La digitalisation bancaire en Afrique via la digital factory : une opportunité économique à saisir

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Par Pascal de Lima Publié le 8 septembre 2022 à 5h23
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43,4%La pénétration d'Internet a atteint 43,4% de la population mondiale.

Aujourd’hui, dans le monde des banques assurances, la Digital Factory a pris les devants de la scène de la digitalisation. La digital factory, entité spécialisée dans les technologies et le numérique a pour objectif de porter les innovations incrémentales nécessaires à l’adaptation du monde digital. Il prend pour modèle le fonctionnement de la start up : méthodes agiles, Flex Office, espaces de vie…devraient en théorie faciliter l’esprit d’innovation.

La digital factory regroupe ainsi un ensemble de ressources humaines et technologiques, de méthodes plutôt agiles et de moyens ayant pour objectif de mener à bien des projets digitaux et d’accélérer les analyses d’opportunités à l’intérieur même des entreprises. L’objectif d’une digital factory est de réussir à apporter de la technologie et du sens au plus près des besoins de l’utilisateur à partir de deux éléments : Un lieu cohérent avec une logique d’expérimentation locale, et des équipes pluridisciplinaires. La digital factory s’installe comme une référence de modèle de soutien à la transformation digitale et à l’accélération des économies surtout d’ailleurs depuis la crise de la Pandémie. Fin 2017, lors d’une visite sur le continent Africain, Mark Zukerberg, CEO de Facebook, décrivait l’Afrique comme « là où le futur serait construit ».

L’Afrique [1] est la région du monde qui a le plus à gagner de la révolution numérique. Les nouvelles technologies peuvent en effet permettre aux pays africains de s’affranchir du processus de développement traditionnel, d’améliorer la productivité et de sauter des étapes pour accélérer leur croissance économique, mais aussi de gérer leurs ressources plus efficacement et d’étendre l’accès aux services essentiels même aux populations les plus vulnérables. Cette démarche de créer une structure spécifique labelisée « Digital Factory » est aussi emblématique du phénomène actuel de prise de conscience de ces enjeux surtout que les digital factories vont accélérer la digitalisation efficace et équitable en particulier la lutte contre l’exclusion financière.

Le retard de l’Afrique mais un rattrapage fulgurant

Le retard de l’Afrique dans le numérique

Évoquer le continent africain et le phénomène de digitalisation des économies n’est pas sans rappeler le retard tout aussi réel de la digitalisation en Afrique. A son rythme, l’Afrique se modernise même si un élément clé montre un certain retard : son taux de connectivité en valeur absolue. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), durant les 15 dernières années, le taux de pénétration d’internet à l’échelle mondiale a été pratiquement multiplié par 7. Il est ainsi passé de 6,5% à 43,4%. 3,2 milliards de personnes y ont désormais accès sur les 7,4 milliards d’habitants de la planète. Cependant en Afrique, l’accessibilité à la Toile prend plus de temps. De fait, c’est la région du monde la moins connectée, juste derrière l’Asie Pacifique et le Moyen-Orient. Si l’écart avec les économies occidentales est conséquent en terme de contribution de l’internet au PIB, certains pays africains sortent du lot, notamment le Sénégal, le Maroc ou encore le Kenya. Si le continent africain reste encore globalement peu digitalisé en stock, le phénomène se développe rapidement en variation.

Un rattrapage à vitesse Grand V

Certes, cela aura pris un certain temps mais désormais la machine est en marche et la digitalisation même s’accélère à une vitesse grand V, certainement supérieure à celle qu’ont connu les pays occidentaux en variation. L’Afrique se digitalise chaque jour un peu plus et mise sur le numérique pour développer son économie. D’après le FMI, d’ici à 2050, grâce à l’essor des nouvelles technologies, 12 des 20 pays qui connaîtront les booms économiques les plus importants dans le monde se situeront sur ce continent. D’une certaine façon et on l’oublie souvent, la grande force de l’Afrique dans sa conquête du numérique c’est de ne pas subir aussi les mêmes contraintes que les économies développées. Basiquement, les économistes l’ont souvent dit, la quasi-absence d’héritage technologique permet à ce continent de tirer directement profit des dernières technologies. Cette liberté lui laisse alors le champs libre pour inventer et créer des modèles qui lui seront propres et ne ressembleront ni de près ni de loin aux modèles déjà expérimentés sur d’autres marchés. Par exemple au Maroc, la propagation époustouflante de l’Internet résulte d’une floraison d’opérateurs sur la chaîne de valeur de la communication mobile, générant de nombreux emplois, notamment sur la niche des transactions électroniques. Au fur et à mesure que la révolution numérique transforme la région, les Etats sont confrontés à des défis nouveaux.

Côté efficacité, le digital est aujourd'hui une source d’opportunités car plus de 13% du commerce international est généré par l’économie numérique.

