Drôle de guerre dans le Golfe !

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Par Charles Sannat Modifié le 21 mai 2019 à 10h36
Guerre Mondiale Plan Relance Economie
@shutter - © Economie Matin

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Alors que Trump vient d’expliquer avec sa délicatesse coutumière que si l’Iran « attaquait ce serait la fin de l’Iran officiel », comprenez qu’en cas d’attaque iranienne, Trump atomiserait et rayerait l’Iran de la carte pour n’en laisser qu’un champ de ruines, je voulais revenir sur cette analyse du Professeur Ali G. Dizboni, spécialiste des relations internationales, des questions stratégiques et du Moyen-Orient au Collège militaire royal du Canada

Pour lui, il y a peu de chances que cette montée des tensions termine par une vraie guerre, et il s’agit plus d’un « cirque » de négociateurs que d’une situation véritablement dangereuse. Pour lui, aucun acteur de la région, y compris les Etats-Unis n’ont intérêt à la guerre.

Rassurez-vous, je ne suis pas pris d’une crise d’optimisme béat aiguë!!! Cette analyse est intéressante et elle doit venir enrichir les réflexions de tous, pour que nous soyons mieux armés pour anticiper la suite des événements.

Échos de guerre entre l’Iran et les États-Unis

Source Le Devoir (Canada) ici.

Tension et confusion règnent dans le golfe Persique. L’Iran a cessé, le 8 mai, de respecter certaines obligations balisées par l’accord international sur son programme nucléaire. Les États-Unis ont rappelé leur personnel non essentiel en Irak, intensifié les manoeuvres militaires dans la région. Y a-t-il un réel danger de guerre ?

Non. Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a dit [cette semaine] que son pays ne cherche pas la guerre avec l’Iran. Le guide suprême de la République islamique, Ali Khameni, lui a répondu par écrit qu’il n’y aurait pas de guerre avec les États-Unis. Il semble que Donald Trump ne veut pas s’engager dans un nouveau conflit moyen-oriental comme en Syrie, en Irak ou en Afghanistan, qui a déjà coûté 7000 milliards de dollars, une dette qui père lourd sur le Trésor américain. La priorité de Washington maintenant, c’est la Chine, la Russie ou les infrastructures du pays.

Tout de même, quelles seraient les conséquences d’un conflit armé ?

Une guerre avec l’Iran ne finirait pas parce que la seule issue d’un tel conflit devrait mener à la destruction du régime. Il faudrait anéantir les centres névralgiques, politiques, économiques et militaires du pouvoir tout en trouvant une solution de rechange à ce pouvoir. La première étape sans la deuxième transformerait immanquablement l’Iran en deuxième Syrie avec les vagues de réfugiés, les problèmes de terrorisme. On se retrouverait avec une zone de terreur de l’Afghanistan et du Pakistan jusqu’aux frontières européennes. L’Iran, ce n’est pas la Libye. C’est un grand pays, de la taille du Québec. Y envisager une campagne militaire terrestre semble impensable. Les Américains n’ont pas l’estomac pour embarquer 200 000 soldats dans une telle aventure à l’autre bout du monde où ils savent ce qui les attend. C’est donc clair que la guerre n’intéresse pas les États-Unis. La prochaine élection de Trump serait foutue s’il déclenchait cette guerre, et les alliés de la région, Israël et l’Arabie saoudite, n’ont pas la puissance pour soutenir seuls une longue campagne militaire.

Comment alors expliquer l’escalade de menaces ?

C’est un jeu politique pour amener l’Iran à se soumettre à la politique étrangère américaine dans la région. Mais l’Iran, ce n’est pas Bahreïn non plus, et y imposer un changement de régime demeure très compliqué. Ce que demandent les États-Unis à ce pays, c’est de ne pas s’allier avec les Russes, d’accepter la politique américaine en Syrie comme au Liban, de devenir un pays comme les autres, comme l’Arabie saoudite ou Israël, dans le giron de l’empire américain. Ce n’est pas rien ».

Et si les Etats-Unis, l’Arabie-Saoudite et Israël avaient intérêt à la guerre ?

