DSP2 : disruption du monde des paiements ou simple évolution ?

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Par Frédéric Senan Publié le 9 février 2018 à 5h00
Dsp2 Services Paiement Union Europeenne
13La première directive des services de paiement (DSP1) autorise les consommateurs à réclamer un remboursement sous 13 mois.

Ces dernières années, nous avons assisté à une forte mobilisation de la Commission européenne pour réguler les services de paiement.

De la première Directive des Services de Paiement (DSP1) adoptée en 2007 visant à apporter un cadre unifié au sein de la zone SEPA en ouvrant le secteur bancaire à de nouveaux entrants (établissement de paiement) tout en protégeant les consommateurs avec un droit au remboursement sous 13 mois, en passant par la règlementation IFR (« Interchange Fee Regulation ») baptisée règlementation des interchanges voire par abus « baisse des interchanges » appliquée depuis le 9 décembre 2015, nous voici aujourd’hui à l’aune de la DSP2.

Les effets de la DSP1 ont été quasi invisibles pour le consommateur final puisque la baisse des commissions sur les cartes bancaires n’a pas eu de répercussion sur le pouvoir d’achat du consommateur. Les objectifs affichés par la Commission européenne pour la DSP2 sont tout autres, il s’agit d’améliorer la sécurité et de réguler de nouveaux services d’initiation et d’agrégation de paiement au service des consommateurs. La Commission européenne va-t-elle enfin réussir à remplir ses objectifs affichés ? Cela reste encore à prouver.

En fait, ce mouvement perçu comme de la régulation pour des pays dont les systèmes de paiement sont moins matures et comme de la dérégulation contraignante par les autres (dont la France) a plusieurs vertus. La première d’entre elles est de faire naître un formidable fourmillement d’innovations avec la création de milliers de Fintech en Europe. En effet, au travers de la réglementation, des espaces d’intermédiation se créent entre les acteurs traditionnels, parfois à leur insu…

La deuxième vertu est donc de rebattre les cartes des marchés du paiement en bousculant les acteurs installés grâce au monde des Fintech qui, à défaut d’avoir des business model évidents, ont quasiment toutes en commun la caractéristique de s’attaquer avec acuité et pertinence à une partie de la chaîne de valeur du paiement. C’est à ce titre que le consommateur européen verra et voit déjà des services nouveaux arriver dans son smartphone, assortis de tarifs plus attractifs que ce que proposent les majors du secteur (banques, prestataire de services de paiement…)

Au final, la DSP2 donne l’impression d’une fantastique opportunité de développement pour les nouveaux acteurs mais cela se heurte à deux écueils majeurs : la pérennité de ces acteurs et le risque encourus par les consommateurs qui leur font confiance d’une part et, d’autre part le mouvement de régulation national, qui par l’interprétation plus ou moins extensive des textes, introduit des distorsions entre les différents membres de l’Union Européenne. La DSP2 sera sûrement bénéfique à tous les agents économiques, au développement des Fintech, à leur rachat par les grands groupes dans bon nombre de cas et, in fine, aux consommateurs qui auront eu au passage des services nouveaux et des tarifs en apparence plus attractifs. Cependant, cette homogénéisation des pratiques de paiement en Europe ouvre certes les perspectives pour les acteurs européens mais ouvre aussi les appétits d’acteurs outre-Atlantique ou en Asie qui voient se dessiner un bloc réglementaire et technologique plus homogène donc plus facile à appréhender. L’Europe des paiements n’est plus un patchwork de systèmes mais un bloc unifié avec des règles communes.

Depuis les premières lettres de crédit dans l’Antiquité, le paiement est une affaire de sécurité et de confiance mais les formes les plus abouties en matière de cryptomonnaie font la démonstration que ces deux critères sont fondamentaux. La DSP2 et ses interprétations imposent au final des investissements importants (authentification forte avec les RTS, une certaine convergence vers les systèmes de place STET ou ABE pour l’Instant Payment…). Les acteurs du paiement de demain devront s’acquitter de ces investissements importants pour garantir au consommateur et au régulateur la sécurité et la pérennité de leur offre. Nous devrions donc assister à une vague de concentration des acteurs après la formidable et salvatrice vague d’expansion que nous connaissons.

La DSP2 offre au paiement une formidable opportunité de se réinventer, de se digitaliser, d’en partager les usages au niveau européen, charge aux acteurs européens d’en garder la maîtrise pour l’intérêt du consommateur.

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Frédéric Senan est actuellement Directeur Général de la Fintech Morning et directeur du développement de la banque Edel. Il a exercé plusieurs fonctions de direction générale de banque mutualistes auparavant il est spécialisé dans la distribution multicanale et technologique depuis plus de 15 ans. Âgé de 50 ans, il est juriste de formation et titulaire d’un MBA bancaire.

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