Le B.A BA de l’économie de marché – 2

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Par Augustin Landier Modifié le 9 mai 2013 à 7h49

Extraits du livre d'entretiens « B.A. BA d'économie », co-édité aux éditions Le Pommier/Cité des Sciences et de l'Industrie.

Entretien avec Augustin Landier, mené par Igor Martinache.

Qu'est-ce que l'économie domestique ?
La maison est aussi un lieu de production et d'échanges. À la maison, l'argent peut être totalement absent des échanges, mais il intervient parfois (avec l'argent de poche des enfants, par exemple). En fait, la présence de flux d'argent n'est pas un bon critère pour savoir si l'on est dans une situation de marché ou pas : un échange comme « je garde les enfants ce soir, mais tu fais la cuisine ce midi » peut être considéré comme une transaction.

Il y a deux choses qui distinguent fortement les relations domestiques d'un marché au sens strict. Tout d'abord, ce sont des relations répétées dans le temps et exclusives. Dans le marché dont nous parlions plus haut, il n'y a pas cette notion de « jeu répété » : un acheteur peut être totalement anonyme ou changer de fournisseur en permanence.

Dans l'économie domestique, par exemple au sein d'une famille, il y a des renvois d'ascenseur à long terme qui ne relèvent pas directement de la logique de marché. Par ailleurs, on touche avec les relations familiales aux limites de l'intérêt individuel : le fait que les gens aiment léguer un héritage à leurs enfants montre que leur bien-être est directement lié à celui de leurs descendants ; ce n'est donc évidemment pas une simple transaction dont on attend quelque chose en retour.

L'aspect économique des relations familiales est un peu tabou, mais certains économistes parlent pourtant de « marché du mariage » : les individus choisissent avec qui signer ce contrat à long terme en comparant les options possibles, ils ne choisissent pas au hasard...

Au sein des entreprises, on observe aussi des relations répétées.
Oui, c'est exact : dans une entreprise, les gens négocient leur salaire, puis coopèrent jour après jour avec leurs collègues pour faire avancer les projets. Ils ne sont pas tout le temps en train de négocier ou de comptabiliser le prix de leurs services, de l'accès aux machines, etc.

Cela simplifie les choses, favorise la coopération et fournit une sorte d'assurance (« je toucherai mon salaire, même si l'entreprise a moins besoin de moi ce mois-ci »). En même temps, il y a bien derrière cela un marché de l'emploi : quand on embauche, on compare les diplômes des candidats, leur expérience et leurs exigences salariales.

On retrouve aussi cette importance des relations à long terme entre les entreprises et leurs fournisseurs ou entre une entreprise et son banquier. Si un banquier connaît depuis longtemps une entreprise et qu'il lui fait confiance, il lui tiendra moins rigueur d'un problème de trésorerie passager. Cela n'est pas un phénomène de marché.

Tout bien ou service a-t-il, selon vous, vocation à être échangé sur le marché ?
Ce n'est pas noir ou blanc. L'État intervient sur le marché pour éliminer les transactions perverses. Je citerai deux motifs d'intervention.
D'abord les externalités : si un consommateur veut acheter un bien dont la production cause une pollution importante, il est efficace de taxer ce bien pour forcer l'acheteur à prendre en compte l'effet négatif de la pollution.

Un second motif d'intervention, c'est ce que l'on appelle le paternalisme : l 'État protège les individus un peu comme les parents protègent leurs enfants ; en particulier, il invalide les transactions où l'une des parties n'est pas consciente de ce que la signature du contrat va impliquer, ou dans laquelle elle est particulièrement vulnérable ou inattentive au moment de signer.

Bien sûr, il faut veiller à ce que cela n'empiète pas trop sur la liberté individuelle. C'est un très vieux thème dans l'histoire
du capitalisme, qui est bien traité dans Le Marchand de Venise* : convaincu qu'il ne prend aucun risque, Antonio signe un contrat stipulant qu'on lui prélèvera une livre de chair s'il n'arrive pas à rembourser sa dette.

Mais les choses ne tournent pas comme il l'avait prévu... Le rôle du régulateur est d'éliminer ces situations où des gens signent des contrats qu'ils ne comprennent pas ou qui sont clairement trop extrêmes. Par exemple, on ne peut pas signer avec une entreprise un contrat où l'on s'engage à travailler toute sa vie pour elle : ce dernier ne serait pas considéré valable par un juge.

Pour lire le début de l'article, cliquez ici

HC B.A.BAeco

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Augustin Landier est professeur à l'École d'économie de Toulouse. Il est coauteur du Grand Méchant Marché (Flammarion, 2007) et de La Société translucide (Fayard, 2010).

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