’un visa spécial, attribué à condition que le médecin postulant s’installe dans une région sous-dotée, et y reste un certain nombre d’années.

Consulter à distance avec la télémédecine

Une troisième innovation dépend de la technologie. Il y a 5 ans, le manque de connexion limitait le recours à la télémédecine. Depuis, les offres du secteur privé se sont multipliées, et le gouvernement a lancé le Plan France Très Haut Débit, pour couvrir l’ensemble du territoire en haut débit d’ici 2022. Dans ce domaine, la France accumule toutefois un retard par rapport à ses voisins européens, qui ont généralisé le recours à la télémédecine. Cette pratique a le double avantage d’offrir une immédiateté de la prise en charge, tout en maintenant le rapport d’intuitu personæ, grâce à la visioconférence. C’est un atout pour les 10 millions de Français qui souffrent de maladies chroniques, et pourraient faire leurs consultations depuis chez eux. Si la consultation médicale à distance n’a pas vocation à remplacer la médecine traditionnelle, elle peut s’envisager comme une première étape dans le parcours de soin du patient, une pratique qui permet en outre un travail préventif important. En 2016, sur vingt millions de passages aux urgences, 5 % seulement étaient justifiés. Si ces patients avaient pu recourir à la télémédecine, nombre d’entre eux auraient évité le déplacement et les 450 € que chaque passage aux urgences coûte à l’État.

Avec le vieillissement de la population et l’amplification des zones urbaines au détriment de la ruralité, résoudre le problème des déserts médicaux nécessite la prise de mesures structurelles. L’incitation et l’innovation législative sont entre les mains du gouvernement. De leur côté, les acteurs privés peuvent apporter leur pierre à l’édifice, en mettant les dernières avancées technologiques au service des patients et de la santé publique.

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Alban de Crémiers est PDG de Feelae.

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