Dette écologique : la planète en rupture en stock

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Par Bernard Perret Modifié le 13 décembre 2022 à 20h41

Cette année, les terriens ont consommé dès le 20 août les ressources que peut produire durablement la Planète pendant une année. Quelle que soit l'imprécision du calcul, il est clair que nous (nous, c'est à dire la partie riche de l'humanité) vivons au dessus de nos moyens. Nous ne sommes plus capables de maintenir notre niveau de vie sans manger une partie du capital que devrions transmettre aux générations futures.

Nous contractons donc une dette à leur égard, mais aussi vis-à-vis des pays pauvres. Cette dette, qui plus est, s'accumule au fil des ans : en deux siècles de croissance industrielle, les pays anciennement industrialisés ont utilisé à leur profit une part importante du stock des ressources communes.

S'exprimer en ces termes n'aurait aucun sens si nous vivions dans un monde aux ressources infinies. Si nos technologies avaient le pouvoir d'augmenter indéfiniment les stocks d'énergie et de matières premières exploitables et de réparer les dégâts infligés à l'environnement, les riches auraient beau jeu de démontrer que leur enrichissement bénéficie à tous – notamment à travers le progrès technique qu'il génère. Mais ce raisonnement ne tient plus si l'on prend en compte le caractère absolu des contraintes écologiques, tout au moins de certaines d'entre elles.

Une dépendance qui engendre des sacrifices

Même si nous apprenons au fil des ans à utiliser plus efficacement les ressources naturelles –par exemple à travers le recyclage-, on ne voit pas quel miracle technologique pourrait nous en affranchir de notre dépendance vis-à-vis de la nature. Les terriens sont bel et bien condamnés à se partager des stocks de ressources vitales disponibles en quantité limitée telles que les énergies fossiles, les métaux rares, ou encore les espaces naturels réservoirs de biodiversité.

L'exemple le plus frappant concerne le climat : si l'on accorde quelque crédit à ce que disent les meilleurs experts, l'humanité devra tôt ou tard limiter drastiquement la quantité de gaz carbonique qu'elle rejette chaque année dans l'atmosphère, principalement sous la forme de combustion de pétrole, de gaz et de charbon. Nous n'aurons alors d'autre choix que de répartir entre les pays – voire entre les individus – le quota global d'émissions de Co2 que la terre peut supporter. Or, qui dit partage dit forcément sacrifices pour les plus riches. Dès 1997, le protocole de Kyoto se situait dans cette perspective, en fixant des objectifs plus ambitieux pour les pays riches : ce n'était malheureusement qu'une timide avancée, que les échecs successifs des négociations internationales ont fini par vider de sa substance.

Tout cela, reconnaissons-le, est dur à entendre dans un contexte économique où les soucis immédiats ne laissent guère de place au souci du long terme. Il faudra pourtant s'y résoudre : la question écologique est un des plus grands défis qu'ait eu à affronter l'humanité. Qu'on le veuille ou non, elle dominera le présent siècle.

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Bernard Perret est responsable de la Mission « évaluation des politiques publiques » au Conseil Général des Ponts et Chaussées. Ancien élève de Polytechnique et de l'ENSAE, membre permanent du conseil général des Ponts et Chaussées au ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, membre du Haut Conseil de la Santé Publique, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique (LISE-CNRS), il a mené une double carrière de fonctionnaire, spécialiste des méthodes d'évaluation des politiques publiques, et de chercheur en socio-économie.Il est membre du comité de rédaction de la revue Esprit et de la revue britannique Evaluation et l'auteur des ouvrages suivants : La logique de l'espérance (Presses de la Renaissance, 2006), De la société comme monde commun (Desclée de Brouwer, 2003), L'évaluation des politiques publiques (La Découverte 2001, réédité en 2008), Les nouvelles frontières de l'argent (Seuil 1999), L'avenir du travail (Seuil 1995), L'économie contre la société (avec Guy Roustang, Seuil 1993) et, en collaboration, Vers un nouveau contrat social (DDB 1996), 35 heures, le temps du bilan (DDB, 2001).Il est chevalier de la Légion d'Honneur.

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