Côté équité, face à cette nouvelle donne, il se trouve que beaucoup d’Africains ne sont pas bancarisés. Dans ce contexte, le rôle du Commerce international devrait être d’aider les jeunes et les femmes à s’intégrer dans le tissu économique, en utilisant les services financiers numériques en complément aux services financiers traditionnels. Le cas de Paga au Nigéria est emblématique du succès réel mais sectorisé de la digitalisation en Afrique : il s’agit d’un service de transferts d’argents et de paiement de factures. C’est plus de 2.4 milliards d’USD qui ont transités sur cette plateforme internet. L’opérateur de paiements mobiles Paga compte plus de 7 millions d’utilisateurs, Plus de 2.4 milliards de dollars qui ont déjà été échangés à travers la plateforme. Tous les pays de l'Afrique de l'ouest ont aujourd'hui leur propre mode de paiement mobile. En tête de liste se trouve Orange Money qui est disponible dans pratiquement tous les États. Mobicash disponible au Mali et au Burkina, Cash au Ghana, TMoney et Flooz uniquement disponible au Togo pour ne citer que quelques exemples de cette première étape de digitalisation souvent à partir du mobile. Cette première étape va connaître une accélération grâce au déploiement des digital factories. C’est en tout cas une prédiction que nous faisons, même si nous en sommes à un stade encore peu avancé de ce côté-là.

Le phénomène des digital factories s’accélère déjà depuis quelques années et nous espérons aussi que ce développement permettra une meilleure inclusion financière. Au Maroc, Saham assurance en est un excellent exemple. En 2018, SAHAM Assurance crée sa Digital Factory, un laboratoire dédié à la conception de solutions innovantes destinées à changer la vie de ses assurés. Partant du constat que le comportement du client évolue de manière rapide, et qu’il y a une impérieuse nécessité de placer l’assuré au coeur des process de la compagnie, la Digital Factory a été créée dans l’objectif principal d’offrir la meilleure proposition de valeur, en s’appuyant pour cela sur l’innovation, le travail collaboratif et la méthode Agile. Grâce aux espaces collaboratifs, la Digital Factory regroupe des équipes aux profils pluridisciplinaires engagées autour de la transformation globale de la compagnie. C’est ainsi que des experts métier planchent aux côtés de jeunes développeurs, de «Scrum Masters», «UX Designers» et autres profils formés aux dernières technologies. La finalité ? Engager le changement. L’un de ses projets est par exemple de développer une application de géolocalisation dans le cadre de ses services d’assurance automobile. Saham Assurance Digital Factory est à ce jour la seule véritable Digital Factory sur le continent. Il existe néanmoins un solide écosystème tech autour des grands pays digitaux africains avec de nombreux incubateurs et startup, cependant cette approche en termes de Digital Factory est encore à un stade embryonnaire sur le continent. Le fait d’avoir un laboratoire spécialisé dans la digitalisation, labélisé Digital Factory ou non, n’est pas en soi un gage de succès de transformation digitale mais ce type de structure facilite indéniablement la transformation digitale

Mais il faudra naturellement aussi compter sur les facteurs structurels

Nous espérons aussi que la digital factory ne sera pas uniquement un phénomène de mode. Face au succès rencontré sur la première année d’existence, la digital factory de Saham Assurance a parallèlement développé une autre offre de services, celle de consulting. Le concept de digital factory est amené à perdurer et à transformer les organisations, car d’ici à 2023 l’ensemble des business va se muer à un rythme soutenu et pour y parvenir, elles ont besoin de nouveaux modes d’organisation, de cultures et de talents fédérés pour pouvoir passer du prototype à l’échelle de l’industrialisation.

Enfin, l’un des principaux éléments à cette réussite tient à la régulation du secteur. C’est là, tout l’enjeu de la régulation en Afrique de l’Ouest en particulier. La mise en place de l’ « e-régulation », pour la facilitation des affaires dans tous les pays membres qui ont en commun une monnaie unique, le Franc CFA. Il faut souligner que le développement de l’économie numérique en Afrique de l’Ouest passe aussi par les investissements dans la construction d’infrastructures et la formation du capital humain (emplois crées et développement durable). Certains facteurs structurels pourront aussi faciliter le déploiement des digital factories : l’éducation et la règlementation qui doit bien évidemment faciliter l’implémentation de digital factories. L’Etat aura aussi son rôle à jouer.

[1] Nous traitons principalement de l’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Algérie).

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Chef économiste, Economiste de l'innovation, knowledge manager des cabinets de conseil en management (20 ans). Essayiste et conférencier français spécialiste de prospective économique, mon travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Responsable de l'offre "FUTURA : Impacts des innovations sur les métiers de demain". Vision, Leadership, Remote of Work, Digital as Platforms...secteurs Banque Finance Assurance, PME TPE, Industrie et Sport du Futur. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Consultant et Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'Altran - dont un an auprès d'Arthur D. Little...), je fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, je deviens en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management. En 2022, je deviens Chef économiste de CGI et Directeur de CGI Business Consulting. Intervenant en économie de l'innovation à Aivancity, Sciences po Paris, ESSEC, HEC, UP13, Telecom-Paris... et Conférenciers dans le secteur privé, DRH, Directions Métiers... J'ai publié plus de 300 tribunes économiques dans toute la presse nationale, 8 livres, 6 articles scientifiques dans des revues classées CNRS et j'interviens régulièrement dans les médias français et internationaux. Publication récente aux éditions FORBES de « Capitalisme et Technologie : les liaisons dangereuses – Vers les métiers de demain ». Livre en cours : "La fin du travail" Site personnel : www.pascal-de-lima.com

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