Le « coup » du diesel

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 7 mai 2012 à 21h08

Grâce à une technologie exclusive et brevetée, nous sommes en mesure de savoir en scannant votre ordinateur à distance que votre voiture carbure au diesel. Attention, nos algorithmes sont encore en rodage, et connaissent encore 40% de fausses détections.

Oui : près de 60 % du parc automobile français roule désormais au diesel, contre par exemple seulement 23 % du parc allemand. Résultat, les dieselistes ont une mauvaise surprise en franchissant certaines frontières. En Allemagne, mais aussi en Suisse ou aux Pays-Bas par exemple, le diesel est vendu plus cher que l'essence !

A cela, une seule raison : le prix du diesel (alias gasoil un peu partout dans le monde, et benzin en Allemagne et en Suisse) est subventionné en France. Créant d'ailleurs une inégalité des citoyens devant l'impôt : un dieseliste paye moins de TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers) qu'un automobiliste roulant à l'essence ! En moyenne, toutes taxes incluses, le diesel en paye 50 %, contre... 61 % pour l'essence (source UFIP). Une mesure historique destinée à favoriser les deux constructeurs français Peugeot et Renault, longtemps spécialistes en Europe des motorisations diesel.

Mais aujourd'hui, subventionner le diesel n'a plus de sens. D'abord car l'effet attendu ne joue plus : tous les constructeurs se sont mis au diesel, et sobriété et robustesse sur ces motorisations ne sont plus l'apanage des seules françaises, loin s'en faut. Il suffit de voir avec quoi roulent la majorité des taxis... Ensuite, parce que le diesel, malgré les filtres à particules, reste de loin le carburant le plus polluant. Les micro-particules empoisonnent sournoisement l'atmosphère des grandes agglomérations, sans être pour l'instant mesurées par les organismes officiels. A partir de 2014, les nouvelles normes anti-pollutions contraindront les constructeurs à faire des prouesses techniques pour réduire drastiquement les émissions de micro-particules, renchérissant d'au moins 2000 euros les motorisations diesel, et fragilisant un peu plus encore les désormais trop complexes moteurs diesel. Enfin, parce que... nous ne produisons pas assez de diesel. On l'apprend en cours de physique-chimie, au collège, et pourtant personne ne semble s'en être soucié ces trente dernières années ! Les raffineries françaises, dont on dit qu'elles sont en surproduction, ce qui justifie leurs fermetures aux yeux des pétroliers et des politiques, sont en fait en surproduction d'essence mais pas de diesel ! Impossible en effet de sortir plus de 40 centilitres de carburants "lourds" (comme le diesel) d'un litre de pétrole brut. Résultat, nous exportons du super, qui ne représente que...15 % de la consommation de carburant en France, mais importons près des deux tiers du diesel et du fioul domestique consommés en France ! Allourdissant encore notre facture énergétique... les produits raffinés étant forcément plus chers à l'importation que le pétrole brut.

Autant dire que les stratéges qui ont fait le "coup" du diesel dans les années 70, après les chocs pétroliers, le moteur diesel étant réputé plus sobre que l'essence, ont en fait fait payer à l'ensemble des Français, automobilistes ou non, la facture de ce choix aujourd'hui très contestable. Il aggrave notre dépendance énergétique, puisque nous importons des produits raffinés coûteux au lieu de les produire en France. Détruit des emplois puisque des raffineries ferment. Ne donne plus aucun avantage (contestable d'ailleurs) aux constructeurs français sur le marché du neuf. Enfin, sponsorise certains automobilistes au détriment de tous les autres. Mais quel gouvernement oserait expliquer à 57 % d'automobilistes qu'il faudrait augmenter de 10 % le prix du diesel pour le mettre à égalité avec l'essence, et de 10 % de plus au moins, pour compenser le surcoût provoqué par lesimportations de diesel raffiné ?

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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