Je ne vous exprimerais ici aucune vérité, aucune « conviction » particulière, car ce sujet est d’une immense complexité, c’est une histoire vieille d’un siècle, les enjeux sont monumentaux, alors, il est des sujets sur lesquels il vaut mieux rester modeste.

Il y a d’autres éléments que je voulais partager avec vous.

Israël et l’Arabie-Saoudite sont deux alliés objectifs contre l’Iran, une alliance que ces deux pays ne cachent presque… pas d’ailleurs. Un Iran puissant nucléarisé n’est tout simplement pas envisageable pour ces pays qui devraient vivre sous la menace permanente de Téhéran. Lorsque le risque est « existentiel », nous entrons dans un autre contexte, et l’option du pire devient possible.

Dans la logique du professeur Ali G. Dizboni l’Iran non plus n’aurait pas intérêt à la guerre. Certes, aucun pays n’a « intérêt » à la guerre, il y a en revanche des circonstances historiques où la guerre devient inévitable. Pour faire une analogie pour préciser ici ma pensée, le Japon de 1941 n’avait pas intérêt à la guerre, le Japon n’avait aucun intérêt à défier les Etats-Unis. Le Japon devait choisir entre l’humiliation et l’obéissance aux Etats-Unis ou la guerre. L’Amiral Yamamoto qui mena la marine impériale sur Pearl Harbor en avait parfaitement conscience lorsqu’il déclara: « Nous avons réveillé un géant ».

Il faut dire que les Américains venaient de soumettre les Japonais au plus terrible embargo moderne, un peu l’équivalent des sanctions économiques prises actuellement par Washington à l’égard des Iraniens.

Les Iraniens doivent se soumettre ou se retrouver terriblement isolés avec les mêmes conséquences que pour le Venezuela, à savoir, la misère économique généralisée. Parfois, la tentation de la guerre est la plus forte.

Autre élément de réflexion, les Etats-Unis cherchent des débouchés pour leur pétrole. Si les approvisionnements du Golfe sont coupés, nos amis Américains, n’en doutons pas, se feront un malin plaisir à nous dépanner avec du bon pétrole de schiste made in america!!! Une guerre au Moyen-orient serait une manière de rebattre les cartes de la géopolitique pétrolière aux avantages exclusifs des Etats-Unis, et il ne faut jamais sous-estimer le cynisme anglo-saxon.

La recherche de débouchés au pétrole de schiste américain n’est pas seulement une question d’argent, c’en est une, et c’est aussi une question de domination énergétique. Dans le monde qui vient de raréfaction, celui qui détient l’énergie détient le vrai pouvoir. L’énergie sera la monnaie.

En réalité, si l’on regarde bien les choses, les Etats-Unis, Israël, et l’Arabie-Saoudite ont intérêt à la guerre. D’ici moins de 10 ans, les Saoudiens n’auront plus aucune goutte de pétrole à vendre, il ne leur restera plus qu’un désert de sable. Dans 10 ans, les Saoudiens n’auront plus de moyen de pression ou d’utilité géostratégique. Plus d’utilité, plus de protection militaire.

En Israël le nouveau gouvernement n’a toujours pas été formé et il est peu probable qu’il se passe quelque chose de « sérieux » avant que les Israéliens ne disposent d’un gouvernement opérationnel. Conserver l’avantage nucléaire est considéré en Israël comme une question de survie. Quand la survie de l’état hébreux est en jeu, les risques d’une guerre avec l’Iran, risques qui plus est partagés avec les Etats-Unis et l’Arabie-saoudite, peuvent apparaître comme acceptables.

Guerre ou Paix ?

Je n’en sais fichtre rien…

Ce que je sais, c’est qu’il y a à mon sens des facteurs fondamentaux plus nombreux et plus puissants que l’on ne croit qui peuvent rendre le pire possible, même si pour le moment les marchés ne parient pas du tout sur le scénario du pire.

Dans un contexte comme celui qui prévaut, vous pouvez par exemple couvrir vos PEA avec des BX4 (qu’il faudra vendre s’il ne se passe rien bien évidemment). Vous pouvez aussi vous abstenir d’investir dans des actifs financiers et aller plutôt vers les actifs tangibles ou rester en cash.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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