Diversité : le luxe rattrape son retard

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Par Maahily Larcher Modifié le 24 juillet 2020 à 10h51
Lvmh Gucci Arnault Kerring Slimane
46%46% des jeunes diplômés veulent travailler dans uen entreprise avec une politique RSE.

En dépit d'une image d'ouverture, les secteurs de la mode et du luxe continuent d’être éclaboussés par de nombreux scandales impliquant racisme et sexisme. Conscients de l'importance croissante de ces enjeux de société aux yeux des jeunes générations, les grands pontes de l'industrie, à l’instar du groupe LVMH, amorcent un changement dans leurs pratiques.

Mode, luxe et diversité font-ils bon ménage ? A l'heure où les mouvements et hashtags tels que les célèbres #MeToo et #BlackLivesMatter font le tour de la planète, les marques peuvent-elles encore se permettre d’ignorer leurs responsabilités en matière d'inclusivité, ou encore se risquer à des dérapages aux connotations sexistes ou racistes ? Bien que perçue comme de plus en plus inclusif et ouvert, le milieu de la mode semble malgré tout particulièrement frileux et réticent en coulisses, quant aux questions de diversité pourtant fondamentales dans nos sociétés contemporaines.

Des scandales à répétition

Volontiers avant-gardistes, les industries du luxe et de la mode ont toujours tardé à prendre le train des évolutions sociétales. Il faudra attendre 1988 pour qu'une mannequin noire – Naomi Campbell – fasse enfin la couverture de l'édition parisienne du magazine Vogue. Et, si l'écrasante majorité des marques d'articles de luxe et de vêtements professe aujourd'hui de son adhésion pleine et entière aux valeurs de diversité et d'inclusivité, ce sont pourtant ces mêmes marques qui demeurent au cœur de scandales médiatiques, exposées par les réseaux sociaux, suite à des accusations de racisme.

Des affaires qui se suivent et se ressemblent : en 2018, un sweat-shirt H&M siglé « Coolest monkey in the jungle » porté par un petit garçon noir ; indignation générale en novembre de la même année après que la maison Dolce & Gabbana a diffusé une publicité tournant en dérision un personnage asiatique ; Prada accusé de “blackface” en décembre 2018 ; tollé mondial après la commercialisation début 2019, par la griffe italienne Gucci, d'un pull-over noir dont le col roulé était doté d'une bouche écarlate rappelant, là encore, un nouveau « blackface » – épisode qui mènera plusieurs célébrités, comme le rappeur 50 Cents et le réalisateur Spike Lee, au boycott de la marque.

LVMH, pionnier du luxe en matière de diversité

La question se pose donc : la mode serait-elle raciste ? Et si oui, pourquoi ? La faute au manque criant de diversité caractérisant le top management de cette industrie, qu’il s’agisse de dirigeants ou des directeurs artistiques, quasi-exclusivement blancs. Spécialisé dans le secteur de la mode et du luxe, le magazine américain WWD s’est penché sur la question plus que jamais pertinente en ces temps marqués par le meurtre de l'Afro-Américain George Floyd. Le contexte aidant, le magazine a interrogé les grandes marques du secteur sur leur politique en matière de diversité.

S’en suit un état des lieux, dressé par WWD, consacré à la présence de « non-blancs » au sein des grandes entreprises de la mode, de la beauté et du luxe. Un exercice difficile, les statistiques basées sur l'appartenance ethnique étant prohibées dans de nombreux pays, dont la France – ce qui rend l'effort réalisé par le magazine américain d'autant plus louable. Les entreprises interrogées ont répondu à une quinzaine de questions, portant notamment sur la proportion de personnes racisées parmi leurs employés. Le fleuron mondial du luxe, le groupe français LVMH, ne s'en sort pas trop mal : aux Etats-Unis, 64% de ses collaborateurs appartiennent à la catégorie des « non-blancs », et 12% sont d'origine afro-américaine. Par ailleurs, plus d'un quart (26,2%) des managers du groupe sont « non-blancs ».

Le numéro 1 mondial du luxe s’évertue à promouvoir l’inégalité entre hommes et femmes en propulsant deux femmes à la tête de la création de deux de ses plus prestigieuses maisons, Givenchy en 2017 et Dior en 2016. LVMH s'est également illustré en devenant, en 2018, la première multinationale du secteur à nommer un Afro-Américain à la tête de la ligne homme de sa marque phare, Louis Vuitton, en la personne de Virgil Abloh. Sans oublier la très médiatique création de Fenty Paris, une marque lancée par Rihanna mais également la première maison du groupe aux mains d’une femme noire. « Le racisme ne peut être vaincu par les seules déclarations de bonne intention d'une entreprise » explique à WWD Chantal Gaemperle, vice-présidente de LVMH en charge des ressources humaines. « Il ne peut être éradiqué que par des actions et une détermination de long terme ».

RSE, diversité : des attentes fortes de la part des jeunes générations

Longtemps tournées vers la seule maximisation de leurs profits, les entreprises se trouvent actuellement à un tournant décisif. Les problématiques de RSE, d'inclusivité et de diversité, auparavant perçues comme périphériques sont désormais centrales et correspondent à des demandes fortes, tant de la part des consommateurs que de celles de leurs collaborateurs, actuels ou futurs : selon une étude, près de la moitié (46%) des jeunes diplômés souhaitent que leur entreprise agisse en faveur du développement durable et « améliore son impact sur la société ». Et, à la question « quelle importance accorderez-vous à chacun de ces critères dans le choix de votre employeur », ils répondent majoritairement diversité et RSE. A bon entendeur.

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Journaliste spécialisée dans la culture, le lifestyle et les innovations. Elle s’intéresse tout particulièrement aux tendances et aux transformations de l'industrie du luxe à l’ère du numérique.

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