Données personnelles, traçage et vie privée : restons cohérents !

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Par Dominique Monera Publié le 19 juillet 2020 à 6h30
Confidentialite Donnees
93%93 % des Français considèrent que leurs données personnelles sont précieuses et doivent être mieux protégées.

Au moindre signe d’une intrusion possible dans notre intimité, nous envisageons systématiquement le pire. L’application Stopcovid, mise en place par le gouvernement, en est un bon exemple. Elle génère de nombreuses interrogations et supputations quant à la gestion des données personnelles. A juste titre ?

Protections des données : deux poids deux mesures

Pourquoi nous laissons nous aller à penser que le gouvernement n’a aucune envie de préserver une part significative de nos libertés ? Les pouvoirs publics restent pourtant prudents sur ces questions, à l’image du projet Covid IA de Cochin visant à optimiser le déconfinement à partir des données personnelles qui n’a pas été retenu. Ici, l’individu et sa liberté de mouvement ont été privilégiés à un dispositif de contraintes collectives, acceptant ainsi un risque un peu plus élevé. Paradoxalement, nous avons déjà tous accepté depuis longtemps les conditions générales d’utilisation et politiques de confidentialité des géants du web. Lorsqu’ils collectent nos données personnelles via nos visites sur le net et nos déplacements géographiques, nous restons généralement passifs. Bien que ces plateformes restent discrètes et permettent de signaler des publicités abusives, de nous désabonner, de sélectionner les cookies, etc. Il y a pourtant bien une intrusion dans notre intimité, mais celle-ci reste souterraines et semble ne pas poser de problème à la majorité d’entre nous. Pourquoi faisons-nous plus confiance aux GAFAM concernant la gestion de nos données personnelles qu’à notre gouvernement ?

Comment expliquer ce comportement si nuancé ?

Selon le sondage Opinionway pour Dolmen Technologies, 93 % des Français considèrent que leurs données personnelles sont précieuses et doivent être mieux protégées. Cependant, la majorité des Français (54 %) estiment qu’ils sont les mieux placés pour protéger leurs informations personnelles et ne craignent donc pas les GAFAM. A contrario, ils sont à peine un tiers (32 %) et même 18 % pour les 18-24 ans à se fier aux pouvoirs publics. Une défiance née de la déception des Français vis-à-vis des actions menées jusqu’à présent pour protéger leurs données personnelles. En effet, pour 56 % d’entre eux les initiatives gouvernementales sont insatisfaisantes. Ces comportements contrastés peuvent aussi s’expliquer par le fait que les GAFAM sont des plateformes privées qui nous rendent un service immédiat et personnalisé. Sans eux, comment nous rendre dans un endroit inconnu, rechercher une information urgente, trouver et obtenir rapidement un produit dont on a besoin, partager des posts affinitaires… Bref des récompenses immédiates et individualisées dont nous sommes devenus dépendants. Lorsque nous utilisons ces services, nous ne pensons pas aux conséquences éventuelles pouvant atteindre notre vie privée et acceptons volontiers de transmettre nos données personnelles pour combler un besoin à court terme.

La priorité au bien collectif ?

Dans le cas de services comme Stopcovid, l’équilibre entre l’offre et les attentes n’est plus du même ordre. Ces services sont conçus pour le bien collectif. Nous sommes bien sûr tous individuellement concernés, mais comme faisant partie d’une masse, sans qu’une de nos attentes personnelles soit à l’origine du service proposé. Son utilité ne répond donc pas à un besoin personnalisé et immédiat d’une personne donnée, mais à des intérêts collectifs dont le bénéfice ne sera visible que plus tard et peut être jamais totalement avéré. Ainsi, la peur que ce service puisse un jour nous nuire est bien présente. Ce souci de préserver notre individualité par rapport à des équilibres collectifs, peut renvoyer en première approche à des valeurs négatives d’égoïsme ou d’absence de solidarité, mais in fine, n’est-ce pas notre meilleure façon de nous protéger contre un monde mécanique de fourmis bien nourries et bien protégées, mais privées de cette liberté chérie qui fonde les principes de notre démocratie ?

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Dominique Monera est docteur en Finance et titulaire d'un Master II de mathématiques appliquées. Au cours de son parcours comme cadre dirigeant au sein du secteur financier (Etablissement de crédit, banque et assurance), il a créé et dirigé plusieurs équipes d'ingénieurs et mis en place un grand nombre d'algorithmes dans les domaines du risque, du marketing et de la relation client. Il a fondé l'IA ACADEMIE, organisme de conseil et de formation à destination des managers, sur les sujets relevant de l'Intelligence Artificielle. Dominique Monera est l'auteur de « l'Intelligence Artificielle et le Management » paru en mars 2019 aux éditions Eyrolles. 

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